Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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CHAMPIGNAC
- Par asbl-creabulles
- Le 10/03/2019
Tome 1 - Enigma
Scénario : Béka
Dessin : David Etien
Couleurs : Clémentine Guivarc'h et David Etien
Dépot légal : Janvier 2019
Editeur :
Format : Grand format
ISBN : 978-2-8001-7478-5
Nombre de planches : 62Lors de la seconde guerre mondiale, les Allemands ont utilisé un appareil très sophistiqué pour crypter les messages entre les différents corps d’armée: ENIGMA. Les ordres étaient envoyés du QG au front via cet appareil. Tous les jours, le code change. Il était alors impossible pour les Alliés d’avoir un coup d’avance sur les Nazis. Impossible? Non, un irréductible Comte ne l’entendait pas de cette oreille: Pacôme Hégésippe Adélard Ladislas, Comte de Champignac. Un matin de guerre comme les autres, le Comte de Champignac reçoit un message codé chez lui.
Il ne met cependant pas longtemps à le décrypter. La missive est envoyée par Black, un vieil ami, et l’envoie en Angleterre où une mission délicate l’attend. Une fois arrivé sur le quai de la gare de Bletchley, Pacôme va faire la connaissance de Blair Mac Kenzie, une jeune et jolie jeune fille qui a aussi reçu un message codé. Ils sont tous les deux reçus par le professeur Black, qui va leur expliquer la mission: ils vont devoir aider A. Turing, jeune prodige en décryptage, à mettre sur pied la Bombe, une machine capable de cracker le code du jour utilisé par ENIGMA. Sur le papier, cela parait difficile mais lorsque Pacôme est amoureux, il se sent pousser des ailes! Lisez la suite dans la bande dessinée, sabre de bois!
Mon avis: C’est un bon début et une base solide pour les prochains tomes. J’avais un peu peur car il est toujours difficile de faire un spin-off d’une série aussi connue que Spirou et Fantasio mais je suis agréablement surpris. La BD se laisse lire, elle vous touche par moment car le dessin d’Etien est excellent. Certaines cases sont magnifiques et ne comportent pourtant qu’un regard. Je ne peux que vous conseiller la lecture de cet opus!
MJordan
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Les CHRONIQUES DE CORUM
- Par asbl-creabulles
- Le 09/03/2019
Tome 1 - Le chevalier des épées
Scénario : Mike Baron
Dessin : Mike Mignola
Couleurs : Linda Lessmann
Adapté de : Michael Moorcock
Dépot légal : Janvier 2019
Editeur :
Collection : Contrebande
Format : Format comics
ISBN : 978-2-413-00917-7
Nombre de pages :128Pendant des siècles, les Vadhaghs et les Nhadrags se sont opposés dans des guerres incessantes et meurtrières. Puis tout s’est arrêté, la paix s’est installée entre ces deux anciennes races et aujourd'hui elles n'y pensent plus. Seulement, l'Univers a également créé les Mabdens, autrement dit les Humains qui compensent leur durée de vie très courte en étant très prolifiques. Les Mabdens envient et jalousent ces races anciennes et ne vont pas hésiter à les massacrer sans aucune pitié, au point d’exterminer tous les Vadhaghs à l'exception de l’un d’entre eux, Corum Jhaelen Irsei, surnommé "le Prince à la robe écarlate". Les Mabdens, avec à leur tête le serviteur du chaos, le comte Glandyth-a-Krae, l’ont fait prisonnier et soumis à la torture. Mais Corum est décidé à ne pas se laisser faire et réussit à s'échapper. Et même s’il a perdu un œil puis une main lors des séances de torture, il compte sur les autres plans et dimensions de l'existence pour combler ces pertes. Il sera sauvé in extremis par l'un des "humains" de la margravine Rhaline dont il tombera amoureux. C'est là qu'il va recevoir du sorcier Shool la Main de Kwll et l’Œil de Rhynn, deux artefacts de divinités qui vont lui donner des pouvoirs occultes dont il va pouvoir se servir pour assouvir sa vengeance !
Mon avis: Une belle série dans le plus pur style médiéval-fantastique adaptée des Livres de Corum, deux trilogies écrites par l'un des plus grands romanciers vivants d’heroic fantasy et de science-fiction, Michael Moorcock. Son univers est vaste, sur plusieurs plans d’existence et, contrairement aux Melnibonéens du cycle d'Elric, qui fait partie du même univers, ou plutôt "multivers", les Vadhaghs ne sont pas malveillants. Mettant en scène diverses races et espèces, des royaumes en guerre, le tout sur fond de décadence, de sorcellerie, etc., cette adaptation BD par Mike Baron et Mike Mignola est à marquer d'une pierre blanche. Ils rendent ce cycle captivant dès les premières pages au point de dévorer les 110 pages de ce premier tome intitulé "Le Chevalier des Épées" d’une traite. L'histoire complète est prévue en 4 tomes. Il s’agit bien d’un récit interdimensionnel qui évolue dans l'espace-temps. Les Livres de Corum, l'une des incarnations du Champion Éternel, et Gardien de la Balance Cosmique, ont été écrits entre 1971 et 1974.
Coté illustration, on reconnaît bien Mignola, même si cet opus se situe bien des années avant Hellboy. On sent déjà le trait même s'il est plus fin et les personnages plus élancés. Tous bien différenciés et hauts en couleurs, les personnages évoluent dans de belles scènes d'action. Les images dégagent une belle intensité, une belle énergie en partie dues aux couleurs plus flashy de l'époque (rappelons que la série a été initialement publiée en 1987) et au travail d’une autre équipe d’encreurs: Rick Burchett et Kelley Jones. Après le Cycle des Épées de Fritz Leiber (sept romans parus de 1970 à 1988), en parallèle avec le cycle d’Elric de Michael Moorcock (paru entre 1961 et 1989), voici Mike Mignola dans une adaptation de ce dernier pour notre plus grand plaisir. A noter que cette saga BD est entièrement inédite en français!
SDJuan
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ALIX ORIGINES 1
- Par asbl-creabulles
- Le 08/03/2019
Tome 1 . L'enfance d'un gaulois
Scénario : Marc Bourgne d'après l'oeuvre de Jacques Martin
Dessin : Laurent Libessart
Couleurs : Florence Torta
Dépot légal : Février 2019
Editeur :
Format : Format normal
ISBN : 978-2-203-14140-7
Nombre de pages :48 + cahier de 8 pages pédagogiques.Chef d'une tribu éduenne proche de Rome, Astorix part accompagné de son druide Diviciacos demander à Cicéron le soutien militaire de Rome contre les Germains qui gagnent du terrain chaque jour. Ayant essuyé un refus de la part de Rome, Astorix réussit malgré tout avec d’autres tribus celtes à bloquer l'invasion des Germains. Et finalement cela l’arrange car n’étant plus redevable envers Rome il peut ainsi affirmer sa totale indépendance. Les Celtes n’ont donc plus à accepter la présence armée des Romains en échange de leur soutien. Âgé de sept ans, Alix, le fils d'Astorix, doit comme la coutume l'exige quitter le nid familial. Il a le choix entre devenir druide ou aller vivre chez son oncle Omnios. Il choisit naturellement la seconde solution qui est bien plus appropriée à son tempérament espiègle et fougueux. Alors qu’il vient de fêter ses 10 ans, il apprend lors d'une assemblée des chefs de tribu que son père doit de nouveau demander l'aide des Romains car les Helvètes et leurs voisins menacent de plus en plus le territoire des Éduens, faisant de plus en plus de victimes sur leur passage. Sur le chemin du retour, Alix et son cousin alertés par un appel à l’aide prêtent main forte à des soldats romains qui escortent la jeune Flavia venue rejoindre son père le général Graccus, légat de l’empereur dans la région, à la suite du décès de sa mère. Tombé sous le charme de Flavia, Astorix lui proposera une petite escapade pour visiter sa région. C’est en rentrant chez lui qu’il va surprendre une conversation entre Aldéric et Ansila, des proches de son père, complotant contre Astorix pour l’évincer du poste de magistrat suprême des Éduens et le faire passer pour un traitre ayant pris le parti des Helvètes contre Rome.
Mon avis: En 2012, le trio Denis Bajram, Valérie Mangin et Thierry Demarez nous proposait une sorte d’adaptation du mythe d’Alix dans laquelle Alix âgé de 54 ans était devenu sénateur. Les auteurs n’ont pas cherché à faire du pur Alix mais ont délibérément opté pour du nouveau, avec le succès que l’on connaît, tant pour le scénario que pour le dessin. Avec Alix Origines, voici donc une nouvelle série qui cible cette fois un public plus jeune en espérant qu’il s'intéressera à l'univers du personnage. C’est donc un bon moyen d'attirer un nouveau lectorat pour ce classique de la BD, incontournable de la maison d’édition Casterman. Marc Bourgne a su donner un coup de fouet et du tonus au personnage grâce à un rythme soutenu, plus "actuel", qui maintient l’intérêt pour le personnage en évitant l’aspect trop didactique d’un fond et d’un contexte historiques bien présents et réels auxquels il même habilement une bonne part de fiction.
Côté dessin, Laurent Libessart a adapté son trait à un jeune public en évitant lui aussi la fameuse ligne claire et la (sur)abondance de détails même si l’on note ici le soin apporté aux costumes et décors de l’époque. Ajoutant un soupçon de manga à son trait, il rend les personnages sympathiques. La mise en couleurs de Florence Torta apporte également un côté "jeunesse" agréable au regard. Quelques puristes verront certainement cette série d'un mauvais œil, mais sa lecture s’est révélée divertissante. Alix a pris un bon coup de jeune et c'est bien le but recherché. L’album est enrichi d’un cahier documentaire de 8 pages de Franck Mathieu.
SDJuan
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HELLBOY & B.P.R.D.
- Par asbl-creabulles
- Le 07/03/2019
Tome 4 - 1955
Scénario : Mike Mignola et Chris Roberson
Dessin : Shawn Martinbrough, Brian Churilla et Paolo Rivera
Couleurs : Dave Stewart
Encrage : Shawn Martinbrough, Brian Churilla, Paolo Rivera et Joe Rivera
Couverture : Paolo Rivera
Dépot légal : Janvier 2019
Editeur :
Collection : Contrebande
Format : Format comics
Nombre de planches :110Mars 1955. Hellboy et le docteur en sciences biologiques Woodrow Farrier sont chargés d’enquêter sur une série de carnages commis à Sutherlin dans l’État de l’Oregon où les carcasses de plusieurs vaches ayant été dévorées ont été retrouvées. Le fermier déclare avoir surpris un monstre qui s’acharnait sur l’une de ses bêtes et bien qu’il ait tiré à plusieurs reprises ses balles semblaient n’avoir aucun effet sur lui. Poursuivant leurs investigations, les deux agents du B.P.R.D. vont tomber sur une cabane dans laquelle ils découvrent les cadavres de plusieurs jeunes gens et divers objets attestant de pratiques de sorcellerie au cours desquelles ceux-ci auraient invoqué une créature qu’ils auraient été incapables de contrôler. Après les avoir massacrés, la créature serait partie libre d’aller tuer et dévorer tout ce qu'elle pouvait trouver sur son chemin.
Septembre 1955 dans l’archipel des Îles Marshall en plein Pacifique sud. Les mêmes Hellboy et Woodrow Farrier mènent une nouvelle enquête, accompagnés cette fois par Jacob Stegner et Archie Muraro, d’anciens gradés de l'armée américaine. Les essais nucléaires réalisés semblent avoir eu des effets des plus étranges sur la faune et les créatures locales mais surtout quelque chose semble les attirer vers ces îles. Cherchant à comprendre ce phénomène, nos enquêteurs constatent que les soldats dépêchés sur place leur dissimulent des informations secrètes en rapport avec les sciences occultes. À Londres, Bruttenholm, lui aussi, est sur une piste des plus étranges qui aurait un lien avec une menace surnaturelle au niveau mondial !
Mon avis: Mike Mignola au scénario, assisté par Chris Roberson, nous propose les premières aventures de Hellboy au sein du B.P.R.D. Bien que cette série soit dérivée de la série-mère Hellboy, l'enthousiasme reste le même envers ces récits qui nous invitent à suivre les aventures toujours aussi captivantes de nos fidèles héros. Des monstres venus d'ailleurs, des démons, des complots internationaux pour contrôler le surnaturel font toujours mouche. Découvrir Hellboy sous le trait de crayon d’autres artistes est toujours surprenant mais la qualité est au rendez-vous. Mike Mignola sait s'entourer d’excellents dessinateurs – Shawn Martinbrough, Brian Churilla et Paolo Rivera – qui ont su relever le défi, chacun avec un style qui lui est propre mais qui tend à se rapprocher du sien afin de ne pas trop dénaturer le personnage. La différence de style ne gêne en rien la lecture de l'album, même dans le cas de Martinbrough qui illustre d’une manière pourtant nettement plus sombre l’histoire qui lui a été confiée. Cette diversité constitue même un plus en matière de graphisme. L’album dans son ensemble se révèle bien rythmé et dynamique et bénéficie d’une atmosphère prenante grâce à une belle mise en couleurs réalisée par Dave Stewart, le coloriste "attitré" de Mignola.
SDJuan
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MW 90e anniversaire d'Osamu Tezukan
- Par asbl-creabulles
- Le 06/03/2019
MW
Scénario : Osamu Tezuka
Dessin : Osamu Tezuka
Couleurs : <N&B>
Dépot légal : Octobre 2018
Editeur :
Collection : Tezuka 90 ans
Format : Format Manga
ISBN : 978-2-4130-0906-1
Nombre de planches : 592Alors qu'il n'est encore qu'un enfant, Michio Yuki est kidnappé par une bande de jeunes qui l’emmène sur l'île d'Okinomafuné dans le but de soutirer de l'argent à ses parents. Il est confié à la garde de Garai, l'un des membres de la bande, qui le conduit dans leur repaire pour passer la nuit. Là, Garai ressent une attirance sexuelle pour le gamin alors qu’ils attendent les autres membres de la bande qui, en fait, ne les rejoindront jamais. Le lendemain matin lorsqu'ils retournent au village, c’est la désolation. Les oiseaux, le bétail sont morts ainsi que tous les habitants qui semblent avoir agonisé dans d’atroces souffrances. Ils ont été victimes d’un gaz toxique, le MW, que l’US Army a entreposé sur l’île utilisée comme base arrière pour ses opérations au Vietnam. Le gaz s’est accidentellement échappé tuant toute la population à l’exception de Yuki et Garai alors réfugiés dans la grotte. Pris malgré tout d’horribles douleurs, Yuki sera sauvé par Garai. Bien des années plus tard, Garai est devenu prêtre et Yuki travaille dans une banque où il est apprécié de tous. Il est même pressenti par la hiérarchie pour succéder au directeur général. Mais les gens ignorent que derrière cet employé modèle se cache un assassin. Car depuis le dégagement accidentel du gaz MW, Yuki n’a qu’une idée en tête: se venger. Et ce désir de vengeance en a fait un véritable tueur en série. C’est d’ailleurs lui le ravisseur dont tout le monde parle en ce moment car il n’a pas hésité à tuer un gamin en faisant croire à son père qu’il était vivant pour obtenir la rançon avant de le tuer également. Ce ne sera d’ailleurs pas son dernier assassinat mais après chaque meurtre il se rend à l'église où officie Garai pour se confesser. Comme ils sont amants, Garai, bien qu’ayant beaucoup de mal à accepter ses agissements, ne peut se résoudre à le dénoncer à la police. Yuki, lui, a littéralement le comportement d’une personne atteinte d’hystérie, il a besoin de tuer et ses meurtres sont minutieusement préparés et calculés pour assouvir sa vengeance, il semble ne plus avoir aucune limite.
Mon avis: Osamu Tezuka est véritablement un personnage hors normes. Il a ainsi dessiné 170000 planches de 1928 à 1989, soit environ 7,5 planches par jour et 700 titres en tant qu’auteur complet ! Sans oublier ses dessins animés devenus cultes tels que Astroboy et le Roi Léo qui ont bercé notre enfance. S'il y a un mangaka à (re)découvrir, c'est bien Tezuka. Pas étonnant que le Festival d'Angoulême ait consacré en 2019 une exposition à ce dieu de la BD, fondateur du manga moderne.
Ce récit (paru entre septembre 1976 et janvier 1978) est très contestataire et n’a pas vieilli. Il est l’occasion pour Osamu Tezuka d’aborder (tel un précurseur) plusieurs questions sociopolitiques majeures et vivement controversées (encore aujourd’hui pour certaines) et, à travers elles, d’exprimer et de nous faire partager sa colère. Le dégagement accidentel du gaz MW sur une île japonaise lui permet de dénoncer la mainmise américaine sur le Japon et la complicité de ce dernier pendant la Guerre du Vietnam. Avec le personnage de Yuki et ses multiples agissements, il évoque et dénonce la corruption des politiques, les scandales financiers, la ségrégation sexiste d’une société japonaise rétrograde qui (aujourd’hui encore) étouffe les femmes et rejette majoritairement la bisexualité et l’homosexualité, la manipulation des personnes par les émotions y compris ce qu’on appelle le syndrome de Stockholm et tous les troubles psychologiques qui en découlent, etc. Osamu Tezuka nous livre un récit sombre, noir dont le personnage principal est cruel et sans pitié. Seul Garai apporte un peu d'optimisme. Yuki Michio en revanche n'a aucune limite: manque total d'empathie, manipulation et séduction de femmes – telles Mika, la fille de Nakata Eikaku en charge du nettoyage de l’île après l’accident ou Sumiko pourtant amoureuse du père Garai – mais aussi manipulation et séduction d’hommes pour arriver à ses fins. Son allure efféminée lui permet de se travestir pour se faire passer pour les femmes qui ont été ses victimes car en étant vues vivantes elles lui fournissent le meilleur des alibis. MW est bien le récit le plus sombre, le plus dramatique, le plus noir d'Osamu Tezuka. Il fallait oser.
MW est tout à fait caractéristique du style Tezuka. Un mélange habile de pur style manga et de dessin hyper réaliste presque comme de la photographie sans que cela pose le moindre problème de lecture ou de fluidité. Ses cases sont remplies d'énergie, frôlant souvent la caricature dans les scènes d'émotions fortes car il aime exagérer les expressions de ses personnages. Il sait comment guider notre œil pour une lecture rapide ou plus posée lorsqu’il décrit des instants fugaces de calme, de bien-être et de beauté ou des moments plus douloureux voire terrifiants.
MW, cette œuvre emblématique d’Osamu Tezuka, nous est proposée sous forme d’une prestigieuse intégrale de 592 pages (contenant une préface de Patrick Honnoré que l’on retrouve dans chacune des œuvres de Tezuka rééditées) publiée dans le cadre du 90e anniversaire de sa naissance le 3 novembre 1928. Un livre à se procurer sans attendre si vous osez et si vous avez le cœur bien accroché car ce manga plutôt immoral, mélange de thriller et de drame psychologique accumulant les meurtres, les viols, les enlèvements avec rançon, la corruption, le sexe homo, hétéro ou bi est résolument réservé à un public adulte.
SDJuan
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BOUDDHA, la VIE DE BOUDDHA
- Par asbl-creabulles
- Le 05/03/2019
LA VIE DE BOUDDHA
Scénario : Osamu Tezuka
Dessin : Osamu Tezuka
Couleurs : <N&B>
Dépot légal : Octobre 2018
Editeur :
Collection : Tezuka 90 ans
Format : Format Manga
ISBN : 978-2-4130-0906-1
Nombre de planches : 808Un vieil homme tombe d'épuisement. Autour de lui se regroupent un ours, un renard et un lapin. Chacun d'entre eux veut lui apporter de quoi manger mais le lapin revient sans rien et, à la place, il se jette dans le feu en guise de sacrifice. Le vénérable Asita raconte ainsi l’histoire d’un homme qui deviendra l'égal des divinités et aura des facultés hors du commun. Ce récit arrive aux oreilles des Brahmanes (caste sacerdotale) dont un grand nombre sont fatigués de la vie qu'ils mènent au sommet de la société indienne où se sont installés l'orgueil et la discrimination. La mission de trouver cet homme sera confiée à Naradatta. Parti vers le sud pour trouver sa trace, Naradatta subit l'attaque d'un tigre qui finalement le laisse partir. Lorsqu’il arrive au village, les habitants lui indique une personne qui aurait des facultés extraordinaires mais celle-ci se révélera être un charlatan. Non loin de là, un jeune vagabond dérobe à Chaprah, un esclave, l’étoffe qu’il devait livrer à son maître. S'il ne la retrouve pas, son maître vendra sa mère au plus offrant pour payer sa dette. Chaprah découvre finalement le voleur au milieu de sa bande. C’est un "paria" nommé Tatta, au plus bas de l’échelle sociale, plus bas encore que les esclaves, et dont il faut éviter le contact. L’échange de coups ayant mis Chaprah K.O., Tatta accepte de l’hébeger. Après avoir écouté son histoire, Tatta décide de lui venir en aide. Il faut dire que Tatta a la capacité de transférer son esprit dans le corps d'animaux et les manipuler à sa guise tout en les respectant. Il prendra celui d'un tigre pour sauver la mère de Chaprah mais c'est sa famille qui sera tuée lors d'une attaque des hommes de l'armée de Kosala. Chaprah n'en peut plus de supporter sa condition d'esclave et Tatta ne pense plus qu'à une seule chose: se venger.
Mon avis: Osamu Tezuka est un auteur culte au Japon au même titre que le sont pour nous Européens André Franquin (Gaston), Hergé (Quick & Flupke, Tintin), Edgar P. Jacobs (Blake et Mortimer), Peyo (Schtroumpfs), Jean Graton (Michel Vaillant), Jean Giraud/Moebius (Blueberry), Albert Uderzo (Astérix) ou Francisco Ibañez (Mortadelo y Filemón). Delcourt / Tonkam poursuivent la réédition sous forme d’intégrales des principaux chefs-d'oeuvre d'Osamu Tezuka à l’occasion du 90e anniversaire de sa naissance le 3 novembre 1928 à Tokyo.
Osamu Tezuka est l’auteur d’une œuvre colossale principalement en tant que mangaka et scénariste d'animemais aussi producteur. Après "Ayako" et "L'histoire des 3 Adolf", voici le premier tome d’une série de quatre dans lesquels Tezuka nous raconte à sa façon l'histoire de Bouddha, s’efforçant d’être le plus précis et le plus fidèle possible tout en utilisant des personnages somme toute fantastiques. Il fallait bien un auteur de cette trempe pour arriver à nous conter et nous faire partager une histoire d'une telle richesse, pas uniquement de nature spirituelle. D'entrée de jeu, on découvre des personnages qui ne sont pas forcément proches de Bouddha mais qui, au fil des pages, vont prendre tour à tour une place importante auprès de lui. Et pour Osamu Tezuka, raconter ainsi leur trajectoire lui permet d’aborder et de souligner ce qui va être l’un des sujets phares de ce tome, à savoir les différences et les inégalités sociales et les castes. Tous ces personnages vont progressivement prendre de l’importance et nouer des liens forts. On pourrait craindre d’être déconcerté par cette multitude de personnages et ces divagations du scénario, mais le rythme de la narration et le savoir-faire de Tezuka rendent le récit prenant et captivant même pour un lecteur occidental et, d’ailleurs, on ne réalise même plus le nombre élevé de pages qui défilent sous nos yeux. Même le sens de lecture inversé laisse une impression d’aisance et de fluidité dès les premières pages. Ce qui est frappant aussi, c'est que Tezuka raconte la vie des personnages avec une telle facilité qu'on se ne rend compte qu'à la moitié de l'album qu'on n'a pas encore parlé du personnage central, Bouddha, ou plus exactement du prince Siddharta qu’il est encore à ce stade. Une prouesse en somme ! Vous l'aurez compris, on ne le surnomme pas "dieu du manga" pour rien.
Côté illustration, le dessin d’Osamu Tezuka se singularise par sa simplicité et sa douceur. Le mangaka s’efforce d’accorder son dessin à sa manière d’approcher les différents personnages d’où cette alternance de cases dynamiques ou plus lentes. Ceux qui connaissent Astroboy seront frappés par la ressemblance du personnage créé en 1952 avec celui de Tatta. Mais la ressemblance s'arrête là, évidemment. Sachant que l’on demande généralement aux mangaka une très grande productivité, on se rend vite compte qu’Osamu Tezuka a été un surdoué toutes époques confondues, pour avoir pu nous livrer des pages aussi riches, aussi vivantes, aussi réussies, aussi impressionnantes.
SDJuan
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UN PEU DE TARTE AUX EPINARDS
- Par asbl-creabulles
- Le 04/03/2019
Un peu de tarte aux épinards
Tome 1 - Bons baisers de Machy
Scénario : Philippe Pelaez
Dessin : Javier Casado
Couleurs : Javier Casado
Dépot légal : Janvier 2019
Editeur :
ISBN : 978-2-203-15571-8
Nombre de pages : 46Marie-Madeleine Madac Miremont habite le petit village de Machy dans l’Aube. Dans la maison de son père garde-barrière aujourd’hui décédé, elle fait ce qu'elle peut pour s'en sortir avec ses huit enfants, surtout depuis que son mari routier les a abandonnés. Outre divers petits boulots, elle cultive des épinards avec lesquels elle cuisine des tartes qu'elle vend au marché deux fois par semaine. Ses tartes aux épinards n'ont pas beaucoup de succès, c'est le moins qu'on puisse dire. Jusqu’au jour où un colis de Somalie lui est livré par DHL. Elle y découvre d’étranges légumes qu’elle décide de goûter en cachette. C’est une révélation pour elle. Ni une, ni deux, elle en met dans ses tartes. Le lendemain sur le marché, un élu en campagne pour les prochaines élections législatives se laisse tenter par une part de "tarte aux épinards". Soudain, il se met à faire des révélations sur ces élections, criant à qui veut l’entendre qu’elles sont manipulées afin qu’il en sorte gagnant. Mais la plante si étrange arrivée de Somalie n’était pas vraiment destinée à Marie-Madeleine et les véritables propriétaires sont déjà en route pour récupérer leur bien.
Mon avis: Le scénario de Philippe Pelaez démarre fort. Il nous offre un récit drôle et énergique accumulant les péripéties, à mi-chemin entre les films de la saga "Les Tuche" et "Les Vieux Fourneaux", qui accroche le lecteur et dans lequel évoluent divers personnages tous charismatiques. L'héroïne plutôt nunuche, s’exprimant dans un style très libre et agrémenté de multiples dictons farfelus car souvent déformés, mène cette aventure rocambolesque avec entrain. Mieux vaut ne pas se mettre sur le chemin de cette mère isolée à la tête d’une famille atypique et bien soudée, prête à tout pour protéger ses huit enfants.
L'énergie du scénario accroche, c'est certain, mais c'est sans compter avec le trait plaisant, fin, clair et énergique de Javier Casado qui donne toute leur puissance et tout leur dynamisme aux protagonistes de cette aventure. Casado leur donne à tous ou presque une bonne bouille, ce qui les rend tout de suite attachants, et les installent dans une succession de scènes burlesques et drôles sans en faire trop. Il s’est également chargé de la mise en couleurs très vivante et joyeuse. Un premier tome à ne pas rater (puisque qu’il a déjà fait l’objet d’une réédition). Et surtout, si vous avez l’occasion de rencontrer Javier Casado, vous le reconnaîtrez très facilement car c’est une personne sympathique qui vous accueille avec un visage illuminé d'un grand sourire.
Souhaitons à cette nouvelle série le succès qu'elle mérite!
SDJuan
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DANS LES YEUX DE LYA
- Par asbl-creabulles
- Le 28/02/2019
Tome 1 - En quête de vérité
Scénario : Carbone.
Dessin : Cunha
Couleurs : Cunha
Dépot légal : Mars 2019
Editeur :
ISBN : 9791034732630
Nombre de pages : 64
En pleine adolescence, Lya est renversée par une voiture alors qu’elle va avoir 17 ans. Le conducteur du véhicule l’a laissée pour morte au bord de la route. S’il avait fait ce qu'il fallait au lieu de fuir, elle ne serait pas paraplégique et condamnée à rester en fauteuil roulant pour le reste de sa vie. Mais Lya a la volonté de vivre et espoir dans l’avenir. Et le hasard va la conduire à trouver un document révélant que le coupable a été en contact avec ses parents auxquels il a offert de payer ses soins en échange de leur silence. Après des études brillamment menées, elle entre quatre ans plus tard au service d’un prestigieux cabinet d’avocats comme stagiaire, celui-là même qui s’était occupé de son accident. Bien décidée à retrouver le coupable, il n’y a plus qu’à mettre la main sur le dossier pour connaître son nom et lui faire payer son geste mais dans son état et compte tenu de son handicap, elle a besoin d'aide pour arriver à ses fins.
Mon avis: Depuis son fauteuil roulant, l'héroïne de Carbone (également scénariste de la nouvelle série "La Boîte à Musique" illustrée de façon dynamique, expressive et colorée par Jérôme Gillet, alias Gijé) a du pain sur la planche. Carbone nous propose un scénario qui frappe fort. Elle nous montre les difficultés et obstacles que rencontre une jeune handicapée moteur dans la vie courante. Obstacles que Lya va s’efforcer de surmonter d'une manière ou d’une autre et c'est là que l'imagination de la scénariste fait mouche. Avec de la subtilité, de la ruse ou... de la chance, l'héroïne va même réussir à tirer les ficelles pendant un certain temps. Je n'en dirai pas plus pour préserver le suspense qui est très bien dosé. L'intrigue s'intensifie au fil d’une lecture captivante qui, je n’en doute pas un seul instant, permettra à la série de trouver son public, ados et plus …
Les illustrations de Justine Cunha sont globalement très agréables. Elle réussit à donner du tonus à cette jeune fille malheureusement clouée dans son fauteuil roulant qui devient, au final, invisible. Passionnée d’animation, de manga et de bande dessinée, Justine Cunha confesse avoir un artiste fétiche dont elle adore le style et les couleurs: l’américaine Mary Blair qui a été dessinatrice/aquarelliste chez Disney et de livres pour enfants. Cela lui permet de nous proposer des personnages très charismatiques dont elle travaille les expressions, les réactions, les vêtements, etc.
Avec une touche de manga, des couleurs chatoyantes et des personnages sympas, on sent une terrible énergie se dégager du premier tome intitulé "En quête de vérité" de cette nouvelle série parue chez Dupuis. Bravo aux deux auteures.
SDJuan