Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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EFFET MIROIR
- Par asbl-creabulles
- Le 15/10/2020
Scénario : MAKYO
Dessin : LAVAL NG
Couleurs : LAVAL NG
Dépot légal : Avril 2020
Editeur :
Collection : Machination
ISBN : 978-2-413-01709-7
Nombre de pages : 86Nuit après nuit, Louis Ferrant fait le même cauchemar. Il se bat contre des ombres dans ce qui ressemble à une prison glauque et sombre. Il aimerait bien en parler à Camille, son ex, mais elle ne répond jamais à ses appels. Puis comme tous les jours, il rejoindra son bureau en voiture. Louis travaille aux établissements Ferrant, un nom transmis de génération en génération depuis 1889. Au retour, en fin de journée, comme il en a l’habitude, Louis ira courir seul en forêt. Mais aujourd'hui Louis va devoir courir pour sa survie, pour échapper à un motard tout de noir vêtu qui vient et revient sans cesse vers lui. Au début, Louis fait front, croyant à une présence importune, mais il est clair que le motard l’a pris en chasse. Très vite, il se rend compte que c'est bien après lui qu'il en a et que sa vie est en jeu. Et aucun de ses appels à Camille, aux pompiers, à la gendarmerie ne semble pris au sérieux. Si seulement il pouvait voir qui se dissimule derrière la visière du casque...
Mon avis: Certes la ligne narrative est réduite au minimum mais elle soutient une intrigue captivante et accrocheuse dès la première page. Makyo réussit même à maintenir le suspense jusqu'au bout de la course-poursuite dans laquelle il entraîne ses lecteurs. Il distille habilement des infos sur Louis, le personnage principal, faisant le lien entre ses cauchemars et ce mystérieux motard. Une construction originale dans de beaux décors naturels que l’on doit au talent de l’auteur mauricien Laval NG, de son vrai nom Laval Ng Man Kwong, qui a notamment travaillé sur Balade au bout du Monde, Les Chroniques de Sillage, Paul et Virginie, Alter, etc.
Un dessin plutôt nerveux et énergique lorsqu’il s’agit du duel terrifiant en pleine forêt laisse la place à des passages plus calmes. La tension est encore accentuée par les nombreux changements de cadrages et plans (rapproché, serré, large…) et le mélange réussi entre les tons froids et sombres et le rouge vif très largement utilisé. Une aventure impressionnante très bien menée qui vaut le détour.
SDJuan
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COMÈS, D'OMBRE ET DE SILENCE
- Par asbl-creabulles
- Le 14/10/2020
Textes : Thierry BELLEFROID & COMÈS
Dessin : COMÈS
Couleurs : COMÈS
Dépot légal : Septembre 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-203-18379-7
Nombre de pages : 144C’est à l’un des plus grands spécialistes de bande dessinée en Belgique, Thierry Bellefroy, actuellement co-commissaire avec Éric Dubois de l’exposition "Comès d’Ombre et de Silence" qu’ils ont conçue à la demande de la Fondation Roi Baudouin qui gère le patrimoine artistique de l’auteur (exposition visible au musée BELvue à Bruxelles jusqu’au 3 janvier 2021), que nous devons cette superbe monographie de Didier COMÈS qui rend hommage à l’un des auteurs majeurs de la bande dessinée belge, maître en particulier du noir et blanc et du fantastique.
Dieter Herman Comès, plus connu sous le nom de Comès, est né le 11 février 1942 à Sourbrodt, un petit village près de Liège alors annexé au IIIe Reich. Son père germanophone sera même enrôlé dans l'armée allemande. Dieter qui vit avec sa mère francophone francise son prénom en Didier après la Libération. Né gaucher, l’école le force à écrire de la main droite mais il continue et continuera à dessiner de la main gauche. Son diplôme de dessinateur industriel en poche, Comès ne sait pas encore s'il veut se lancer dans la BD ou la musique en particulier le jazz, sa passion. Il fera les deux en parallèle. Bien qu’ami avec Hugo Pratt, c'est sa rencontre avec René Hausman qui va indirectement l’orienter sur la voie de la BD. À partir de 1969, il commence sa carrière de dessinateur pour le journal Le Soir, puis travaille dans divers magazines et revues dédiés à la jeunesse. Mais c'est avec sa première BD de science-fiction racontant les aventures d’Ergün l’Errant pour le magazine Pilote en 1973 [dont la suite sera publiée dans la revue (À Suivre) en 1980] qu'il s’épanouit vraiment. S’il apprécie particulièrement ce genre, cela ne l'empêchera pas plus tard d'aborder d’autres thèmes comme la nature, la ruralité, le social ou même la sorcellerie qui animeront ses œuvres majeures en particulier Silence publié à partir de 1979 dans la revue (À Suivre), L’Ombre du Corbeau (1981), La Belette (1983), Eva (1985), L’Arbre-cœur (1988) … Didier Comès nous a quittés en mars 2013 à l’âge de 70 ans.
À travers les nombreuses illustrations de l’album, on découvre sa maîtrise du trait, un trait fort, incisif et précis, souligné par un encrage puissant laissant une large place aux ombres mais aussi aux silences (parfois prolongés sur plusieurs pages dépourvues de textes dans ses albums comme pour accentuer l’atmosphère pesante des situations). On notera aussi sa grande maîtrise de la couleur même si son talent se révèle surtout grâce au noir et blanc. Si pour créer ce qui deviendra son univers, Comès a puisé ses influences dans les romans américains comme ceux d'Edgar Rice Burroughs ou dans les comics d'horreur sans oublier le style graphique d’auteurs français comme Philippe Druillet ou Jean-Claude Mézières, il trouvera vite ses marques.
Cet ouvrage, également catalogue de l’exposition du musée BELvue, enrichi des témoignages de personnes ayant connu l’auteur, notamment Hughes Hausman, le fils du dessinateur René Hausman, Benoît Peeters, François Schuiten ou Christophe Chabouté, nous entraîne à la découverte de l’univers foisonnant et passionnant de Didier Comès. On comprend mieux son parcours, ses doutes, ses envies, ses rencontres et finalement ses choix et ses passions. Une lecture accessible, richement documentée et illustrée.
Un très beau livre de 144 pages pour découvrir l’un des auteurs majeurs de la bande dessinée belge.
SDJuan
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DON VEGA
- Par asbl-creabulles
- Le 10/10/2020
One shot
Scénario : Pierre ALARY
Dessin : Pierre ALARY
Couleurs : Pierre ALARY
Dépot légal : Octobre 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-505-08497-6
Nombre de pages : 96Haute-Californie, 1848. Après avoir perdu le Texas en 1845 (futur 38e État des États-Unis), le Mexique doit faire face à une rébellion de la Haute-Californie qui n’hésite pas à faire sécession et s’autoproclamer république libre (elle sera officiellement intégrée aux États-Unis en 1850). Durant la brève période de la République de Californie indépendante, l’ancien général Gomez qui s’est illustré durant la guerre contre le Mexique a trouvé un moyen habile de s'enrichir grâce aux filons d’or nouvellement découverts mais aussi sur le dos du peuple mexicain. S’appuyant sur un certain Borrow et ses hommes de main qui n’hésitent pas à recourir à des méthodes impitoyables, Gomez contraint tous ceux encore en possession de terres à les céder à des prix de misère. Ensuite, il les revend au prix fort à des Français ayant fui la Révolution de 1848 persuadés de réaliser un bon investissement dans la région et ignorant que Gomez et bien d’autres membres de la caste des puissants et riches californiens escomptent faire voter une loi (dès que la Californie aura rejoint l’Union) qui, tel un droit de préemption, leur permettrait en tant que natifs du pays de récupérer et devenir propriétaires des terres vendues à des étrangers. Mais succombant à l’appât du gain, Gomez commet l’erreur de s’emparer par la force des biens de la famille Vega. En formation à l’académie militaire de Madrid, Don Vega, leur fils, est informé par le père Delgado de la situation dans la région et de la mort de ses parents. Il décide de rentrer au plus vite. Entre temps, sur place, les habitants se défendent comme ils peuvent redonnant vie au mythe d’El Zorro. On voit apparaître de multiples "zorros" la tête couverte d’une cagoule noire, en réalité de simples paysans téméraires. Ils luttent courageusement contre les abus et vols commis par Borrow et ses hommes en essayant de défendre leurs maigres biens la plupart du temps au prix de leur vie. Avec l’arrivée prochaine de Don Vega, les choses vont prendre une nouvelle tournure.
Mon avis: Avec cet album, sous-titré "Zorro, la naissance d’une Légende", Pierre Alary nous propose en auteur complet un récit d’aventure avec un grand A surfant sur le mythe d’El Zorro dans une version tout à fait personnelle revue et corrigée par ses soins. Un récit captivant de bout en bout avec une entrée en matière accrocheuse et un suspense entretenu jusqu’à la dernière des 90 pages que compte ce gros album. Pierre Alary réinterprète de façon nouvelle et rafraîchissante le mythe de Zorro et c’est tant mieux. Loin d’être un remake de l’histoire du héros dont on a quasiment tous et toutes entendu parler, l’action se situe avant celle du personnage créé par Johnston McCulley pour le magazine All-Story Weekly, héros d’un récit en épisodes intitulé le Fléau de Capistrano, puis d’un roman publié en 1924, pour lequel McCulley s’est notamment inspiré du personnage semi-légendaire de Joaquin Murietta qui, dit-on, luttait lui aussi contre les abus et vols dont étaient victimes les chercheurs d’or à l’époque de la ruée vers la Californie. Les nombreux rebondissements imaginés par Pierre Alary nous entraînent dans une fiction passionnante inspirée d’une histoire vraie même si au fil des pages le récit nous mène à la rencontre du futur et célébrissime Zorro. Un Zorro dont le cinéma s’est emparé sous les traits notamment de Douglas Fairbanks dans le film Le Masque de Zorro (sorti en 1920) puis les studios Disney pour une adaptation télévisée à partir de 1958 mettant au premier plan l’acteur Guy Williams qui incarne Don Diego de la Vega, alias Zorro, un justicier lui-même successeur du célèbre Robin des Bois, le héros légendaire du moyen-âge anglais, et source d’inspiration pour Bob Kane, le créateur du personnage de Bat-Man (devenu Batman) en 1939. N'oublions pas les deux films réalisés par Martin Campbell, Le Masque de Zorro (1998) puis La Légende de Zorro (2005), avec Anthony Hopkins et Antonio Banderas dans le rôle de Zorro.
Le style de dessin semi-réaliste bien reconnaissable de Pierre Alary – des traits nerveux, nets et incisifs – colle parfaitement de par son dynamisme au récit qu’il a écrit pour nous raconter les origines de Zorro. Beaucoup de travail pour un rendu réussi des scènes à huis clos, à la mine ou d’affrontement à l’épée. Et une multitude de personnages expressifs voire charismatiques. On se laisse transporter et captiver par une mise en page et des cadrages dynamiques et pleins de vie. On n'ose imaginer le temps passé à travailler à la main la trame mécanique de chaque planche. Mais le résultat est là avec cet album à la couverture montrant un Zorro au galop sur son cheval. À noter aussi le très beau travail sur la mise en couleurs, les dégradés et les ombrages dans un style vintage qui colle bien à l'histoire. Un one shot qui s’achève sur une fin ouverte. Qui sait....
À noter: l’album comporte une préface présentant le contexte historique du récit et a fait l’objet en exclusivité pour la librairie Multi BD de Bruxelles d’une édition avec jaquette numérotée sur 99 exemplaires et signée par l’auteur.
SDJuan
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LA CAGE AUX CONS
- Par asbl-creabulles
- Le 09/10/2020
Scénario : Matthieu ANGOTTI
Dessin : Robin RECHT
Couleurs : Robin RECHT
D'après Franz BARTELT
Editeur :
Collection : Machination
Dépot légal : Octobre 2020
ISBN : 978-2-413-01857-5
Nombre de pages : 152Voici l’histoire – qui pourrait arriver à tout un chacun – d’un type genre petit voyou qui se retrouve mis dehors parce qu’il n’a plus un rond. Sa copine Karine dont il est fou amoureux lui a bien fait bien comprendre qu’il ne pourrait revenir que les poches pleines. Au bar du coin où il tente de passer son amertume, il ne peut s’empêcher d’entendre un homme saoul comme un cochon et faisant le fanfaron se vanter de n’avoir peur de rien et de faire tout ce qui lui plaît grâce à son pognon. Un vrai con qui tombe à pic pour notre héros qui voit là une chance et un moyen de retrouver Karine, sa chérie. Après l’avoir suivi jusque chez lui et attendu qu’il se soit endormi une fois les lumières éteintes, il en profite pour visiter son logement. Un vrai jackpot pour notre voleur amateur qui découvre un tiroir bourré de liasses de billets de banque. Sauf qu’il ignore encore qu’il s’agit d’un piège qui va se refermer sur lui... Et il va vite se rendre compte qu’il n'est pas la première proie de celui qu’il prenait pour un "con".
Mon avis : Un album étonnant et inattendu, scénarisé par Robin Recht et Matthieu Angotti qui ont adapté le roman Le Jardin du Bossu de Franz Bartelt (publié en 2004 dans la collection Série Noire de Gallimard). On est happé par l’histoire dès les premières pages et on se laisse piéger dès l’apparition de ce soi-disant "con" déniché au bistrot du coin. Ensuite, de rebondissement en rebondissement, le récit se transforme en thriller au suspense savamment entretenu. C’est à la fois inquiétant, étrange voire morbide et drôle. La victime prise au piège, on se demande quelle va être la réaction du "cougar" et on devient spectateur d'une sorte d'admiration mutuelle qui s'installe, on reste dans l'expectative des événements qui vont se succéder de manière surprenante et cocasse. Et que dire de la fin ? Quelle claque !
Au dessin, quand on connaît et qu’on apprécie le travail nerveux et puissant de Robin Recht sur "Totendom", "Le Troisième Testament - Julius" ou tout dernièrement "Conan le Cimmérien -T4", on se demande si l’on parle bien du même Robin Recht. En fait, il faut remonter trois ans en arrière pour retrouver l’autre facette de sa personnalité sur l’album "Désintégration" également scénarisé par Matthieu Angotti, mais cette fois il s’agit d’un dessin N&B aux multiples nuances de gris qui se révèlent des plus efficaces. Une ambiance sombre et inquiétante souvent déjouée par des actions surprenantes ou la bouille débonnaire d’un héros courageux, intrépide ou simplement inconscient de la réalité du danger (à vous de le découvrir en lisant l'album). En tout cas, on accroche à cette tranche de vie d’un "cougar" attendant le meilleur instant pour bondir et s'enfuir...
Un récit tout à fait singulier et surprenant de bout en bout servi par un beau travail d’adaptation et un dessin qui présente parfaitement l'intrigue.
SDJuan
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ALIX 39
- Par asbl-creabulles
- Le 08/10/2020
Tome 39 : Le Dieu Sans Nom
Scénario : David B
Dessin : Giorgio Albertini
Couleurs : Giorgio Albertini
Dépot légal : Octobre 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-203-19679-0
Nombre de pages : 48Depuis que César est rentré à Rome auréolé de sa victoire à la bataille de Zéla en Anatolie, les rumeurs vont bon train quant à son désir de devenir roi. Aujourd’hui, il envoie Alix dans les steppes de l'Oural rencontrer le roi sarmate Eunonès. Sa mission est de faire de la tribu nomade des Sarmates un nouvel allié de Rome ou d’obtenir qu’elle reste neutre à l’avenir, afin de sécuriser la zone. Poursuivant sa mission accompagné d'Enak et d’un détachement de Sarmates, Alix va vite découvrir de nouvelles cultures aux dieux sans noms et où, entre autres, les femmes guerrières n'obtiennent le droit de se marier que si elles ont déjà tué un ennemi. Capturés par des membres de la peuplade cannibale des Androphages, Enak, Alix et leur troupe auraient dû être sacrifiés sans l'intervention directe d’une ancienne connaissance, la géante "Personne" qui se trouve être à la tête de la tribu. Elle décide d’épargner Alix et Enak car elle compte sur eux pour l’accompagner vers le nord en vue d’y rencontrer les dieux du bord du monde afin de trouver un cheval fabuleux à sa taille. En revanche, l’escorte sarmate est entièrement sacrifiée au profit des membres de sa tribu.
Mon avis: Nouvelle aventure confiée au duo Giorgio Albertini et David B. auquel nous devons déjà l’album "Veni, Vidi, Vici" paru en 2018. Le gaulois Alix est envoyé en mission dans les steppes de l'Oural à la demande de César. Ce voyage est l’occasion d’entrer en contact avec de nouvelles tribus et de nous faire découvrir leur culture, leurs us et coutumes, étranges pour ce gaulois au service de Rome. David B. assume ce scénario mêlant histoire et fiction qui explore dans un style que certains jugeront plutôt vif et percutant mais certainement plus proche de la réalité historique les contacts entre Rome et de nouvelles peuplades et tribus. Une nouvelle fois, David B. confirme son approche différente de l’univers traditionnel d’Alix. Il nous décrit un monde dur et impitoyable, qui est prémonitoire des changements, conquêtes et massacres qui ont marqué cette époque et qui se poursuivront plus tard lors des invasions dites "barbares". Un petit regret toutefois lié au format d’album de 48 pages qui oblige à des raccourcis et explications réductrices ne permettant pas une approche réellement pédagogique de cette période historique. Ce récit d’aventure offre une belle place, région oblige, aux cavalcades.
Coté dessin, Giorgio Albertini nous offre des planches particulièrement détaillées et riches en décors en tous genres et surtout en personnages. Les pages sont divisées en quatre ou cinq bandes comportant des cases contenant parfois des dizaines voire davantage de personnages à pied ou à cheval au trait toujours net et précis. Un dessin millimétré qui constitue un exploit à ce niveau de qualité. Une mise en couleurs agréable et respectueuse du dessin assurée par Albertini en personne, assisté par V. Belardo et V. Moscon.
SDJuan
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L'ESPION DE CÉSAR
- Par asbl-creabulles
- Le 07/10/2020
Scénario : Jean-Pierre PÉCAU
Dessin : FAFNER
Couleurs : FAFNER
Dépot légal : Mai 2020
Editeur :
Collection : Histoires et Histoires
ISBN : 978-2-413-01582-6
Nombre de pages : 74Pirate et mercenaire, le gaulois Marcus Coax dont on va rapidement découvrir le désir de vengeance qui l’anime après la perte de son nourrisson puis de son épouse est amené à croiser le futur Jules César en personne lors d’un assaut en mer. En utilisant un stratagème des plus rusés voire machiavéliques, César va pouvoir échapper à une mort certaine moyennant le versement d’une rançon. Quant à Coax, qui échappera à la mort grâce à César, va rejoindre le milieu des gladiateurs où il révélera ses talents de combattant. Devenu le meilleur d’entre eux, César va finalement le racheter pour en faire l’un de ses guerriers mais pas seulement... Aujourd’hui, Marcus, en opération sur le territoire des Helvète, a vaillamment réussi à sauver un groupe d’habitants attaqués par les Germains. Sanian, la fille du chef des Helvètes, lui a même proposé de se joindre à eux pour le remercier de son geste. Mais Marcus leur conseille plutôt de quitter leur village car affronter des Germains beaucoup plus nombreux les conduirait à une mort certaine. Convaincu de pouvoir obtenir l’accord de César, Marcus Coax les pousse à fuir au plus vite et à passer par le camp romain.
Mon avis: Comme toujours avec Jean-Pierre Pécau, on plonge dans l’histoire. Et comme il sait si bien le faire, il nous propose un récit qui mêle habilement faits et personnages réels et fiction. Si le contexte est l’occasion de (re)découvrir le monde romain, son héros s’apparente à un personnage d’heroic fantasy et me fait un rien penser à Conan par son allure, par sa force et sa puissance. Un premier tome de présentation générale et mise en place des principaux personnages et rapports de forces riche en rebondissements et combats bourrés de testostérone. La narration est fluide et efficace pour nous expliquer la relation qui se met en place entre les deux héros, laissant déjà entrevoir la manière dont elle va se dessiner pour que chacun puisse arriver à ses fins.
Le dessin de Fafner sort clairement du lot. Un découpage original, un trait marqué collant parfaitement à des scènes de combats plutôt impressionnantes. On a parfois l'impression que les personnages jaillissent des cases. Les décors ne sont pas en reste, riches et soignés. L’ensemble est traité avec peu de couleurs, dans des tons doux correspondant à l’idée que l’on se fait généralement de l’Antiquité romaine.
SDJuan
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ROBILAR ou le Maistre Chat
- Par asbl-creabulles
- Le 06/10/2020
Tome 1 : Maou !!
Scénario : David CHAUVEL
Dessin : Sylvain GUINEBAUD
Couleurs : LOU
Dépot légal : Septembre 2020
Editeur :
Collection : Conquistador
ISBN : 978-2-413-03736-1
Nombre de pages : 64Robilar est un gros matou dodu dont la vie s’épanouit heureuse au cœur d'un magnifique domaine dans la très belle demeure de la comtesse Carabia. Robilar aime ce luxe, ce confort dont il profite au quotidien, pouponné, cajolé, chouchouté par sa maîtresse dont il est le sucre d’orge et dont l’unique préoccupation est de marier son fils. Et pourquoi pas à la fille du Roy ? Robilar s’est fait des amies souris avec qui il joue… évidemment au chat et à la souris mais en pleine entente complice et dans une ambiance bon enfant. Le moment du départ pour le château du Roy est enfin venu. Alors que la comtesse trouve le trajet long et chahuté, soudain c’est l’accident. Le carrosse est violemment bousculé et écrasé par un ogre surgi d’on ne sait où. Si l’ogre, embarrassé par ce qui vient de se produire, disparaît aussitôt après s’être transformé en aigle, il laisse derrière lui une scène de désolation. Seul, Robilar a survécu et le voici désormais orphelin et abandonné. Chassé, tabassé, menacé de passer à la casserole, Robilar est finalement sauvé par Panisse, le fils du meunier du village, qui le recueille. Mais ici on ne roule pas sur l'or et Robilar ne pourra rester qu’à la seule et unique condition qu’il chasse les souris qui font de gros dégâts dans les réserves du moulin. Avec son embonpoint, Robilar que Panisse a rebaptisé grigrigros chat a beau faire des efforts, même les souris se moquent de lui. Heureusement Panisse va l'encourager et tout faire pour l'aider à devenir une vraie machine à tuer … car une fois aminci, Grisgris gros chat a retrouvé son instinct de chasseur.
Mon avis: On suit les (més)aventures du chat Robilar sorti de la plume de David Chauvel qui … le chat bien sûr (!) n'a rien demandé pour en arriver là mais qui vaille que vaille va tout faire pour survivre et même plus. De gros matou maladroit qu’il était, Robilar va évoluer tout au long de ce premier tome. Drôle, parfois effrayant et même triste par moments, le scénario de Chauvel est bourré de rebondissements savamment dosés et étonnants. Lui changeant son costume de grigrigros chat dodu, pantouflard, cocooné par sa maîtresse pour celui de chat botté au corps svelte et musclé sachant utiliser l’art de la ruse, Chauvel nous déroule le chemin semé d’embuches et de péripéties que Robilar va devoir parcourir. Il n’est certainement pas au bout de ses peines, même lorsqu'il réussit à gravir les échelons de la société. Et très vite, la chance et le succès vont tourner en sa faveur. David Chauvel y veille !
Côté dessin, Sylvain Guinebaud nous régale d’un très bel album. Des personnages hauts en couleur, aux bouilles expressives, parfois patibulaires et inspirant de la peur, souvent caricaturées. Une belle mise en page incluant des scènes d’aspect disneyen marqué, souvent drôles mais laissant vite la place à des passages réussis évoquant la tristesse, la violence, la rage voire le sadisme. L’ensemble est agrémenté de décors riches et nombreux. Un beau travail sur les couleurs réalisé par Lou au profit d’un dessin clair et aéré donnant de la vie au récit et contribuant à rendre la lecture très fluide. Un beau départ qui promet pour la suite.
SDJuan
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NOUS AURONS TOUJOURS 20 ANS
- Par asbl-creabulles
- Le 04/10/2020
Scénario : Jaime MARTÍN
Dessin : Jaime MARTÍN
Couleurs : Jaime MARTÍN
Dépot légal : Septembre 2020
Editeur :
Collection : Aire Libre
ISBN : 979-10-34742-94-3
Nombre de pages : 152La mort de Franco le 20 novembre 1975 a été un événement marquant pour le peuple espagnol, en tout cas les adultes car les enfants comme Jaime Martín (qui n'avait que 9 ans à l’époque) y ont certainement été moins sensibles. Ce fut donc un grand jour pour la famille qui s'était réunie pour l'occasion, même si les grands-parents savaient que la transition démocratique et la marche vers la liberté ne se feraient pas en un jour. Mais à l’âge de Jaime, on est souvent insouciant et indifférent aux problèmes des adultes. Si Jaime a souvent entendu parler de Franco, il trouve son bonheur chez sa tante Catalina qui vit au bout de la rue. Une véritable caverne d’Ali baba où il peut lire tranquillement des magazines et des BD. Cette année-là, faute de place à l’école publique, il est obligé avec José Maria, l’un de ses petits frères, d’entrer dans une institution religieuse et d’y suivre une éducation catholique plutôt stricte, ce qui ne l’empêchera pas de s’y faire de bons copains. Jaime s’adonne déjà au dessin et aime ça. Ayant découvert qu’il aidait ses camarades de classe en dessinant à leur place, le père Albert lui passe commande d’une illustration pour célébrer la Semaine sainte. Pour Jaime, cette première incursion officielle dans l’univers du dessin a sans aucun doute confirmé son désir de devenir peintre. Le retour à l’école publique sera l’occasion de vivre une adolescence faite de découvertes, de défis, de bouleversements mais surtout d’une richesse et d’une variété jusqu’ici inimaginables : les fêtes du parti communiste, la violence dans les rues, les élections, les concerts et vinyles de Hard Rock, l’abondance d’informations de toutes sortes, la découverte hallucinante des magazines Métal Hurlant et Creepy et les premières attaches avec la bande dessinée (qui depuis ne l'a plus quitté), notamment les premiers travaux pour la revue périodique El Vibora, sa complicité avec Josep Maria Beà, les filles évidemment … et tout cela pendant que l’Espagne s'engage lentement mais sûrement sur la voie de la démocratie libérale.
Mon avis : "Nous aurons toujours 20 ans" est le dernier tome d'une trilogie racontant l’histoire de la famille de Jaime Martín sur une période allant du coup d’État de Franco en juillet 1936 et de la guerre civile (1936-39) qui a instauré sa dictature (1939-1977) jusqu’à notre époque. Dans le premier tome "Les Guerres Silencieuses" (2013), Jaime s’est appuyé sur le journal de mémoires que son père a écrit a posteriori pour raconter la jeunesse de ce dernier, en particulier son service militaire au Sahara alors espagnol durant la guerre avec le Maroc (1957-58). Le second "Jamais je n'aurai 20 ans" (2016), qui se situe chronologiquement avant le premier tome, évoque la jeunesse de ses grands-parents Isabel et Jaime, tous deux engagés dans la lutte contre Franco durant la guerre civile espagnole (1936-39).
Avec "Nous aurons toujours 20 ans" (2020), Jaime nous raconte sa propre histoire. S’il n’est pas indispensable d’avoir lu les autres albums pour apprécier ce dernier récit, ils constituent des témoignages majeurs sur l’histoire récente de l’Espagne. Dans ce dernier tome, telle une autobiographie, Jaime Martín nous raconte les grandes étapes de sa propre histoire tout au long de la transition à la démocratie dans cette Espagne de la post-dictature touchée par la crise économique. S’il y a eu le rock, la drogue et la "débrouille" avec ses amis Bodi, David et Jordi, c’est sa passion pour le dessin, Métal Hurlant, les comics, la BD et Isa, son épouse, qui va finalement lui permettre de bien vivre sa jeunesse, de grandir, d’évoluer et de faire ce qu’il voulait de sa vie. On découvre ce témoignage personnel plutôt positif avec beaucoup d'intérêt. Cette très belle et touchante histoire, parfois dure mais toujours optimiste, nous montre comment sa personnalité s’est forgée et développée à partir de toutes sortes d’influences familiale, scolaire, professionnelle, sociale et amicale. Pour ma part, cet album m'a ramené en arrière lorsque chaque voyage vers l’Espagne était l’occasion d’y dénicher un maximum de BD inédites en français mais et surtout me rappeler ma vie familiale de l'époque en tant qu'Espagnol vivant à l'étranger et se demandant sans cesse si je n'aurais pas mieux vécu en Espagne.
Côté dessin, Jaime Martín, comme à son habitude, nous offre des illustrations qui servent parfaitement la narration avec un trait clair et net, des personnages parfaitement reconnaissables au fil du temps et des expressions et émotions parfaitement rendues. La couleur est toujours savamment pensée pour rendre ces pages encore plus agréables à lire. Un album d’une impressionnante efficacité qui nous fait vivre et ressentir ce que l’auteur a vécu à la maison, à l’école, dans la rue, aux manifestations, aux concerts… À découvrir en fin d'album sur plusieurs pages une belle panoplie de photos d’objets d'époque avec notices explicatives ayant accompagné le parcours de Jaime Martín.
Un très bel album clôturant une trilogie qui fait honneur à la collection Aire Libre.
SDJuan