Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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WANNSEE
- Par asbl-creabulles
- Le 10/07/2018
One shot
Scénario : Fabrice Le Hénanff
Dessin : Fabrice Le Hénanff
Couleurs : Fabrice Le Hénanff
Dépot légal : juin 2018
Editeur :
Format : Grand format
Nombre de pages: 88Le 20 janvier 1942, une réunion secrète est organisée dans la villa Marlier située à Wannsee, un quartier plutôt huppé de Berlin. C’est le général SS Reinhard Heydrich, adjoint du Reichsfürher-SS – autrement dit le plus haut dirigeant de la SS – Heinrich Himmler, qui a convoqué la conférence, préparée par Adolf Eichmann. Quinze personnalités ou hauts fonctionnaires représentant les principaux ministères et services du Reich sont là pour examiner la question juive et examiner tous les aspects pratiques de ce qui va devenir la "solution finale" voulue par Hitler. En moins de deux heures, le sort des Juifs est scellé. La Shoah – extermination systématique – est décidée, planifiée et organisée non seulement pour les Juifs allemands mais aussi pour tous ceux installés dans d’autres pays d’Europe.
Mon avis: Voici un album particulièrement édifiant. On prend conscience du pouvoir immense que détenaient les SS dans l’Allemagne nazie et à quel point ils pesaient sur les décisions politiques, anéantissant toute divergence d’idées et réduisant à néant les velléités d’opposition. Dans un pays en guerre, ils ne se privent de rien, se gavant des mets les plus fins et des meilleurs vins. Décider en moins de deux heures du sort des Juifs comme s'il s'agissait de bétail qu'on envoie à l'abattoir nous semble invraisemblable.
Comme à son habitude, Fabrice Le Hénanff connaît bien sa matière. Pour cet album, il s'est longuement documenté et maîtrise son scénario pour nous faire partager jusqu'au moindre détail ce pan de notre histoire qu'on aurait aimé ne jamais vivre. Sous forme de huis clos, il nous fait ressentir la froideur qui anime ces hauts responsables et réussit à nous mettre mal à l'aise en nous faisant vivre ces moments comme si nous y étions. On se sent mal devant une cruauté aussi implacable.
Son dessin réaliste et ses illustrations impressionnantes, parfois floues (voulu), y contribuent largement, notamment par le choix de couleurs atténuées, dans des tons délavés, encres de couleur et crayons aquarelles, marquées de griffures ou déchirures comme les anciennes pellicules argentiques, comme s’il voulait accentuer l’aspect terrifiant d’un tel événement.
Un très bel album dont on peut dire qu’il s’agit d’un livre témoignage même si l’auteur est trop jeune pour avoir connu cette époque.
SDJuan
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Le FIL de l'HISTOIRE (raconté par ARIANE & NINO)
- Par asbl-creabulles
- Le 08/07/2018
Tome 5 . Les croisades - conflits en Terre sainte
Scénario : Fabrice Erre
Dessin : Sylvain Savoia
Couleurs : Sylvain Savoia
Dépot légal : juin 2018
Editeur : Jeunesse
Format : Autre format
Nombre de planches : 46Nino se fait surprendre par sa sœur Ariane dans sa chambre où il est venu récupérer un bouquin qu'elle lui a emprunté. Alors qu’il s’excuse d'être entré sur "son territoire sacré" sans sa permission, Ariane se lance dans l'histoire des "guerres saintes" qui ont opposé Chrétiens et Musulmans pendant plus de deux siècles du XIe au XIIIe siècles. Une guerre de pouvoir pour contrôler "le territoire sacré" de l'Orient ayant conduit trois confessions à s’affronter autour de la Méditerranée: Chrétiens catholiques d’Europe, Chrétiens d’Orient (Byzantins orthodoxes) et Musulmans. Le terme de "Guerre Sainte" va surtout viser le contrôle de la ville sainte de Jérusalem, située en territoire musulman, dont les Turcs se sont emparés en 1078, empêchant les Chrétiens d’y faire leurs pèlerinages. Tous convoitent la ville où se trouvent le mur des lamentations, vestige du Temple d’Hérode, le Saint-Sépulcre ou tombeau du Christ et l’esplanade d’où Mahomet est monté au ciel. La confrontation est inévitable et l’occasion pour chacun de démontrer sa puissance face à l'ennemi "infidèle" par définition. En 1095, le Pape Urbain II lance un appel aux Chrétiens d'Europe pour aller reprendre la ville tombée entre les mains des "infidèles" turcs. Les "Croisés", qui arborent sur leurs vêtements une croix, rejoignent en nombre cette guerre sainte nommée "croisade" car le pape a promis la rémission des péchés à ceux qui y perdent la vie en chemin ou au combat. Huit croisades en tout seront ainsi organisées. Ces guerres saintes prendront fin en 1291 avec la chute de Saint-Jean d’Acre, dernier bastion croisé en terre Sainte, qui se rend au sultan Saladin.
Mon avis: Le caractère pédagogique et éducatif de cette collection est manifeste, et ne la destine pas seulement au jeune public même si "Le fil de l’histoire raconté par Ariane & Nino" est annoncé comme une collection Jeunesse. Concise, bien écrite et captivante dès les premières phrases et illustrations, elle vaut vraiment le détour. En charge du scénario, Fabrice Erre connaît le sujet puisqu'il est professeur d’histoire-géographie et d’instruction morale et civique. Cet agrégé et docteur en histoire nous propose de manière ludique, sous forme documentaire, un récit passionnant enrichi d’une annexe venant préciser les thèmes évoqués dans ce mini-album au format de poche que l'on peut transporter partout pour le lire et le relire. Traitant de sujets très divers, cette collection couvre par conséquent toutes les époques, de l'antiquité à l’époque contemporaine avec par exemple La Pyramide de Khéops, La Grande muraille de Chine, Les Gladiateurs, Les Gaulois, Louis XIV, La Guerre des Tranchées, Albert Einstein. Sylvain Savoia s’est efforcé d’illustrer ces récits de la manière la plus ludique et instructive possible. On se laisse guider par les deux personnages principaux, Ariane et Nino, que l’on prend plaisir à suivre à travers ses dessins habilement conçus pour atteindre leur objectif essentiellement pédagogique sans négliger l’humour et l’aventure. Une belle réussite.
SDJuan
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Une aventure de BUCK DANNY "Classic"
- Par asbl-creabulles
- Le 07/07/2018
Tome 5 . Opération rideau de fer
Scénario : Frédéric Zumbiehl et Frédéric Marniquet
Dessin : Jean-Michel Arroyo
Couleurs : Ketty Formaggio
Dépot légal : Juin 2018
Editeur : / Zéphyr Éditions
Format : Grand format
Nombre de planches : 46URSS, 1961, en pleine Guerre froide. Les professeurs Tsybin et Iarmolenko ont mis au point un nouveau prototype de bombardier nucléaire trisonique baptisé TSYBN R-020, officiellement pour devancer les Américains qui travaillent sur un projet concurrent. En réalité, comme le leur fait comprendre le camarade Yenitsev venu assister à un nouvel essai, le KGB et le Premier Secrétaire Krouchtchev l’ont envisagé comme une arme devant assurer la grandeur de la mère patrie et réduire à néant l’Amérique. Tsybin décide de saboter l’appareil qui explose en vol et choisit de fuir à l’Ouest avec les plans. Mais Iarmolenko n’hésite pas à le tuer et à prendre sa place. Pendant ce temps, Buck et ses amis Tumbler et Sonny sont mutés du porte-avions Saratoga navigant en Méditerranée vers la base de l’USAF de Ramstein en RFA pour patrouiller le long du "rideau de fer" où les violations de l’espace aérien par les Russes se sont multipliées. Mais lors d'une patrouille, l’appareil de Sonny est touché et il se retrouve en RDA. Buck et Tumbler mettent tout en oeuvre pour aller le récupérer d’urgence car il court un grand danger face au KGB et à la Stasi. Leur succès attire l’attention de la CIA qui décide d’envoyer Buck, Sonny et Tumbler à Berlin pour une nouvelle mission.
Mon avis: Jean-Michel Arroyo (Le Paquebot des sables, L'esquadrille des têtes brûlées, Airblues, etc.) nous livre de superbes dessins d'engins de guerre comme le porte-avions Saratoga ou différents modèles d’aéronefs - Tsybin RSR, Black Bird US, Starfighter, Mig 21, etc. - ainsi que divers véhicules militaires et civils de l'époque. A noter aussi de très belles scènes de combat aérien et un grand souci du détail pour les équipements de vols et les uniformes. Il maîtrise parfaitement ses personnages, ce qui nous met tout de suite à l'aise.
Frédéric Marniquet (Bloody Words, La brigade du rail, Les archives secrètes de Sherlock Holmes, etc.) et Frédéric Zumbiehl (Tanguy Laverdure, Team Rafale, Buck Danny, Réseau sentinelle, etc) nous proposent un scénario dense qui est l’occasion d’évoquer et de mettre en scène les grandes agences comme le KGB, la Stasi, la CIA, leurs agents mais aussi leurs agents doubles, sans pour autant délaisser des personnages bien connus comme Lady X et Slim Holden. Le récit est captivant et réserve bien des surprises, mêlant habilement suspense et action dans un contexte et un cadre historiques bien connus du public à travers les nombreux romans ou films ayant cette période tragique de notre histoire pour arrière-fond.
Suite et fin de cette nouvelle aventure de la série "Buck Danny Classic" dans le second tome intitulé "Alerte Rouge" à paraître prochainement.
SDJuan
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MANDELA ET LE GÉNÉRAL
- Par asbl-creabulles
- Le 04/07/2018
Mandela et le général
Scénario : John Carlin
Dessin : Oriol Malet
Couleurs : Oriol Malet
Dépot légal : Mai 2018
Editeur : Seuil -
Format : Autre format
Nombre de pages: 110En 1962, lorsque Nelson Mandela est arrêté et condamné à la prison à la perpétuité, rien ne laisse présager ce qui va se produire 27 années plus tard après sa libération anticipée et sans condition proposée et concrétisée par le nouveau président sud-africain Frederik de Klerk. En effet, inquiets pour la survie du régime de l’apartheid plusieurs milices d'extrême-droite ont approché le général Constand Viljoen en vue de constituer un bloc dur face à la renommée qu’acquiert peu à peu Mandela. En 1992, les élections législatives ayant conforté les conservateurs, de Klerk décide d’organiser un référendum qui lui apporte le soutien de la communauté blanche dans ses efforts pour mettre fin à l’apartheid. Mais l'Afrique du Sud est au bord de la guerre civile. Nelson Mandela n’aura de cesse d’approcher et de convaincre Viljoen devenu leader du Front Afrikaner de laisser le peuple voter de manière démocratique et d’inciter tous les responsables à faire des concessions pour maintenir la paix.
Mon avis: Correspondant à Johannesbourg du journal britannique "The Independent", John Carlin qui a eu la possibilité d’approcher les principaux acteurs de cette période nous raconte dans cet album sa vision du personnage emblématique que fut Nelson Mandela de sa sortie de prison à son accession à la Présidence du pays et de la marche de l’Afrique du Sud vers la démocratie. Et pourtant le soulèvement des paysans armés sous la direction de Viljoen face à un Mandela plus puissant que jamais ne pouvait qu'aboutir à un conflit sanglant. Ce n’était plus qu’une question de temps.
Mandela grâce à son charisme et sa popularité auprès des Noirs va tout faire pour rassembler toutes les tendances d’une société divisée par l’apartheid, proposant même à Viljoen d’intégrer le gouvernement d’unité nationale et parvenant à déjouer l’explosion sur le point de se produire.
Illustrateur dans des magazines espagnols, Oriol Malet s’est bien imprégné des personnages qu’il rend avec une extrême justesse, tous bien reconnaissables, et restitue habilement les différentes atmosphères de l’époque, le calme avant la tempête, la peur, la haine, la joie, etc. Son choix de la bichromie, ne plaçant aucune couleur de peau sur les personnages, sied parfaitement à ce récit historique des plus intéressants.
En fin d'album, on trouvera une chronologie des événements et un récapitulatif de l’histoire du parti politique de l'ANC (African National Congress).
SDJuan
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SANS UN BRUIT
- Par asbl-creabulles
- Le 04/07/2018
Un film de John Krasinski
Avec Emily Blunt, John Krasinski, Millicent Simmonds, Noah Jupe, Leon Russom, Doris McCarthy
Genre: Thriller, Épouvante, Horreur
Film: Américain
Date de sortie: 20 juin 2018Résumé: Une famille tente de survivre sous la menace de mystérieuses créatures qui attaquent au moindre bruit. S’ils vous entendent, il est déjà trop tard.
Il y a des films qui font frémir (puis sourire niaisement d’avoir été pris dans le jeu)… et il y a des films qui font vibrer, profondément, viscéralement, primitivement. "Sans un bruit" est de ceux-là! Parce que ce n’est pas un film d’épouvante qui joue sur les (grosses) ficelles de la mise en scène, avec des personnages caractérisés rapidement, et parfois interchangeables, pour se focaliser sur la tension de la situation et multiplier les péripéties.
Dans cette pellicule, c’est exactement le contraire: la situation est dramatiquement simple et claire; les personnages sont tous parfaitement caractérisés, subtilement et progressivement; et c’est justement de l’attachement que nous inspirent les personnages que surviennent les situations extrêmes et que s’amplifie la tension jusqu’à son apogée.
Et cette tension, qui tourne à l’angoisse, est encore accentuée par l’empathie que le jeu des acteurs et la mise en scène savent nous inspirer. Car nous sommes sans cesse confondus devant l’inhumanité de la situation (la scène du clou et de l’accouchement!), cette impossibilité pour la famille d’exprimer (par des mots et des sons) quoi que ce soit, de partager un simple moment de joie et de jeu sans se mettre en danger, ce que nous exprime très clairement la séquence d’ouverture avec le pont.ET que dire du silence lui-même, acteur à part entière du film (bravo aux opérateurs du son) qui, au contraire d’une source d’apaisement, est la manifestation en creux du danger, que le moindre bruit accidentel rend immédiat, explosif et brutal. Comment être humain, comment s’aimer, comment rester une famille quand toute communication devient dangereuse?
Ces questions, archétypales et donc universelles, pourraient à la fois "pitcher" une comédie dramatique des frères Coen, un thriller social avec un parent abusif façon "jusqu’à la garde", un suspense domestique avec un mari abusif, ou un attentat terroriste que le héros muet et isolé peut déjouer. Mais il n’en est rien et c’est là le coup de génie de ce film: dépasser les genres et les sublimer. On pense aux "Dents de la mer", à "Poltergeist" (tiens, deux œuvres liées à Spielberg). Tout (ou presque) y est en place, efficacement et néanmoins justement.
Un grand film qui dépasse les genres et les étiquettes pour être créatif et innovant et néanmoins juste. J’adore.
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SOCIORAMA
- Par asbl-creabulles
- Le 02/07/2018
La petite mosquée dans la cité
Scénario : Solenne Jouanneau
Dessin : Kim Consigny
Couleurs : <N&B>
Dépot légal : juin 2018
Editeur :
Format : Autre format
Nombre de planches : 164Moussa a été choisi comme nouvel imam de la mosquée du quartier. Il a été préféré à Omar jugé trop rigoriste et qui devra se contenter du poste de suppléant. À peine désigné, Moussa est informé que la mairie a décidé de raser le pâté de maison où se trouve la mosquée. Si la décision d'en construire une nouvelle un peu plus loin avait déjà germé depuis un moment dans l’esprit des responsables de la mosquée, le projet n’avait pas abouti faute de fonds suffisants. À présent le problème se pose de trouver rapidement un lieu pour que les fidèles puissent prier et suivre les cours donnés par l'Imam. Car cette mosquée est importante pour le quartier, les prêches y sont bilingues, arabe et français, et les femmes y bénéficient d’un traitement favorable et y disposent d’un espace équitable par rapport aux hommes. Pour Moussa, il faut absolument préserver l’indépendance de la mosquée et réunir le financement auprès des fidèles, alors qu’Omar est en faveur de demander le soutien d’un pays étranger. L’enjeu est de taille car si les fonds viennent de l'extérieur, plus rien ne sera pareil et le quartier pourrait bien perdre ses repères.
Mon avis: Voici un récit sociologique en format BD très utile pour mieux comprendre quelques-unes des problématiques actuelles autour de l’islam: le contexte des banlieues bien sûr, les difficultés rencontrées par les musulmans dont beaucoup en souffrent, confrontés à une islamophobie croissante liée aux attentats qui restent marqués dans tous les esprits et que beaucoup considèrent comme des actes perpétrés par les pratiquants de la religion musulmane en général et non par une infime minorité radicalisée aux motivations multiples, le choix délicat d’un nouvel imam compte tenu des différents courants en présence, la recherche d’un financement local ou étranger pour un nouveau lieu de culte très révélateur des dissensions qui se manifestent dans la communauté musulmane, etc.
L'histoire est bien documentée car elle est le résultat de dix années d'enquête au sein même de cette communauté, au-delà des feux de l'actualité mais sans pouvoir y échapper. L’élément déclencheur – le choix d’un nouvel imam et la réponse à donner à la décision des autorités de mettre en œuvre un plan de rénovation du quartier prévoyant la destruction de la mosquée – va mettre en lumière les divergences d’idées aussi bien chez les musulmans que chez les autochtones. Pour ce récit ludique et intéressant, la dessinatrice Kim Consigny, également coscénariste, a su parfaitement restituer l'ambiance et les décors, offrant des personnages tout à fait charismatiques en évitant la caricature, parfois drôles mais le plus souvent justes et attachants.
Cet album fait partie de la collection Sociorama, intéressante par les sujets évoqués mais surtout par la qualité de ses auteurs.
SDJuan
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GISÈLE ET BÉATRICE
- Par asbl-creabulles
- Le 30/06/2018
Scénario: Benoît Feroumont
Dessin: Benoît Feroumont
Couleurs Christelle Coopman
Editeur:
Collection Air Libre
Dépot légal: juin 2018
Format: 258 x 196
Nombre de pages: 112Béatrice travaille dur, très dur, mais comme beaucoup de femmes elle est sous-payée et doit également subir les railleries de son collègue Jones, qui vient d’obtenir la promotion qu’elle espérait tant. Mais le pire vient de Georges, son patron, qui ne cesse de lui faire du "rentre-dedans" et de la harceler au vu de tous et en toute impunité. Et lorsque Béatrice menace de porter plainte, aucun de ses collègues, exclusivement des hommes, ne daigne lui apporter son soutien. Georges lui fait d’ailleurs bien comprendre que si elle n’a pas eu de promotion, c’est parce qu’elle refuse ses avances. Ce qu'il ignore, c'est que Béatrice a un secret. Et elle a en sa possession une plante magique qu’elle est désormais prête à utiliser. Transformé en femme, Georges, à présent appelé Gisèle, est soudain obéissant et l’objet sexuel de Béatrice. Mais en situation de quasi clandestin car sans papiers et s’exprimant avec un fort accent de l'est, il n'ose plus sortir craignant de se faire arrêter par la police et d’être expulsé vers un pays inconnu. Tandis que Béatrice s’épanouit depuis qu’elle est devenue la patronne de la société, Georges/Gisèle contre toute attente s'habitue à ses nouvelles conditions de vie de femme au foyer, mais surtout aux plaisirs sexuels en tant que femme. Une découverte qui va bouleverser sa vie.
Mon avis: Inégalité hommes/femmes en matière salariale, suprématie exercée par les patrons sur leur personnel, comportement machiste voire harcèlement sexuel, fantasmes en tous genres, homosexualité, changement de sexe, mouvement féministe, rien n'échappe et ne fait peur à Benoît Feroumont dans cette satire sociale teinté d'un érotisme bien dosé mais parfois plutôt corsé. Tous ces thèmes sont abordés directement, sans précaution, ce qui pourrait en choquer certains dans un premier temps. Mais cette histoire de vengeance dont on se délecte au début va vite se transformer, à mon grand étonnement, en une aventure bien plus ironique, une sorte de moquerie caustique et plutôt sarcastique.
On se laisse porter par ce récit captivant, plein d’humour et agrémenté d’une bonne dose d'érotisme notamment lorsqu’on assiste à la transformation du patron machiste et imbuvable en ... (spoiler). Feroumont se révèle toujours aussi efficace au dessin, multipliant les courbes féminines envoûtantes et les plans et scènes, parfois très suggestives, tout au long d’un album initialement publié en 2013 dont cette nouvelle édition permettra de (re)passer un très agréable moment.
SDJuan
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KILL OR BE KILLED 2
- Par asbl-creabulles
- Le 29/06/2018
Scénario : Ed Brubaker
Dessin : Sean Phillips
Couleurs : Bettie Breitweiser
Lettrage : Moscow Eye
Dépot légal : mai 2018
Editeur :
Collection : Contrebande
Format : Format comics
Nombre de planches :146Que de chemin parcouru par Dylan depuis qu’il a survécu à sa tentative de suicide moyennant ce pacte qu’il a dû conclure avec un démon. Car s’il doit tuer un malfrat par mois en échange de sa survie, le fait est qu'il commence à y prendre goût. Il faut dire qu’autour de lui, les pourris et autres voyous pullulent, dans tous les milieux et à tous les niveaux de la société. Il a l'embarras du choix. Alors que sa situation personnelle était également mal engagée, que ce soit socialement, en matière d’études ou de vie amoureuse avec Kira, ce virage à 180° semble lui avoir été bénéfique à tous points de vue. Mais à force de prendre de plus en plus d'assurance, Dylan est conduit à commettre des erreurs. Les ennuis commencent avec les malfrats mais aussi avec la police qui enquête sur les nombreuses victimes retrouvées. S’il Dylan se sort par miracle d’un affrontement avec la police, le portrait-robot d’enquête risque bien de le mettre un peu plus en danger même s’il agit masqué. Surtout quand les Russes sont à ses trousses avec des moyens hors normes. Et comme si cela ne suffisait pas, l'inspectrice Lily Sharpe, qu'il a croisée à plusieurs reprises, semble être sur une piste sérieuse. L’étau se resserre donc dangereusement autour de notre antihéros en même temps qu'il s'enfonce un peu plus dans les ténèbres à chaque fois qu’il commet un meurtre.
Mon avis: Le deuxième tome de ce polar fantastique hors du commun est encore plus bluffant que le premier (paru en ce début d’année 2018). On reste réellement baba devant le talent d’Ed Brubaker et incapable de pressentir ce qui va arriver alors que l’action est menée à grands pas. Cela faisait longtemps que je n'avais pas été autant captivé par la lecture d’un album. L’ensemble est parfaitement maîtrisé et les personnages en deviennent attachants. Alors que leur comportement devrait avoir un effet inverse sur nous, on est ainsi disposé à légitimer les actions imprévisibles et impensables de Dylan sous prétexte qu'il flingue des salopards. S'imposant comme juge et bourreau sans aucun état d'âme car n’ayant guère le temps de s’interroger sur ce qu’il fait et ce qu’il est en train de devenir, il semble se transformer en parfait instrument du démon. Mais au final, quel sera le prix à payer ? Nous devrions être fixés dans les deux prochains tomes. Au dessin, Sean Phillips se révèle une nouvelle fois des plus efficaces. Son trait est surprenant de réalisme et ses personnages charismatiques à souhait. Chaque case a été pensée pour donner un ensemble très cinématographique auquel le lecteur succombe avec bonheur. Une ambiance noire se dégage de chaque case, de chaque page grâce à un encrage solide et puissant. En jouant sur les ombres et la lumière, la coloriste Elizabeth Breitweizer accentue encore l'atmosphère pesante de ce thriller implacable. Une mini-série à ne rater sous aucun prétexte.
SDJuan