Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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LA GUERRE DES AMAZONES
- Par asbl-creabulles
- Le 11/06/2024
Scénario : Stéphane PIATZSZEK
Dessin : Guillermo GONZÁLEZ ESCALA, Iñaki HOLGADO & Nicolas BÈGUE
Couleurs : Guillermo GONZÁLEZ ESCALA & Nicolas BÈGUE
Dépot légal : Janvier 2024
Editeur : Soleil Productions
Collection : Quadrants
Grand format
ISBN : 9782302102774
Nombre de pages : 56Royaume de Bohême, 805 après J.-C. La princesse Libussa, fille du roi Krok, rentre au château de Dievin, accompagnée de ses guerrières au terme d’un combat contre des trafiquants d'esclaves. Mais son père a d'autres préoccupations. Il vient d’apprendre que les armées du roi des Francs, Karl, fils de Charlemagne, sont en route pour conquérir et christianiser les terres de Bohême. Malgré l'avis contraire de Radovan, son proche conseiller, le roi Krok refusant de devenir un simple serviteur de Karl décide d'aller à l'affrontement. Il confie son royaume à sa fille Libussa, réputée farouche guerrière, soutenue par sa sœur Téta, qui a un don de voyance et communique avec les dieux. Bien qu’opposée à la décision de son père, Libussa n'en est pas moins heureuse car elle pourra enfin faire connaissance avec celle qui attire toute son attention, la guerrière Vlasta, fille de Malko. Un dragon géant quitte le château emmenant avec lui le roi et ses troupes au combat. Peu après, Libussa est prévenue de la présence d’intrus dans le bois sacré du château. Elle y découvre un vieil homme qui tente de la raisonner… et de l’évangéliser. C’en est trop pour la princesse qui punit cette insulte à ses dieux en lui tranchant la tête. Le temps passe et alors que l’hiver s’est installé, le comte Renaud, émissaire du roi Karl, se présente à la porte du château de Dievin pour restituer le corps du roi Krok, tué sur le champ de bataille et obtenir la reddition de Libussa désormais souveraine du royaume slave. Pour toute réponse, elle lui jette la tête tranchée du vieil homme qui avait sans aucun doute été envoyé par le roi Karl. Si Libussa est désormais reine, elle ignore encore que l’un des plus proches conseillers de son défunt père l’a trahie. Mon avis : Le dessinateur et coloriste basque espagnol Guillermo Gonzáles Escalada est décédé à l'âge de 50 ans en juin 2021 sans avoir pu achever l’album sur lequel il travaillait. Grâce à Iñaki Holgado et Nicolas Bègue, l’album a enfin pu être achevé et publié en janvier 2024.
Vu le titre on s'attendrait à voir surgir des amazones tout droit sorties de la mythologie grecque. En fait, il n'en est rien car cette fiction nous fait vivre l’aventure de femmes guerrières slaves ayant tout à fait leur place au sein d’une société païenne polythéiste vénérant de nombreux dieux et déesses.
La femme y est l’égal de l’homme et n’a rien à lui envier y compris dans le rôle de guerrier. Pour les propagateurs du christianisme, les slaves étaient au contraire considérés comme des impies et les femmes n'y avaient évidemment pas leur place en tant que soldats.Ce one-shot pourra enfin paraître alors qu'il était inachevé, entre histoire avec un grand H et légendes, malgré un scénario bien mené par Stéphane Piatzszek. Il y avait là un potentiel pour d’autres albums tant le contexte s’y prêtait et on aurait aimé en savoir un peu plus sur chacun des personnages emblématiques de ce récit épique. Malgré tout, je suis content d'avoir pu grâce à cet album découvrir sans doute trop tard puisqu’il est décédé en 2021 un dessinateur espagnol très doué.
Le trait est fin et soigné, les couleurs bien travaillées pour un rendu visuellement très agréable. La narration visuelle est très efficace même si l’on peut évidemment regretter une fin un peu trop abrupte.Un bel album où la frontière entre dessin et peinture est souvent floue.
SDJuan
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BESTIAL
- Par asbl-creabulles
- Le 09/06/2024
Scénario : Eric CORBEYRAN
Dessin : Luca MALISAN
Dépot légal : Avril 2024
Editeur : Edition KAMITI Édition collector
Grand format
EAN/ISBN : 979-10-97477-44-8Février 99, dans la péninsule de Kola en Russie, un homme est retrouvé gravement blessé, en hypothermie, mais il réussit contre toute attente à survivre. Le médecin qui le soigne ne comprend pas sa capacité à se régénérer et à guérir quasiment spontanément. Il n’en saura guère plus. À peine un mois plus tard, l’inconnu, baptisé Gary, s’échappe de l’hôpital, non sans y semer des cadavres atrocement mutilés. Quelques années plus tard, on retrouve Gary en fuite à Moscou, poursuivi par une équipe de professionnels. Leur but : le capturer. Pour qui, pourquoi ? Il l’ignore. La seule chose dont il est convaincu, c’est qu’il doit absolument quitter la Russie. Sa compagne, Yelena, lui propose alors la solution de se faire passer pour mort et de transiter dans un cercueil. Mais bien évidemment, tout ne va pas se passer comme prévu…
Après avoir redonné vie tout récemment à Thomas Carnacki et ressuscité les Comics façon Au-Delà du Réel avec ses deux compères Rurik Sallé et Paskal Millet, il était évident que l’univers imaginaire de Corbeyran croiserait un jour les grosses bébêtes poilues. C’est désormais chose faite avec ce Bestial, paru chez Kamiti, et qui porte on ne peut mieux son titre. Une BD de loup-garou, on s’en doute, mais avec la "Corbeyran’s touch" que j’adore, très sombre, une explication scientifique à l’existence de Gary, ses capacités et sa possibilité de survie.
Au dessin, Luca Malisan fait des merveilles, avec des personnages ciselés aux traits réalistes, et un jeu d’ombres chinoises qui les entoure. Nous sommes dans le bestiaire de Frank Frazetta, de Boris Vallejo, de Ken Kelly, de Bernie Wrightson (une de mes idoles). Mention spéciale pour le personnage de Gary lui-même, mi-homme mi-bête, il le dit d’ailleurs : je suis une bête. Visage anguleux et yeux bleus très clairs. Un fauve. Et c’est parti pour 54 pages de pure action, entre fantastique et horreur, sans temps mort.
On sent chez Corbeyran le travail du pitch dès le départ, il ne cherche pas à nous assommer avec des pages et des pages inutiles, on entre directement dans le vif (sans jeu de mot) du sujet. C’est sa force de scénariste, mieux, de conteur. Dieu que cet homme est énervant ! Il va m’obliger une fois de plus à attendre son prochain délire et la suite des aventures de Gary. L’alchimie entre les deux auteurs est visible, ce n’est pas leur première collaboration, d’abord comme coloriste mais aussi comme dessinateur avec In Vino Veritas.
Si vous aimez les histoires de monstres à la Dog Soldier, American Werewolf in London, The Howling, ou même Wolfen, alors précipitez-vous sur cette BD. Moi, je n’ai eu aucune hésitation !
Richard Colombo
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WONDER WOMAN Hors-la-loi #1
- Par asbl-creabulles
- Le 08/06/2024
Tome 1
Scénario : Tom KING
Dessin : Daniel SAMPERE, Belen ORTEGA
Couleurs : Tomeu MOREY, Alejandro SÁNCHEZ
Dépot légal : mai 2024
Editeur :
Collection : DC Infinite
Format : comics
EAN/ISBN : 979-10-26829-41-6
Planches : 208La salle de billard Kanigher’s Cues des quartiers Ouest de Billings dans le Montana a été le théâtre d’une scène macabre. On dénombre 19 victimes, uniquement des hommes. Les deux seules femmes présentes ont été épargnées. Une suspecte a été identifiée grâce aux vidéos de surveillance. Il s’agit d’une amazone. Aussitôt, une vive polémique enflamme le pays quant à l’attitude à adopter à son égard et plus généralement pour ce qui est de l’avenir des amazones aux États-Unis. Pour certains, elles sont et restent des héroïnes, pour d’autres c’est la preuve qu’elles sont un cauchemar puisqu’elles jouent le rôle d’hommes et agissent en barbares menaçant l’ordre américain établi. Au terme d’un débat animé, les autorités finissent par voter, signer et promulguer la loi dite de sécurité amazone (Amazon Safety Act). Désormais, les amazones sont bannies et expulsables du territoire américain, et ce par tous les moyens nécessaires. Une unité spéciale a été créée, l’A.X.E. (Amazon Extradition Entity), avec à sa tête le Sergent Steel qui ne va pas hésiter à abattre celles qui auraient le malheur de ne pas obéir aux injonctions de quitter les États-Unis. Après des semaines de traque, ses hommes et lui ont capturé ou tué près de 300 amazones. Seule Wonder Woman refuse de quitter le territoire américain tant qu’elle ne connaîtra pas la vérité sur le massacre du Montana… quitte à affronter les forces armées américaines et tous ceux qui voudront l’en dissuader. Mon avis: Il y a longtemps que je n’avais pas lu un album mettant si bien en avant toute la puissance de notre amazone préférée. Il fallait oser lui faire tenir tête à l’armée américaine tout entière ! C’est génial et c’est crédible.
Le scénario de Tom King ne cesse de nous surprendre. Il est d’une richesse incroyable, multipliant les rebondissements et développant en profondeur les personnages qui traversent cette histoire.Si tout s’enchaîne à une vitesse folle, Tom King réussit malgré tout à introduire des moments de pause inattendus comme ces scènes bluffantes où Wonder Woman demande à ses amies de ne pas intervenir alors qu’elles sont en plein rapport de rivalité et de défi.
L’histoire est habilement construite et captive l’attention de bout en bout. Et puis il y a ce léger décalage entre d’une part les images et les dialogues décrivant l’action en cours et d’autre part les récitatifs contenant la voix off du narrateur au-dessus des lois et maître du déroulement des événements qui nous raconte et nous explique ce qui s’est passé, ce qui est en train de se passer et ce qui va se passer. L’effet est bluffant et plutôt addictif. Côté dessin, Daniel Sampere donne vie au scénario de Tom King par son trait précis et détaillé. Il est tout aussi à l’aise dans les scènes d’action époustouflantes que dans celles d’une extrême quiétude.
L’ensemble bénéficie d’une mise en page bien structurée et claire alternant de nombreuses scènes d’action mais aussi des moments bien plus paisibles, soulignant tout autant la puissance, l’agilité et la violence des coups assénés que la beauté, l’élégance, la prestance d’une héroïne qui force le respect tout au long de l’album.
Très beau travail de Tomeu Morey sur les couleurs qui soulignent la beauté des images, en donnant volume et clarté à la narration visuelle.
Vous l’aurez compris j’ai adoré ce premier tome de Wonder Woman - Hors-la-Loi !Le récit principal est précédé d’un prologue et suivi d’un épilogue qui valent aussi le détour, dus respectivement à Tom King, Daniel Sampere et Tomeu Morey pour l’un et Tom King, Belén Ortega/Daniel Sampere et Alejandro Sánchez/Tomeu Morey dans un style plus fun, dynamique et coloré pour le second.
Un premier album à ne pas rater qui fait passer un très bon moment de lecture.
SDJuan
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ULYSSE & CYRANO
- Par asbl-creabulles
- Le 06/06/2024
Scénario : Xavier DORISON et Antoine CRISTAU
Dessin : SERVAIN
Couleurs : SERVAIN
Dépot légal : Juin 2024
Editeur :
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-203-17147-3
Planches : 176L’avenir d’Ulysse Ducerf est tout tracé. C’est un élève appliqué, mais il doit encore faire des efforts pour être parmi les premiers de sa classe. Et surtout, préparer son baccalauréat pour marcher dans les pas de son père Charles et, comme lui auparavant, de son grand-père. Tout semble aller de soi jusqu’à ce que son père soit accusé de collaboration avec l’ennemi en ayant participé à l’effort de guerre allemand. L’opprobe est aussitôt jetée sur la famille. Bien décidé à régler cette affaire devant les tribunaux, le père décide d’envoyer sa femme et son fils en Bourgogne sous un nom d’emprunt le temps que les choses s’apaisent et qu’Ulysse puisse étudier tranquillement pour passer son bac. C’est là qu’Ulysse va faire la connaissance de Cyrano, ce grand cuisinier qui avait failli avoir la médaille du meilleur cuisinier de France 15 ans plus tôt. Une rencontre qui va bouleverser à jamais la vie d’Ulysse et de sa famille. Un gros et bel album sur le destin d’un étudiant ayant un avenir prometteur devant lui, sauf que cet ordre tranquille va soudainement être bousculé par la rencontre avec un grand cuisinier, un homme discret mais dont les plats vont capter toute l’attention du jeune homme. Dans ce récit, la cuisine tient un rôle majeur. Élevée au rang d’art culinaire exécuté avec passion, elle rend le cuisinier heureux mais aussi tous ceux qui en profitent autour de lui, à commencer par Ulysse. L’émancipation personnelle d’Ulysse et le plaisir qu’il n’aurait jamais soupçonné ressentir n’auront pu se réaliser que par la séparation d’avec son père et l’éloignement d’une voie toute tracée dans la cimenterie familiale. Mais pour s’épanouir dans sa nouvelle voie, Ulysse va devoir faire preuve de courage face à son père mais aussi face aux critiques et moqueries de la classe sociale dont il est issu. M’ayant habitué à des récits aventureux et épiques, Xavier Dorison m’a très agréablement surpris avec cette histoire, coécrite avec Antoine Cristau, dans un style plus intimiste, plus paisible dans laquelle la grande cuisine est traitée comme un personnage supplémentaire.
Le récit donne la part belle à l’amitié, au partage, à la passion.
La complicité entre Cyrano et Ulysse est authentique. L’autre défi était de rendre visuellement attrayant un album traitant majoritairement de cuisine. Servain l’a relevé avec brio en nous proposant un large éventail de personnages et de décors tout au long de l’album. On a presque envie de goûter tous les plats illustrés mais on est également séduit par les réactions des personnages, à travers le plaisir qu’ils prennent à les déguster ou la satisfaction que ressent Ulysse à les préparer et à travailler avec Cyrano.Une lecture inspirante à déguster au plus vite.
SDJuan
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VERTIGÉO
- Par asbl-creabulles
- Le 29/05/2024
Scénario : Lloyd CHÉRY
Dessin : Amaury BÜNDGEN
Couleurs : N&B et 10 pl couleurs par Elvire DE COCK
Adapté : Emmanuel DELPORTE
Dépot légal : Mai 2024
Editeur :
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-203-25731-3
Nombre de pages : 136Dans ce monde post-apocalyptique, il ne reste plus rien hormis des cendres. Tout est noir, tout est gris, sans aucune couleur, sans lumière. De la vie il ne reste que des survivants et de redoutables créatures volantes, les "voraces". Dans ce chaos qui dure depuis des siècles, les rescapés ne cessent de travailler dur à l’édification de 13 immenses tours s’élevant vers le ciel pour dépasser le nuage de cendres, reliées entre elles par des passerelles. Un système tyrannique entretient le projet fou de Vertigéo. Les hommes savent qu'ils doivent travailler sans relâche et toujours plus. Mais le danger les guette et beaucoup y perdent la vie, bien plus même qu’on ne pourrait l'imaginer. Car une seule chose compte, les "poussées", ces blocs de 50 étages qui dressent les tours vers le ciel toujours plus haut. Et chaque réussite signifie pour les ouvriers un temps de repos appelé "halte cinquante". Mais l’une des tours semble perdre de la vitesse... inadmissible aux yeux du Chambellan, le représentant de l’Empereur, qui va certainement exiger plus de travail encore pour chacun. C’est alors qu’Ugo, le chef de chantier, décrète une journée stérile, sans travail, car une violente tempête approche. Tout le monde doit se barricader dans la tour. Un homme manque à l'appel... le météorologue Esteban. Ugo, à bout de forces, va peut-être enfin découvrir la vérité sur Vertigéo.Mon avis : S’inspirant d’une nouvelle d’Emmanuel Delporte, le scénariste Lloyd Chery nous décrit la folie à laquelle est conduite l’humanité dans ses efforts de survie après une catastrophe planétaire.
Réalité ou fiction ? Un peu des deux en fait, même si l’album est bien une fiction décrivant une société imaginaire.
Suite à l’apocalypse et ses conséquences dramatiques pour l’environnement et l’humanité, seul le travail des survivants pourra permettre d’aller toujours plus haut pour atteindre la lumière grâce à la construction de tours.
Un travail dangereux et difficile mais surtout interminable et privé de sens mettant les ouvriers en concurrence dans l’édification des tours et les soumettant à l’autorité des hommes de main d’un chambellan lui-même aux ordres d’un empereur invisible.
À travers plusieurs chapitres, le récit nous décrit un pouvoir totalitaire et sans pitié exerçant une emprise totale sur la population avec toutefois la promesse de jours meilleurs une fois le but atteint.
Une espérance censée motiver les ouvriers au début, ensuite devenue une servitude au fil du temps, avec ses châtiments si le travail n’est pas ou mal fait et surtout une confrontation au défi permanent du danger y compris de la part de redoutables créatures volantes.Un album qui donne le vertige non seulement par son récit mais surtout par le dessin d’Amaury Bündgen (Iron Mud en 2021, Le Rite en 2022).
On retrouve avec plaisir son trait si typique, mélange réussi de franco-belge et de comics.
Le trait est soigné, riche et complexe.
L’univers illustré et principalement ses décors sont très impressionnants.
Soulignant le côté sombre du récit, l’album est proposé en noir et blanc avec toutes les nuances de gris, seules les dernières pages ont été mises en couleur par Elvire de Cock.
Un récit complet intense qui réjouira tous les amateurs de science-fiction intelligente et de belles illustrations.SDJuan
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MURENA 12
- Par asbl-creabulles
- Le 16/04/2024
Tome 12 . Mort d'un sage
Scénario : Jean DUFAUX
Dessin : THEO
Couleurs : Lorenzo PIERI
Dépot légal : mars 2024
Editeur : Dargaud
Cycle : 3
Format normal
EAN/ISBN : 978-2-505-11643-1
Nombre de pages : 54Néron a réchappé de justesse à un complot. Tout semblait accuser Lucius Murena de participation à la conspiration visant à le tuer alors qu’il venait de reprendre une relation amicale avec lui. Ses doutes sont finalement levés lorsqu’il apprend que Lucius était sous l’emprise de Lemuria et de ses drogues, une Lemuria qui d’ailleurs n’en a pas fini avec Murena puisqu’elle charge Fevo, un ancien gladiateur, de le surveiller de près. Entretemps, Néron a accepté de combattre l’Hydre, une guerrière redoutable qu’il choisit d’épargner alors même qu’elle l’a vaincu dans l’arène. En fait il a appris qu’elle serait sa demi-sœur née d’une liaison cachée de sa mère Agrippine avec son précepteur, l‘illustre Sénèque. Pour en être sûr, Néron charge Lucius Murena d’enquêter à ce sujet. Lucius Murena a certes récupéré petit à petit la mémoire mais tout semble aller trop vite. Les complots, les manigances de toutes sortes ne donnent guère à Murena l’occasion de reprendre sa vie en main comme il l’espérait. De même, le fourbe et cupide Tigellin lui aussi est contrarié car il a du mal à tirer les ficelles dans le sens de ses ambitions de plus en plus pressantes. Quant à Néron, en proie à ses délires de plus en plus fréquents, il risque bien de perdre pied mais surtout de perdre les dernières personnes sur qui il pouvait encore compter.Mon avis : Jean Dufaux est sans aucun doute l’un de ces (rares) auteurs qui travaillent leur scénario sur le long terme. Cela se ressent et lui réussit. Certes, il dispose de matière à profusion avec tout ce qui a trait à l'empereur Néron mais il sait également y apporter les touches de fiction et autres personnages nécessaires pour nous tenir en haleine.
C'est autour de Sénèque que tout va se jouer dans cet album, avec comme toujours depuis le début de la série une multitude de traîtrises et de manipulations qui vont se jouer autour de l'empereur et de ses proches.
On apprécie son sens aigu de la narration et sa passion pour l'histoire mais ce qui le place un cran plus haut c'est son don exceptionnel pour créer ses aventures tout en respectant le travail de son dessinateur.
Le résultat est tout simplement bluffant.Au dessin, Theo Caneschi réussit à nous faire vivre cette histoire avec des images de toute beauté. Ce n'était pas évident de prendre la succession de Philippe Delaby mais je dois dire que je suis impressionné par son travail.
Son sens du détail, le soin apporté aux très nombreux décors, la qualité des scènes d'action, tout y est pour que cette grande fresque historique soit toujours au top de la BD du genre.
Je ne peux que vous conseiller de prendre aussi l'album des crayonnés de Theo pour vous rendre compte du soin qu'il apporte aux détails.
Que dire des couleurs de Lorenzo Pieri sinon qu'elles sont incroyables et parfaitement travaillées pour apporter lumière et volume au dessin dans le respect du moindre détail.Dernier tome du troisième cycle tout à fait à la hauteur de nos attentes.
La série Murena ne cesse de nous régaler depuis sa naissance en 1997.SDJuan
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Le Combat d’Henry Fleming
- Par asbl-creabulles
- Le 17/03/2024
Steve CUZOR (scénario et dessin)
Meephe Versaevel pour la version couleur
D’après le roman de Stephen Crane (The Red Badge of Courage)
Préface : José-Louis Bocquet
Illustrations d’ouverture des chapitres, Tom CUZOR
Éditions DUPUIS
Collection Aire Libre.
Dépot légal : février 2024
Grand format
ISBN : 9791034752485
Nombre de pages : 124J’ai préféré la version noir et blanc n’aimant pas la teinte verdâtre couvrant la majorité des pages de l’édition normale.
Steve CUZOR est un génie du noir et blanc.
Il suffit de feuilleter ce livre.
Chaque page montre son talent.
La lumière qui ressort de cette confrontation des noirs de l’encre et des blancs de la page est éclatante, tranchante, percutante.
La fumée des explosions, l’obscurité des sous-bois, les traits si expressifs des visages… tout concourt à rendre ce récit tellement noir, dramatique.
Le combat d’Henry Fleming relate un épisode de cette sanglante Guerre de Sécession.
Le lecteur accompagne Henry, jeune nordiste dans la tourmente des combats.
Les nordistes doivent repousser les sudistes.
C’est un ordre !
Henry passe par tous les sentiments, l’indécision, la crainte, la peur, la lâcheté, le remords.
Quand il comprend que son général se planque et qu’il sacrifie les péquenots pour que les vrais soldats triomphent, la bravoure et la colère envahissent le jeune homme qui veut se venger en fonçant vers l’ennemi en porte-drapeau héroïque et inconscient.
J’aime le travail artistique (scénario et dessin) de Steve CUZOR pour cette adaptation parfaite.
J’aime la réflexion qu’elle apporte sur la stupidité des guerres, la boucherie, la cruauté qu’elles engendrent.
Comment tous ces hommes (enfants, pères, maris, frères) peuvent-ils être si conditionnés pour en perdre leur libre arbitre et aller, enragés, tuer leurs semblables ?
Et tous ces hommes devenus pions sont écrasés, broyés, démantibulés pour les idées de leurs chefs avides de pouvoir et de richesses.
Merci Stephen Crane, merci Steve Cuzor de susciter cette réflexion.
Et pourtant certains lecteurs se délecteront des scènes de bataille.
Moi pas, je n’ai ressenti que du dégoût.M.Destrée
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LA NEIGE ÉTAIT SALE
- Par asbl-creabulles
- Le 15/03/2024
La neige était sale
Scénario : Jean-Luc FROMENTAL
Dessin : YSLAIRE
Couleurs : YSLAIRE
AdapGeorges SIMENON
Dépot légal : Janvier 2024
Editeur : Dargaud
Collection : Simenon, Les Romans.
EAN/ISBN : 978-2-505-11580-9
Nombre de pages : 97Je n’ai pas lu ce roman de Simenon.
Je n’ai lu qu’un Maigret.
Et aussi Le Chat, reçu un jour lointain de Guy (aventurier qui a disparu comme il a vécu).
Pourtant, je devrais aimer mais je lis déjà tellement d’autres auteurs…Mais Bernard Hislaire (Yslaire), je l’ai bien connu et lu mais perdu hélas aux détours des fils de la toile du XXe Ciel. J’ai essayé puis j’ai abandonné et pour ne pas le peiner je n’ai jamais osé lui avouer.
Et voilà que je le fais ici…Mais depuis, il a repris Sambre puis nous a offert Baudelaire en cahiers, en récit et en illustrations des Fleurs du Mal.
Cadeau des Dieux ou son Art atteint un niveau supérieur mais pas encore ultime.
Et il ne m’en voudra pas de ma confession car maintenant il est devenu fort.La neige était sale est un nouveau pas dans son ascension artistique. Et un grand !
Je laisse de côté le scénario. Adaptation maîtrisée du grand scénariste qu’est Jean-Luc Fromental. Il est parfait.
Je m’attache uniquement au côté artistique de l’œuvre.
Première planche page 5 : une grande case grise riche de détails qui montre un quartier détruit par une guerre. Un bâtiment est intact. Le rez-de-chaussée est un bar d’où perce une lumière rose qui éclaire une jambe gainée d’un bas dans la dernière case.
C’est un lieu de perdition.
La troisième planche montre des vilains aux habits épais où le rose traversant la fenêtre teinte la noirceur de la nuit.
Deux des personnages importants de l’histoire entrent en scène observés par Simenon lui-même.Yslaire utilise des techniques différentes dans certaines cases et l’effet obtenu est parfait comme dans la troisième case page 11. Le personnage à l’avant-plan dans l’ombre est dessiné avec des traits épais et précis puis le dessin devient de plus en plus léger mais toujours précis au fur et à mesure que le regard avance dans la pièce.
Le jeu des lumières, des couleurs et le trait rendent cette scène si réelle dans le vécu de ces personnages de papier.
Les deux pages suivantes sont de l’expressionnisme, du fantastique, du roman noir.
Après, nous voilà dans une bonbonnière. Quel contraste!
Ce vieux rose chair est parfait.
Il faut saluer et remercier Lola Hislaire pour son assistance précieuse à la réalisation des fichiers couleurs (extrait des notes en fin de volume).
On passe d’ambiances rosâtres à des touches de vert ou bleu passé du plus bel effet.
Parfois le dessin est si réaliste qu’on s’extasie.
Les pages 30 à 34 d’un brun-jaune inquiétant montrent une des scènes les plus noires de l’album.
Jusqu’à présent, aucune onomatopée ne s’affiche dans les cases.
Et pourtant, on entend les bruits dans les silences.
Le dessin est si fort qu’on les imagine.Regardez le gros plan sur le visage de la 4e case page 49 et comparez avec celui de la dernière case page 51.
Deux techniques différentes mais si expressives.Il y aura encore quelques cases très sombres, chargées d’obscurité mais à partir de la page 66, elles deviennent plus claires, le trait est souvent plus fin.
Jusqu’à la grisaille finale ou bizarrement le rose réapparaît dans une case. D’où vient-il ?Le lecteur peut lire ce beau livre en regardant des cases si riches d’ambiance, en admirant les couleurs, en analysant les gestes, les expressions de tous ces personnages si bien représentés puis enfin accéder à la lecture d’une adaptation si adulte et si réussie d’un roman de Georges Simenon.
Je dois avouer que pendant ma lecture j’ai pensé à une ville belge ou française pendant l’occupation. J’ai même pensé que le personnage principal était juif. J’avais tout faux.
Aucun lieu n’est nommé, aucune nation n’est citée, aucun uniforme n’est typé.
Et la croix rose n’est pas juive. Honte sur moi, l’ignorant !Je ne sais pas pourquoi mais cette noirceur fantastique observée dans certaines cases me fait rêver à Bernard Hislaire donnant vie au Docteur Jekyll et Mr Hyde ou à Nosferatu ou pourquoi pas à certains contes de Poe qui ne l’oublions pas a été traduit par Baudelaire.
Voir aussi l'expo à la Galerie Champaka du 29-02 au 23-03
M. Destree