Chroniques

Scénario : Marine COURTADE
Dessin :Alexandra PETIT
Couleur : Alexandra PETIT
Dépôt légal : Avril 2025
Editeur :
Format : 19 x 26 cm
ISBN : 9782203292871
Nombre de pages : 224

Aujourd'hui journaliste indépendante, Marine Courtade gère son existence au mieux compte tenu des graves événements qui ont marqué son enfance. Il lui faut comprendre pourquoi cela a pu lui arriver. Elle a un besoin intense de clarification pour mettre de l’ordre dans sa tête.
Petite, elle a été abusée par son grand-père et n'arrive pas à croire que personne n'était au courant. A-t-elle été la seule victime de son grand-père paternel ? Mais briser le silence autour de l'inceste n'est pas facile. Un silence qui l'a entouré bien trop longtemps et qu'elle ne supporte plus.
Elle a besoin de se confronter à ce mur du silence. Elle décide de contacter ses oncles et tantes pour en parler. Sans leur annoncer dans un premier temps que l'inceste va être le sujet de ses visites évidemment. Tous acceptent et l’échange se révèle fructueux.Petit à petit les mécanismes du mutisme s’entrouvent. Les non-dits se dissolvent. Chacun à son tour explique pourquoi il ou elle a gardé le silence. Certains savaient, d'autres ne pouvaient y croire et fermaient les yeux. D'autres s'en doutaient mais n'osaient rien dire. Pire enfin, Marine Courtade découvre que d’autres enfants de la famille ont été victime d’inceste.
Mais alors ? Marine aurait-elle pu échapper à ce calvaire, vivre son enfance comme une enfant qui vit pour de vrai. Entre rage, incompréhension et tristesse, Marine explique qu'elle veut en faire une bande dessinée, mettre le tout en images. Quel courage ! Le livre est aussi l’occasion d’évoquer le déroulement de sa carrière de journaliste en s’interrogeant sur l’influence du choc qu’elle a subi enfant sur ses choix professionnels d’adulte. Elle privilégie inconsciemment ou pas les reportages concernant les violences faites aux femmes y compris sexuelles dans tous les territoires où elle a enquêté notamment au Kurdistan Irakien, en Centrafrique, au Tchad, en Ukraine, au Cap-Vert, en Afghanistan pour Arte, France 24 ou Canal Plus.
Marine Courtade transpose ces événements avec tact tant textuellement que visuellement grâce au trait doux et juste d'Alexandra Petit qui a été émue par son récit, parfois au moyen d’un voile pour faire comprendre sans voyeurisme ce qui a pu se passer.
On ne sait pas encore comment la presse et les collègues de Marine vont recevoir cette BD mais une chose est sûre, c'est qu'elle devrait être lue dans les écoles et par le plus grand nombre pour enfin casser un sujet tabou, briser les mécanismes de ce silence insupportable qui entoure les violences faites aux femmes, violence intrafamiliale comme l’inceste mais aussi violence conjugale et, qui sait, éviter qu’elles se reproduisent dans les familles. Marine aurait aimé que ce silence soit brisé plus tôt...
Ce gros album de 244 pages est enrichi de nombreux suppléments : statistiques, infos utiles sur les violences sexuelles, réflexes à adopter en cas d’agression, coordonnées d’associations…

SDJuan

Au cœur du désert
Scénario : Maryse & Jean-François CHARLES
Dessin : Jean-François CHARLES
Couleurs : Jean-François CHARLES
Adaptation du roman de Joseph CONRAD
Dépot légal : mars 2025
Editeur :
Collection : Signé
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-8082-1159-8
Nombre de pages : 90

Kansas, 1870. Arrivant de Saint-Louis, le jeune lieutenant Norman Pyle récemment formé à l’académie militaire du Missouri a rendez-vous à Fort Leavenworth avec les plus hautes autorités du Fort. Il reçoit pour mission de retrouver son frère aîné, le colonel Adam Pyle, et de le ramener à la raison. Militaire émérite, habile stratège, Adam Pyle s’est illustré pendant la guerre civile par son courage. Respecté par tous pour ses exploits et ses victoires, il a reçu la médaille d’honneur de l’US Army pour ses mérites. Mais à présent il est recherché pour des faits graves. Se cachant dans les mesas de Monument Valley, il a pris la tête d’un groupe de Navajos, des renégats apaches avec qui il sème la terreur dans plusieurs États du Sud, l’Arizona, l’Utah et le Nouveau-Mexique. L’honneur de l’armée est en jeu car le scandale commence à ternir la réputation des Nordistes. La route s’annonce longue jusqu’à Santa Fe par la montagne puis le long de l’Old Spanish Trailer jusqu’à Fort Defiance en Arizona mais elle offrira la protection de l’armée aux pionniers en route vers Fort Larned au Kansas.

Mon avis : Avec Au cœur du désert, Maryse et Jean-François Charles nous proposent une adaptation libre du roman de Joseph Conrad Au Cœur des Ténèbres publié en 1899. Ils réalisent enfin leur rêve de créer un "western", rêve qui leur tenait à cœur depuis leur premier voyage en Amérique à la fin des années 1970 comme ils le confirment en interview.  L’action se déroule dans l’Ouest américain après la Guerre de Sécession qui a vu les États de l’Union l’emporter sur les États confédérés du Sud hostiles à l’abolition de l’esclavage. Les Charles nous régalent d’une traversée périlleuse mais dans un style moins hollywoodien et stéréotypé où les héros sont tous propres et les vilains toujours monstrueux. Ici, tout le monde a sa part d’ombre et de lumière. Ce sont les événements qui vont finir par dévoiler ce que l’homme est capable de faire ou de supporter.
On retrouve avec plaisir les tuniques bleues, les indiens, les Buffalo Soldiers du Fort Leafenworth, les afro-américains sans oublier les pionniers et les éleveurs de moutons. Tout le monde essaye d’y trouver sa place et de réaliser le rêve américain.
Cet album a été l’occasion pour les auteurs de réaliser leur rêve après un second voyage aux États-Unis en 2023. Il s’appuie sur tous les souvenirs et la richesse documentaire (livres, textes, photos, vidéos) qu’ils ont ramenés de leurs deux aventures au Far West. L’occasion aussi pour Jean-Francois de nous régaler de son dessin toujours aussi magnifique, tant les superbes paysages de l’Ouest américain que les villes western avec leur saloon, leur église, leur école, leurs magasins, leurs écuries, ou que les nombreux décors d’intérieur de l’époque, sans parler des innombrables cavaliers et des mythiques et ravissantes saloon girls. Les Charles se sont fait plaisir avec ce one shot … pour notre plus grand plaisir aussi. 
L’album est enrichi d’un dossier graphique de 14 pages présenté par les auteurs en fin d'album.

SDJuan

Tome 1 . La Cité d’Ampaar
Scénario : Éric CORBEYRAN
Dessin : Dejan NENADOV
Couleurs :Seure- Erwan SEURE-LE-BIHAN
Dépot légal : février 2025 
Editeur : Kalopsia
Collection : Fantasy
Grand format
ISBN : 9782931205129
Nombre de pages : 60

Réduit à l’esclavage et maltraité durant des années, Khorgan Moorlanh a enfin pu s’affranchir du joug d’un cruel marchand pour rentrer chez lui. Mais ce retour tant espéré se transforme en cauchemar. Obligé de combattre un guerrier de son ancien clan, il en réchappe par miracle mais se voit condamné à l’exil. Khorgan trouve alors refuge dans la Cité de fer. Pour prouver qu’il est digne de confiance, il accepte la mission confiée par le margrave, descendre à l’intérieur des failles de la montagne afin de vérifier si aucun danger ne s’y trouve. En effet, depuis, quelques temps, des secousses sismiques inquiètent les habitants. Est-ce le signe du retour des monstrueuses créatures qui par le passé ont entièrement détruit la Cité d’Ampaar et tous ses habitants ? Sous la terre, les adeptes du prophète Akon se préparent au cataclysme…

C’est toujours avec un réel plaisir que je découvre une BD signée par Corbeyran. Parce que nous avons été biberonnés dans la même culture, celle de Lovecraft, de Hodgson, de Ray ou de Howard. Son univers fantasmagorique peuplé de monstres, de guerriers farouches et d’envoutantes jeunes femmes, fait écho aux aventures de Conan le barbare.

Khorgan, c’est le fils spirituel de Conan, de Rahan, mais aussi de Karga de Vernes et André Beautemps et de Thorgal de Rosinski et Van Hamme. J’y ai même retrouvé l’ombre de Den de Corben au détour de certaines pages. Un héros comme ceux qui firent les beaux jours de la Golan/Globus ou de la De Laurentiis Company. Et Corbeyran est le meilleur représentant de cette imaginaire trop souvent délaissé ou mal considéré.

Pour mettre en image ce bouillonnement d’idées, il s’associe à Dejan Nenadov, un auteur serbe dont le trait est tout à la fois rugueux dans la représentation des protagonistes, ample et précis dans ses paysages, et plein de fureur dans celle des monstruosités. un trait que n’aurait pas renié Lovecraft, lui qui ne cessait de dépeindre l’Indicible… C’est sans aucun doute pour cela que j’ai préféré la version en noir et blanc afin d’apprécier toute la subtilité des cases. Et que j’ai hâte de pouvoir tenir la suite entre mes mains. Car oui, je suis nostalgique de ces héros bruts qui ont bercés mon enfance et continuent à me fasciner. Remarquable travail comme d’habitude de Kalopsia qui aime sortir ses lecteurs de leur confort en offrant une autre palette. 

Richard Colombo

Tome 1 - Les Vierges de Thessalie
Scénario : Vincent BURGEAS
Dessin et couleurs : Ronan TOULHOAT et Yoan GUILLO
Dépot légal : janvier 2025
Editeur : Le Lombard
Grand format
EAN/ISBN :978-2-8036-7677-4
Nombre de pages : 54

Daemon est un demi-dieu. Descendant d’Arès, le dieu de la guerre, et d’une mortelle, il a été maudit par Zeus en personne. Il doit impérativement obtenir la gratitude des humains sinon son corps se transformera en marbre. D’ailleurs son bras gauche est déjà atteint.
Il chemine en compagnie de son ami Eugenios et de son chien Diomède en direction de l’Olympe pour s’y confronter à Zeus. Mais pour le moment, dans ce village de Thessalie, il s’apprête à combattre une hydre à trois têtes contre un peu de ravitaillement… et un peu de gratitude évidemment.
Rien ne se passe comme il l’espérait. Certes, il a vaincu l’hydre mais le sang de la bête a détruit et contaminé les réserves de blé des villageois... bien loin de vouloir lui manifester de la gratitude pour les avoir sauvé de l’hydre. Pire, il doit leur donner de l’or en dédommagement...
Après une nuit de beuverie dans une gargote de la cité de Trikka, le trio se remet en route au petit matin. Un peu plus loin, ils croisent le chemin de centaures qui ont enlevé une jeune fille. Une nouvelle fois, Daemon décide d’intervenir et qui sait…

Mon avis: On ne peut s’empêcher de penser à Hercule, lui aussi fils de Zeus et d’une mortelle, et aux fameux douze travaux qu’il doit accomplir pour expier sa faute (dans un moment de folie inspirée par Héra, l’épouse de Zeus furieuse d'avoir été trompée, Hercule avait tué sa femme et ses fils). Daemon, lui, doit quémander de la gratitude aux humains pour contrer la malédiction de Zeus, mais il n’est pas le descendant d’une lignée aussi prestigieuse. S’il est doté d’une force colossale, il est surtout très maladroit et prompt à se mettre en colère si bien que sa rédemption est une épreuve plutôt longue et souvent douloureuse.
Vincent Brugeas nous offre une aventure originale et mouvementée dans l’univers foisonnant de la mythologie grecque alternant des moments de colère pure heureusement teintés d’humour et des moments de calme. La narration est fluide, les personnages attachants et l’intrigue bien ficelée, donnant envie de lire la suite. 
Au dessin et à la couleur un nouveau tandem qui fonctionne très bien, Ronan Toulhoat et Yoann Guillo, nous régale de planches expressives et dynamiques, lumineuses et colorées, très réussies.
Le Lombard propose également une version N&B de qualité à "bon prix" avec couverture inédite et dossier graphique de 16 pages de suppléments.

SDJuan

tome 19 - Clandestin
Scénario : Fred DUVAL
Dessin : Stéphane LOUIS
Couleurs : Véra DAVIET
Couverture : Nicolas SINER
Dépot légal : Janvier 2025
Editeur : Delcourt
Collection : Neopolis
Cycle : 7
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-413-08299-6
Nombre de pages : 48

Poursuivi au procès pour avoir cédé un îlot d'Aquablue à Ragnar et ses pirates afin d’aider un ami, Nao est contraint de quitter la planète en échange d’un arrangement en faveur d’un divorce à l’amiable avec Mi-Nuée. Mais Nao n'aura pas vraiment l’occasion de prendre du temps pour tout assimiler. En effet, la faune semble avoir été empoisonnée par un parasite. Son fils Ylo vient d’ailleurs de trouver un Uruk Uru mort, échoué sur une plage. Cela ne s’était jamais produit auparavant et Nao se sent en quelque sorte responsable de ce qui arrive, l’incitant à découvrir les causes de l’infection et à y remédier au plus vite avant que toute la faune aquatique d’Aquablue ne soit contaminée. Sauf qu’il est désormais devenu un clandestin… et qu’il va aussi se retrouver face à Ylo qui lui en veut terriblement d'avoir privilégié ses missions au détriment de sa famille.   

Mon avis : Après Thierry Cailleteau et Régis Hautière au scénario et Olivier Vatine, Ciro Tota, Siro et Reno au dessin, Fred Duval et Stéphane Louis assisté de Véra Daviet à la mise en couleurs prennent le relais pour ce nouveau cycle (prévu en trois tomes). Succession lourde pour ces nouveaux auteurs compte tenu de la notoriété de cette série culte du catalogue Delcourt des débuts de la maison d’édition (le tome 1 date d’avril 1988). Ils ont dû faire avec tous les éléments de leurs prédécesseurs et on peut dire que le défi est relevé haut la main. Fred Duval perpétue les aspects écologie et anticolonialisme chers à la série et même si ce premier album sous sa plume développe moins de pistes et aborde moins de thèmes que les précédents, on sent bien qu’il doit faire avec tout ce qu’ils lui ont "légué". C’est là quelque chose de compliqué et même si je trouve que les retrouvailles père/fils sont un peu trop gentillettes et que Mi-Nuée a très, voire trop, vite trouvé nouvelle chaussure à son pied, Fred Duval s’en sort avec brio. Avec lui, il faut laisser du temps au temps et ne pas avoir d’inquiétude sur sa capacité à développer de bonnes intrigues. Ces maladies qui affectent la faune aquatique, le fait que Nao revienne sur Aquablue alors qu’il lui est interdit d’y revenir et les nouvelles découvertes qui en découlent vont certainement donner quelque chose de bon, c’est sûr. 

Au dessin, Stéphane Louis a déjà pu se faire la main sur l’univers d’Aquablue et ses personnages hauts en couleurs en illustrant le tome 18. Avec ce deuxième album, il montre déjà une belle évolution qui confirme sa maîtrise de Nao et de la série. Je le sens déjà bien plus à l’aise comme le confirme la belle énergie qui se dégage de l’album notamment sur plusieurs très bonnes scènes, uruk uru échoués, plongées sous-marines, décors et autres paysages. Les couleurs de Véra Daviet collent tout à fait à cet univers, donnant de la clarté et du tonus à l’album. Sans oublier la superbe couverture de Nicolas Siner. 

L’annonce du prochain album avant la fin de l’année va sans aucun doute permettre à la série de reprendre encore plus du poil de la bête.
À noter qu’il est tout à fait possible pour de nouveaux lecteurs de commencer la série avec ce nouveau cycle, même si ce serait dommage de rater les premiers albums.
Si vous manifestez de l’intérêt et de la curiosité pour le sujet abordé, alors n’hésitez pas à découvrir les premiers tomes pour mieux plonger dans l’univers de cette série devenue culte.

SDJuan

Tome 1/3 . L'éxil
Scénario : Caryl FÉREY
Dessin : Corentin ROUGE
Couleurs :Labriet, Céline LABRIET et Corentin ROUGE
Dépot légal : janvier 2025
Editeur : Glénat
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-344-04304-2
Nombre de pages : 160

L'Europe va mal. Les conditions de vie en Europe continentale n’ont cessé de se dégrader poussant les populations à trouver un autre lieu pour survivre. Dernières terres épargnées par cette catastrophe, les "îles" sont désormais considérées comme la seule issue, les Îles Britanniques bien sûr mais aussi l’Islande. Si l’Angleterre a rapidement fermé ses frontières, l’Écosse reste encore accessible même si les autorités y trie les migrants sur le volet. Ceux-ci sont prêts à tout pour quitter le continent et le port du Havre, point de départ des migrants de toutes nationalités, est devenu le principal lieu de rassemblement dans des camps de réfugiés. Comme toujours dans ce genre de situation des passeurs peu scrupuleux en profitent… mais encore faut-il détenir le pass spécial, le sésame qui permet d’accéder aux quais et aux navires et qui ouvre sur un nouveau départ. Aujourd’hui, Raph, passeur expérimenté, se charge d’évacuer de manière clandestine le célèbre professeur Zyzek. Sommité reconnue à l’échelle internationale, il doit absolument rejoindre l'Islande pour transmettre son message qui serait la solution à toutes les catastrophes qui dévastent le continent. Il est accompagné de deux sœurs, Livia et Francesca, mais cette dernière vient juste de se faire voler son pass par un migrant nommé Liam, prêt à tout lui aussi pour sauver sa peau…

Mon avis: Exil est le premier tome de la trilogie d’anticipation Islander. Il est très prometteur pour la suite. Caryl Férey, habitué du polar, nous régale d’un scénario fluide, rythmé et dense. En effet, son récit mêle aventure et thriller sur des thèmes d’actualité : l’écologie, les changements climatiques et leurs multiples enjeux environnementaux et sociaux mais aussi les tensions géopolitiques et humaines qui en résultent. Dans un monde exposé aux divisions, la lutte pour la survie dicte les agissements de chacun. Si certains tiennent à rester avec leurs proches, d’autres n’hésitent pas à user de tous les moyens pour s’en sortir. L’auteur crée le suspense en jouant habilement sur les incertitudes qui entourent les événements. Quand les îles, notamment l’Islande, tendent à se fermer aux migrants au nom de leur propre "survie", leurs populations vont se briser sur la question migratoire, certains n’hésitant pas à s'insurger et créer des poches de résistance. On devine aussi à quel point les puissants se moquent du sort des migrants mais aussi des populations locales au bénéfice des intérêts économiques. Au final, on peut dire que l’album nous propose une réflexion sur l'état du monde d'aujourd'hui.

Le dessin de Corentin Rouge est particulièrement percutant et expressif. Son style précis et dynamique à souhait s'adapte parfaitement à l'ambiance du récit en nous régalant d’une narration visuelle fluide et logique qui capte notre attention à chaque instant, précisément là où c’est nécessaire : effets de foule impressionnants, vision dérangeante des camps de réfugiés, tensions politiques très fortes. Le récit est riche en décors détaillés et très parlants, en personnages aux fortes personnalités bien distinctes et aux émotions bien restituées qui donnent le ton. Tout contribue à donner une dimension encore plus humaine à ce monde dévasté et en crise. Les couleurs à dominante froide accentuent la dureté du sujet et le sentiment de fin du monde. 

Un récit fort et puissant qui appelle à la réflexion sur le monde moderne agrémenté d’une bonne dose d’aventure puisqu’il s’agit quand même d’une bande dessinée.

SDJuan

Si vous aimez ce genre de BD, cet album m’a beaucoup fait penser à une autre série sur des thèmes similaires: Résilience d’Augustin Lebon et Louise Joor mêlant anticipation écologique et polar (4 tomes parus chez Casterman entre 2017 et 2020. Une intégrale de 256 pages couleurs est disponible depuis ce mois de janvier 2025).

Tome 12 - L’Omégon
Scénario : Serge LE TENDRE et Régis LOISEL
Dessin : Vincent MALLIÉ
Couleurs : Bruno TATTI
Dépot légal : novembre 2024
Editeur :
Cycle 2 - Avant la quête T8
Grand format
ISBN : 9782205208429
Nombre de pages : 104

Le temps est désormais compté pour stopper définitivement les agissements de Ramor et de ses disciples au sein de la secte de l'Ordre du Signe contre le monde d’Akbar. Le prince Bodias accompagné de Bragon, Kryll, Bulrog et la princesse-sorcière Mara est en route pour rejoindre les Terres de la Désolation afin de planter la graine dans l'Omégon, un lieu sacré où les anciens dieux rendaient la justice. Leur chemin s’annonce long, périlleux et épuisant d’autant que Mara est enceinte de Bragon. Et même si elle cherche à cacher sa grossesse, Kryll a deviné son secret. Quant au prince et à Bulrog, ils ne cessent de se quereller pour courtiser Kryll perturbant encore un peu plus le voyage. Pendant ce temps, l'Ordre du Signe essaye de convertir par tous les moyens la population.

Mon avis : Ce gros volume d’une centaine de pages est l’ultime chaînon faisant le lien entre le préquel et la série-mère. La principale difficulté était d’être raccord avec La conque de Ramor paru en 1983… le premier tome d’une superbe série de fantasy créée par Serge Le Tendre et Régis Loisel. L’objectif est atteint de manière satisfaisante et convaincante. Les contraintes de continuité ont été transformées en atout et l’histoire fonctionne parfaitement y compris en matière d’interactions entre Bragon et Mara, l'orphelin, le prince Bodias, Bulrog et Kryll. Malgré tout, je m'attendais à quelque chose de plus puissant, du niveau de la série-mère en pensant ou espérant même que la conclusion allait décoiffer…, d’autant que les albums dessinés par David Etien (tomes 5 à 7 du préquel) se déroulaient à un rythme soutenu. J'ai eu l'impression que c'était un peu tiré en longueur (une centaine de pages !) et que l'Omégon avait été découvert un peu trop facilement compte tenu des enjeux qu’il représente pour l'Ordre du Signe. Et surtout, ce lieu pourtant sacré semble peu protégé… contre un ennemi éventuel. J'ai peut-être placé la barre un peu trop haut mais surtout le récit créé par les scénaristes vient se heurter au scénario que chaque lecteur a eu largement le temps de s’imaginer pour cette fin de préquel.

Côté illustration, j'aurais évidemment aimé retrouver les superbes dessins empreints d’une belle dynamique "fantasy" de David Etien. Mais Vincent Mallié relève lui aussi le défi (il avait déjà dessiné les tomes 3 et 4 d'Avant la Quête) haut la main. On est bien dans l'univers de Loisel avec des personnages bien dessinés et expressifs…
Mara toujours aussi belle, Bragon et Kryll toujours aussi imposants, avec des scènes qui vont nous marquer, sans oublier un personnage-clé de la série en toute fin d’album... pas de spoiler ! A découvrir en lisant l'album.
L’ensemble bénéficie de l’excellent travail de mise en couleurs de Bruno Tatti.

On attend donc à présent le troisième cycle annoncé par les auteurs, Après la Quête.

SDJuan

Scénario : PASTOR Anthony
Dessin : PASTOR Anthony
Couleur : PASTOR Anthony
Dépôt légal : février 2025
Editeur : Casterman
Format : 21.8 x 29 cm
ISBN : 9782203257283
Nombre de pages :152

Clarendon, comté de Donley, Texas, 1893. Cinq hommes s’affairent autour du cadavre d’une certaine Maggie. Elle s’est noyée dans la Carroll, un ruisseau qui a largement débordé après les fortes pluies des jours précédents. Parmi eux Monsieur Ford, surnommé le "colonel", riche propriétaire et éleveur de troupeaux, Thorpe, un ancien capitaine devenu le régisseur du ranch, le shérif Tom, un croquemort et Keller, l’un des cowboys du ranch. Billy, le fils de Maggie, a été prévenu par télégramme. Parti livré des chevaux à Amarillo, à une centaine de kilomètres au nord, il quitte rapidement les lieux pour rejoindre Clarendon mais arrive trop tard. Le cercueil a déjà été enterré à la sauvette, loin du village et de son église. Billy veut savoir ce qu’il s’est réellement passé. C'est Ford, ami très proche de sa mère, qui l'accueille mais c'est à Keller que Billy a envie de poser des questions car il était présent quand sa mère s’est noyée. L’explication tourne rapidement à la bagarre et le nom de Maggie est insulté par d’autres employés du ranch. Thorne met fin au combat et renvoie tout le monde au travail. En fait, Ford et Thorne ont très bien connu la mère de Billy, l'un d'eux pourrait même être son père, mais c'est Keller qui vivait à présent avec Maggie. Billy a besoin de réponses et très vite. 

Mon avis : Anthony Pastor nous régale d’un western dur, au goût amer, évoquant la rudesse de la vie comme de la mort dans l’Ouest américain de l’époque. Et encore plus dans ce genre d'affaires "familiales" avec autant de non-dits, voire de secrets, qui n’ont cessé d’engendrer des blessures psychologiques difficiles à surmonter. Anthony Pastor nous fait vivre le destin tragique d’un fils qui ne cherche pourtant que la vérité sur la mort de sa mère mais aussi sur ses origines. 

Côté dessin, on est plutôt bien servis dès les premières pages, avec plusieurs grandes vignettes illustrant l’Ouest américain, notamment celle montrant toute une troupe de chevaux au galop sous un ciel tourmenté. Les personnages ne sont pas en reste avec leurs gueules expressives (très peut-être trop rosées parfois) mais qui donnent tout de suite le ton et des ambiances diurnes ou nocturnes particulièrement bien rendues grâce à une belle alternance des couleurs lumineuses et chaudes et sombres et froides. Les couleurs sont vraiment de toute beauté et jouent ici un rôle crucial comme pour ces ciels bien chargés à l’image de l'humeur des personnages principaux, les paysages de mesa si typiques, y compris sous la pluie, ou les scènes de bagarre dans la poussière…
150 pages d’un récit personnel tout à fait original autour de cet homme qui ne cesse de courir après la vérité sur fond de décors et scènes de genre dans la pure tradition du western.

SDJuan