Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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VAN GOGH, fragments d'une vie en peintures
- Par asbl-creabulles
- Le 02/11/2020
Scénario : Danijel Žeželj
Dessin : Danijel Žeželj
Couleurs : N & B
Dépot légal : Août 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-344-04390-5
Nombre de pages : 144Depuis Londres en 1873, Auvers-sur-Oise en 1890, en passant par Ramsgate, Zundert, Wasmes, Cuesmes, La Haye, Nuenen, Anvers, Paris, Arles et Saint-Rémy, Vincent Van Gogh a écrit quinze lettres à ses proches au cours des 17 dernières années de sa vie. Quinze lettres dans lesquelles le célèbre peintre et dessinateur se montre tour à tour plein d’entrain et de passion, animé par le désir de se rapprocher de la chrétienté et de Dieu, en proie aux interrogations, à la peur, au désespoir. Une correspondance alternant des moments de lumière où il se montre en quête de contacts avec ses proches et des moments de solitude, de repli et de renfermement sur soi. Tous ces moments sont commentés et expliqués à la fin de ce magnifique volume. Il ne s’agit pas vraiment d’une BD au sens propre du terme, ni d’un roman graphique, ni d’un artbook. Dans cet ouvrage, répertorié Hors Collection chez Glénat, le dessinateur croate Danijel Žeželj nous propose sa vision artistique des moments où Vincent Van Gogh a écrit ces lignes à travers des illustrations témoignant de sa créativité et de son imagination.
C’est à Zagreb où il est né en décembre 1966 que Danijel Žeželj a étudié la peinture classique et la sculpture à l’Académie des Beaux-Arts. Dès la fin des années 80, s’il est très actif dans les revues BD de son pays et de l’ex-Yougoslavie, il collabore aussi avec des revues étrangères. Il réalise déjà beaucoup d’illustrations. S’ensuit une période de séjours à l’étranger : Londres en 1991, l’Italie à partir de 1992 où il publiera une vingtaine d’albums de type roman graphique, les États-Unis à partir de 1995 où, installé à Seattle, il travaille pour DC Comics en particulier pour le label Vertigo tout en réalisant des illustrations et dessins pour les grands journaux américains. En 2001, à Zagreb, en Croatie, il fonde la maison d'édition et atelier graphique Petikat. Son travail a été publié et exposé dans de nombreux pays. En France, les éditions Mosquito ont publié plusieurs de ses titres, en noir et blanc, comme Invitation à la danse (1999), Congo Bill (2000), Rex (2001), La mort dans les yeux (2004), Le rythme du cœur (2005), King of Nekropolis (2009), Sexe et violence (2011), Babylone (2013).
Pour cet album, Danijel Žeželj nous régale de superbes planches muettes en noir et blanc restituant l’état d’esprit de van Gogh lors de l’écriture des lettres, moment de pause, de vie ou moment de torture, à coup de traits incisifs parfaitement maîtrisés et d’un travail sur les ombres et lumières, impressionnants d’efficacité. Les noirs sont intenses et les rendus puissants. Ce travail sur un peintre qui maîtrisait si bien l’art, les contrastes et surtout les couleurs, nous laisse bouche bée tant chaque page, chaque case est impressionnante. Un maître absolu du noir et blanc qui mérite d’être connu et apprécié à sa juste valeur. Un album tout à fait inattendu à ne rater sous aucun prétexte.
SDJuan
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CROKE PARK, DIMANCHE SANGLANT À DUBLIN
- Par asbl-creabulles
- Le 30/10/2020
Scénario : Sylvain GÂCHE
Dessin : Richard GUÉRINEAU
Couleurs : Richard GUÉRINEAU
Dépot légal : Octobre 2020
Editeur :
Collection : Coup de Tête
ISBN : 978-2-413-02013-4
Nombre de pages : 128En 2007, le stade irlandais Croke Park s’apprête à accueillir le match de rugby opposant l’Angleterre à l’Irlande dans le cadre du Tournoi des Six Nations (Angleterre, Écosse, France, Pays de Galles, Irlande, Italie). Dans un pub voisin du stade, un Français vient s’assoir auprès de deux Irlandais ayant connu l’époque du Bloody Sunday, ce massacre perpétré dans le stade le 21 novembre 1920. Ce jour-là, les membres d’un groupe paramilitaire anglais ont fait feu dans le stade en représailles à l’attaque meurtrière menée par une unité de l’IRA appelée "Les Douze Apôtres" contre le "Cairo Gang" qui, lui, regroupait des agents britanniques infiltrés chargés d’éliminer les indépendantistes irlandais.
Mon avis: Ce match de 2007 en accueillant l’équipe d’Angleterre ravive de nombreux et sombres souvenirs, l’Irlande ne rêvant que d’une chose, prendre sa revanche sur le massacre survenu le 21 novembre 1920 lors du Bloody Sunday, mais il est aussi un beau symbole de réconciliation. Ce Bloody Sunday n’a rien à voir avec celui du 30 janvier 1972 survenu à Londonderry lorsqu’un officier de l’armée britannique autorise ses hommes à tirer sur les manifestants prétendument armés et hostiles, faisant 14 victimes et 14 blessés, et ayant inspiré le groupe U2 pour son titre emblématique "Sunday Bloody Sunday". En 1920, en plein match de football gaélique, les Auxilliaries – nom d’une unité paramilitaire anglaise – font irruption dans le stade, persuadés que les tueurs des membres du Cairo Gang se cachent parmi les spectateurs. Le mouvement de panique créé dans la foule et la confusion générale déclenchent leurs tirs qui vont faire 14 victimes (dont un joueur de football) et 62 blessés parmi les civils irlandais venus au stade. Sylvain Gâche nous raconte un épisode sombre de l’histoire irlandaise mêlant un événement sportif à un moment clé de l'histoire comme le veut la nouvelle collection "Coup de tête" des éditions Delcourt. Et c’est donc le stade de Croke Park qui est l’acteur principal du récit, celui du massacre de 1920 comme celui de la compétition de 2007 qui va voir l’équipe d’Irlande écraser les Anglais (43-13) après avoir elle-même été battue par la France (17-20). Au scénario, Sylvain Gâche nous fait revivre de manière captivante ces deux événements pourtant peu comparables mais lié à ce même lieu particulièrement symbolique. Un récit passionnant, clairement documenté, sur les événements tragiques de 1920 (presque un siècle aujourd'hui à un mois près), mais aussi sur le contexte global des relations entre l’Irlande et le Royaume-Uni, et le combat pour l’indépendance où l’on retrouve le nom de mouvements extrémistes et violents comme l’IRA ou de partis politiques comme le Sinn Féin.
Richard Guérineau au dessin maîtrise parfaitement le sujet, tant les faits historiques y compris les scènes les plus dures avec de multiples personnages tous aisément reconnaissables, que les passages dédiés au sport, football gaélique de 1920 ou rugby de 2007. Son trait est précis et fin et empreint de dynamisme. Il utilise habilement des techniques de dessin, d'encrage et de couleur différentes pour différencier les deux époques, rendant ainsi la narration fluide et compréhensible. Une belle énergie se dégage de l’album grâce à des cadrages efficaces et des couleurs parfaitement maîtrisées et toujours lumineuses même dans les scènes dramatiques.
L’album est enrichi d’un cahier documentaire explicatif, d’images d’archives et de dessins de R. Guérineau.
Album à ne pas rater !
SDJuan
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JOJO intégrale 4
- Par asbl-creabulles
- Le 29/10/2020
Scénario : André GEERTS & Sergio SALMA
Dessin : André GEERTS
Couleurs : André GEERTS
Dépot légal : Octobre 2020
Editeur :
ISBN : 979-10-34747-83-2
Nombre de pages : 312Je referme cette quatrième et dernière intégrale joliment orchestrée par Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault. Après une introduction ornée d’inédits, due à la plume de Morgan Di Silva, actuel rédacteur en chef du magazine Spirou, place aux cinq derniers récits des aventures d’un sympathique bonhomme appelé Jojo.
Je ne vais pas les citer tous mais ils sont nombreux les joyeux garnements qui font le pitre dans les cases BD : Pim Pam Poum, les Peanuts, le Luron, Boule et Bill, le Petit Spirou, Titeuf... Mais mon préféré c’est Jojo!
André GEERTS est parvenu à créer un univers inimitable autour de ce petit bonhomme et de son ami Gros-Louis. Sergio Salma l’aidera quelquefois au scénario.
Même si l’on ne peut s’empêcher de penser au Petit Nicolas de l’immense René Goscinny, j’oserais dire qu’ici on est encore plus proche des enfants et c’est en grand connaisseur du monde enfantin que j’ose l’affirmer.
Si vous n’avez jamais ouvert un album d’André GEERTS, vous êtes impardonnables.
Jojo a du caractère, Gros-Louis aime les bonnes choses, Mamy est adorable, le papa est comique, le directeur de la petite école est la caricature parfaite d’un directeur mais il a un bon fond...et il y en a tant d’autres de ces personnages bien typés sans parler de tous les bambins...et la voisine mêle-tout qui médit sur tous : Mme Ganglion...
Et tout ce petit monde vit sur des pages aux charmantes aquarelles qui s’expriment par toutes les couleurs de la vie.
Le monde de Jojo est plein de poésie enfantine.
-La première aventure intitulée "La ballade des quatre saisons" suit les péripéties de Jojo au travers d’une année si joliment illustrée.
-"Une fiancée pour papa" met en scène Jojo qui entraîne Gros-Louis avec lui, à la recherche de l’âme sœur pour son père. Ils mettront tout en œuvre pour la trouver mais Jojo n’oublie pas son intérêt.
-"Jojo vétérinaire": il vient de passer quelques jours chez l’amie de son papa qui est vétérinaire et de retour en classe, il veut épater les copains. Violaine va le prendre au mot.
-"Confisqué!". Malgré l’interdiction, Jojo amènera un objet en classe qui sera confisqué.
Il entraînera encore une fois son meilleur ami dans une aventure incroyable pour le récupérer. Ce type de scénario a déjà été exploité au cinéma et en littérature mais ici l’enchaînement des situations est irrésistible et les dernières pages sont envahies de tendresse. Ce récit est un de mes préférés. Ayant été instituteur pendant 45 ans, j’en ai aussi confisqué des objets. Mais à côté du directeur de l’histoire, j’étais insignifiant. Je les rendais assez rapidement ou je les oubliais. Sans drame car les élèves les avaient aussi oubliés.-"Mamy Blues" est la dernière histoire de ce recueil. Mamy est malade et il est impossible de ne pas penser à André Geerts très malade lui aussi pendant la réalisation de ce récit qui voit notre petit héros gagner un concours et partir en croisière avec Mamy et Gros-Louis. Les rencontres seront nombreuses. Un bien sympathique capitaine pour Mamy et la mignonne petite Mado pour Jojo. Gros-Louis lui, apprend à avoir le pied marin ou plutôt l’oreille
(solution dans le récit). André consacrera ses dernières forces à terminer cette croisière. Alain Mauricet l’aidera pour les dernières cases.
Ce si sympathique dessinateur est parti trop tôt. Je me suis déjà exprimé ailleurs sur ce départ si bouleversant.
Il nous laisse 18 perles qui brilleront toujours.
Il suffit de prendre un album de Jojo, de déposer les yeux sur la première case et de se laisser emporter par l’histoire si gaie, si émouvante, si poétique, si tendre, si espiègle, si amusante au trait si personnel et aux si jolies couleurs.
Vous quitterez votre monde pour vivre dans celui d’André Geerts et de ses personnages.
Et vous pourrez recommencer, recommencer sans jamais vous lasser.
Et quel bonheur de l’offrir, ce monde à tous les enfants de votre vie!M.Destrée -
FRANK PÉ, Une vie en dessins
- Par asbl-creabulles
- Le 26/10/2020
Scénario : FRANK PÉ
Dessin : FRANK PÉ
Couleurs : FRANK PÉ
Dépot légal : Octobre 2020
Editeur : Champaka Brussels
Collection : Une vie en dessins
ISBN : 978-2-390-41031-7
Nombre de pages : 320Les Éditions Champaka Brussels continuent leur belle collection avec cet opus sur un dessinateur qui s’illustre peut-être plus dans les représentations animalières que dans les cases BD.
Depuis les carnets de Broussaille dans le magazine Spirou où Frank PÉ parcourait les sentiers de campagne en observant la faune et la flore jusqu’à sa réappropriation récente et pertinente du Marsupilami, ce dessinateur-illustrateur n’a eu de cesse de magnifier la gent animale. Après une introduction de 18 pages qui retrace dans les grandes lignes son parcours biographique et professionnel, place aux nombreuses et magnifiques illustrations présentées en 10 chapitres.
1. Broussaille.
2. Saisons.
3. Zoo.
...
8. Spirou.
9. Marsupilami.
10. Fresques.
Vaste panorama de tout le parcours du dessinateur comme vous pouvez le constater.Si ce n’est pas toujours évident de ranger tous ces somptueux dessins couleurs aux formats différents sur des pages qui, elles, sont d’un format identique, de passer d’un format réduit à un agrandissement et d’y placer les légendes, il faut admettre que l’ensemble contentera et réjouira les admirateurs de l’œuvre de Frank PÉ.
René Hausman (un autre très grand artiste animalier) me confiait un jour que les livres d’animaux qu’il illustrait n’avait du succès qu’auprès des initiés car ses animaux étaient trop marqués par sa touche personnelle. Il ne se contentait pas de les représenter tels qu’ils sont réellement mais se devait de les dessiner comme ils les voyait. Frank, grand ami de René, ne pouvait faire autrement. Son dessin peut être déformé, j’en voudrais comme preuve la distance entre le nombril et les seins de Manon sur l’illustration de couverture... Ce n’est pas une erreur mais sa touche personnelle.
Et tous ces animaux représentés ici semblent plus être sortis du jardin d’Eden que d’un bestiaire animalier. Ou peut-être d’un livre fantastique pour certains.
On approche du sublime, de l’animal sauvage qu’on aimerait avoir pour ami...
Mais revenons sur terre...Seul regret : je veux bien admettre qu’il est intéressant de montrer des agrandissements de cases BD mais pourquoi ne pas les extraire de la planche, plutôt que de nous laisser voir tout le support avec des cases tronquées?
M. Destrée
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LE MARSUPILAMI DE FRANK PÉ ET ZIDROU
- Par asbl-creabulles
- Le 26/10/2020
Scénario : ZIDROU
Dessin : FRANK PÉ
Couleurs : FRANK PÉ
Dépot légal : Octobre 2020
Editeur :
Collection : Dupuis Grand Public
ISBN : 979-10-34738-21-2
Nombre de pages : 153Bruxelles, 1955, une ville qui a encore du mal à se relever de la guerre. Le jeune Franz, que sa mère appelle François, a pris l’habitude de ramener à la maison tous les animaux, parfois malades, qu’il trouve dans la rue, passant outre aux réticences d’une mère qui peine à s’en sortir avec son maigre salaire. Fruit de ses amours et d’un Allemand, François est le souffre-douleur de certains de ses camarades de classe. Il est régulièrement victime de moqueries et de mauvais traitements mais, cette fois, il a été menacé d’être tondu comme un collabo. Se sentant humilié, pour la première fois il a riposté et s’est enfui de l’école. Mais au lieu de rentrer directement, il est parti se cacher sous un pont, un abri bienvenu alors que la pluie redouble. C’est là qu’il va entendre un bruit tel un soupir de douleur. En s’approchant il découvre une bête au bord de la mort. Il ne peut s’empêcher de la secourir et de rentrer discrètement avec l’animal. Sa mère qui est occupée à préparer des moules à la cassonade, le plat préféré de François, discute avec son professeur qui est passé prendre de ses nouvelles après sa fuite. François n’y prête pas trop attention car l’étrange bestiole s’est réveillée apeurée et affamée et, surtout, très agitée. Ils arrivent à la calmer et François comme à son habitude réussit à convaincre sa mère de la garder. La bête revient de loin. Capturée en Palombie avec toutes sortes d’autres animaux par des trafiquants sans scrupules, elle est finalement arrivée au port d’Anvers après moultes péripéties ayant retardé le bateau. Beaucoup d’animaux sont morts durant la traversée. À Anvers, notre "bête" réussit à s’enfuir du bateau et finalement arrivera épuisée à Bruxelles…
Mon avis: Frank Pé et Zidrou se sont appropriés le Marsupilami, créé par Franquin et repris par Batem, dans une version bien plus sombre et réaliste située dans l’après-guerre, à Anvers et Bruxelles. Si l’histoire est dure de par la nature du sujet traité – maltraitance et trafic d’animaux sauvages – elle ne manque pas de tendresse grâce au jeune François, à son dévouement, sa bienveillance alors que lui-même a une vie bien difficile à l’école, même si l’on n’est pas encore certain que le lien d’amitié qui se crée pourra contrebalancer la méchanceté et l’avidité d’autres hommes. Avec ce premier tome sous-titré "La Bête", fruit d’une longue recherche en amont, on retrouve un Frank Pé toujours très à l’aise pour dessiner les animaux. Ce marsupilami est le résultat d’un savant mélange de singes de différentes espèces, d’ours, de panthère et même de koala dont il s’est inspiré pour créer l’anatomie générale, la tête, la musculature et restituer la mobilité et la souplesse de son marsupilami qui, c’est certain, est bien plus fort et costaud que l’original.
Et comme toujours, aux côtés de cette "bête" pour le moment meurtrie, on retrouve beaucoup d’autres animaux mais pas seulement. Frank Pé agrémente le récit de personnages aux bouilles incroyables dont plusieurs ont les traits de personnalités bien connues comme Franquin souriant et s’efforçant d’être drôle quelle que soit la situation (le professeur si gentil et attentionné envers la maman de François dont il est un peu amoureux), Delporte, Jijé (le directeur d’école), Roba (le vétérinaire)… autant de dessinateurs de la grande époque de Marcinelle que Frank Pé a souhaité inclure dans le casting. Son dessin fait bien ressentir les émotions et sentiments qui animent chacun, la cruauté des trafiquants, la haine, le dégoût qu’ils inspirent, la peur mais aussi la joie, les rires, l’envie de vivre de bien d’autres. On est pris d’empathie pour ce marsu, François et sa petite famille, son cercle d’amis. Comme toujours Frank Pé nous régale de superbes illustrations, mélange de scènes intenses, pleines d’émotion ou d’énergie et de passages plus sereins ou drôles allant même jusqu’au gag, bénéficiant d’une grande variété de cadrages.
Après l’intégrale "Little Nemo" (parue en mai 2020), "Frank Pé, une vie en dessins" un volumineux artbook de 320 pages (paru en octobre 2020), ce nouvel album de 140 pages, dont la suite encore plus volumineuse (200 pages annoncées) est déjà en préparation, est une superbe réussite à lire sans modération.
À noter: Cet album a été prépublié en épisodes sous forme de 8 supplément gratuits inclus dans le journal Spirou (du n°4293 du 22 juillet 2020 au n°4300 du 9 septembre 2020) et a fait l’objet d’une édition spéciale à tirage limité (1200 exemplaires) pour la librairie Slumberland/BD World, avec une couverture différente et un titre gaufré + 8 pages de texte et croquis intitulées "Le vrai marsupilami" en fin de volume.
SDJuan
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LA VÉNUS NOIRE - Cahiers Baudelaire 2
- Par asbl-creabulles
- Le 22/10/2020
Scénario : YSLAIRE
Dessin : YSLAIRE
Couleurs : YSLAIRE
Dépot légal : Octobre 2020
Editeur :
Collection : Aire Libre
ISBN : 979-10-34753-28-4
Nombre de pages : 44Le deuxième "Cahiers Baudelaire" illustré par Yslaire est paru et je constate que je n’avais pas chroniqué le premier, sans doute parce ce que ce n’était qu’un cahier.
Bernard Hislaire et moi, nous connaissons depuis longtemps et pourtant nous ne communiquons plus. C’est dommage !
Conquis par "Bidouille et Violette", envoûté par "Sambre", chaque publication de cet auteur me comblait. Hélas, attiré par le numérique, il s’envolait vers un XXe siècle (ciel) où je peinais à le suivre et duquel finalement, tel Icare, je chutais. Et pourtant toutes nos rencontres, nos conversations sont dans ma mémoire.
Et voilà qu’il s’approprie Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire et je retrouve l’auteur que j’ai tant admiré (je l’avais déjà retrouvé quand il a repris le dessin de Sambre) mais ici c’est d’un niveau supérieur (mais si vous n’aimez pas la poésie de Baudelaire évidemment...).
Yslaire nous présente la vie, la poésie sulfureuse du poète, son amante, ses compagnons... au travers d’un récit composé de cases esquissées par de multiples traits de crayons qui s’entremêlent pour former des corps enlacés ou des visages très expressifs. Les rues parisiennes déjà si parfaites dans Sambre nous entraînent toujours dans le temps.
Il utilise aussi des compositions alambiquées de toute beauté où il met sur feuille différentes méthodes de travail. Il extrapole le langage des cases pour s’approcher d’une œuvre au symbolisme très prononcé. Dans des tons monochromes où la couleur souligne un animal fantastique, un regard, une fleur... La sexualité très présente dans Les Fleurs du Mal ainsi que la morbidité sont magnifiquement représentées par l’artiste de façon imagée et symbolique.
Yslaire touche au sublime avec sa dernière œuvre. Et ces "cahiers" ne sont que des fac-similés de tout son travail de préparation mais je crains qu’ils ne dépassent le livre qu’ils sont censés nous présenter au travers de ces esquisses impressionnantes de beauté inachevée.
Deux volumes grand format (28 et 44 pages) à couverture cartonnée sous jaquette illustrée ayant chacun fait l’objet d’un tirage limité et numéroté à 2500 exemplaires, parus en mai et octobre 2020 dans la collection Aire Libre chez Dupuis. Également référencés sous le titre "La Vénus noire".
Destree M.
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LE TUEUR AFFAIRES D'ÉTAT 2
- Par asbl-creabulles
- Le 19/10/2020
Tome 2 : Circuit court
Scénario : MATZ
Dessin : Luc JACAMON
Couleurs : Luc JACAMON
Edition :
Dépot légal : 14 Octobre 2020
Nombre de pages : 56On se souvient qu’après s’être fait coincer en Patagonie, notre célèbre tueur à gage a accepté, pour sauver sa peau, de travailler pour la DGSE, autrement dit les services secrets français. Il agit donc à présent sous couverture comme cadre dans une entreprise où il attend sagement qu'on lui donne des directives. Cette fois, il a été chargé, avec ses collègues mercenaires, d’abattre les membres d'une bande afin de faire croire à un règlement de compte entre quartiers... sauf que l’un des inspecteurs envoyés sur place pour enquêter va vite avoir des soupçons sur une action qu’il juge trop bien exécutée. Mais, les choses étant ce qu’elles sont, la version officielle va permettre par "facilité" de classer l’affaire. L’inspecteur sait qu’il ne peut aller contre cette décision même si, en réalité, il ne s’agit pas du tout d’un affrontement entre bandes mais bien de magouilles et de corruption jusqu'en haut lieu.Mon avis: On ne change pas une équipe qui gagne. Après un premier tome bien accueilli, on retrouve Matz et Jacamon pour ce deuxième album de leur nouvelle série qui se situe bien loin des combines et pratiques illicites internationales en tous genres. C’est une immersion dans notre propre univers, nos villes, nos banlieues, nos cités, nos quartiers avec leurs difficultés de toutes sortes, l’insécurité, la violence, les rivalités entre bandes. C’est l’occasion de dénoncer la corruption de certains acteurs locaux prêts à inventer des problèmes puis d’en tirer profit et/ou d’en faire un argument électoral, bref de dénoncer ce qu’on appelle la récupération et l’instrumentalisation politiques. Tandis que l'intrigue se resserre et que les enjeux sont progressivement dévoilés, le tueur et son équipe en agissant au service de la DGSE sont au centre de la situation et comme à leur habitude nous font part de leurs impressions, moyen habile pour Matz de dresser un bilan en demi-teinte de la société française et d’élargir notre réflexion sur des thèmes essentiels de notre quotidien.
Coté dessin, on apprécie le "coup de patte" de Jacamon … reconnaissable entre tous. Et même si on le connaît, il ne cesse de nous surprendre. Une belle alternance entre les moments de répit et d’introspection auxquels le tueur nous a habitués et des scènes d’action plutôt mouvementées particulièrement bien rendues. Une multitude de personnages tous identifiables grâce à un trait clair, mais aussi de décors urbains bien mis en valeur et une grande variété de cadrages pour une lecture naturelle et fluide. Et toujours cette mise en couleurs directes caractéristique de son style, agréable et aéré, et n’écrasant pas le trait surtout dans les scènes plus sombres ou de nuit.
Un deuxième tome qui vient confirmer le retour réussi du tueur.SDJuan -
SIRÈNES ET VIKINGS 1
- Par asbl-creabulles
- Le 16/10/2020
Tome 1 : Le fléau des abysses
Scénario : Françoise RUSCAK
Dessin : Philippe BRIONES
Couleurs : Philippe BRIONES
Autres : GIHEF & Marco DOMINICI
Dépot légal : Septembre 2020
Editeur : Les Humanoïdes Associés
ISBN : 978-2-7316-7619-8
Nombre de pages : 52Chez les Vikings, capturer accidentellement une sirène dans ses filets n’est pas de bon augure. Aussi lorsque nos deux pêcheurs norrois en découvrent une dans leur filet, ils font tout pour la remettre à l’eau. Sauf que la situation va rapidement déraper. Se croyant menacée, la jeune sirène Oumna se défend violemment et blesse l’un des deux marins pêcheurs. Depuis les flots, sa sœur Arnhild pensant sa sœur en danger décide d’intervenir pour la défendre et surgit armée hors de l’eau. Et c’est là que l’inéluctable se produit. Oumna est accidentellement tuée. Aussitôt, par vengeance, Arnhild s’acharne à détruire le bâteau, menant les deux pêcheurs à la noyade. Plus tard, elle se confie à sa mère et lui suggère d’organiser une riposte contre les Norrois. Celle-ci l’en dissuade estimant qu’il vaut mieux laisser le temps faire son office puisque les humains s'autodétruisent à petit feu. Pour Arnhild, cela ne suffit pas à venger la mort d’Oumna. Défiant sa mère, elle part réveiller le Jörmungandr, un gigantesque serpent de mer également connu sous le nom de Midgardsorn ou serpent de Midgard, afin qu’il attaque les Norrois qui auraient le malheur de s'aventurer en mer. Et son action va se révéler désastreuse contre les navires vikings ne laissant qu’un seul survivant chargé de répandre la nouvelle. Les Trolls sont désormais l’unique espoir des Norrois, car eux seuls sont capables d’apporter une réponse. Le jarl (chef) du village demande à sa compagne Borglinde, une troll qu’il a recueillie et sauvée, de les contacter… Sauf qu’en raison de ses origines mi-troll mi-humaine justement, elle hésite à se rendre en terre des Trolls car ils l’ont toujours moquée et même molestée.
Mon avis: Voici une nouvelle série conçue et dirigée par Gihef sous forme de quatre one shots racontant chacun une histoire axée sur les mythes et légendes de ces hommes du Nord à la fois explorateurs, pêcheurs, commerçants et aussi pirates, connus sous le nom de Vikings, associés pour les besoins de la cause aux non moins mythiques et fabuleuses sirènes. Sur une idée originale d’Isabelle Bauthian, Françoise Ruscak nous propose un scénario inédit qui débute par un affrontement violent prenant vite de l’ampleur. Mais derrière se profilent des histoires de cœur qui pourraient arrondir les angles sans que l’on sache vraiment si les choses vont pouvoir se calmer entre humains et sirènes surtout lorsque l’une de ces histoires implique une demi-troll. Le récit en effet ne se limite pas seulement à un affrontement mais s’attache aussi aux émotions de ses protagonistes. Un agréable récit de fantasy mêlant réalité et merveilleux, où la virilité se manifeste clairement mais aussi l'amour, un amour un peu trop passionnel pourrait-on dire.
Coté dessin, on sent bien que Philippe Briones est très à l’aise, lui qui a travaillé sur de superbes épisodes d'Aquaman et Mera pour le marché américain chez DC. Les sirènes et autres créatures aquatiques n'ont plus aucun secret pour lui. Si les scènes d'actions terrestres comme aquatiques sont tout à fait percutantes, c’est l’album tout entier qui est parfaitement maîtrisé. Des personnages bien reconnaissables et un découpage et une mise en page variés et des "prises de vue" dynamiques servent parfaitement la lecture et la compréhension du récit. Et conformément au dicton "On n’est jamais si bien servi que par soi-même", Phil Briones s'est chargé de la mise en couleurs qui respecte un dessin déjà clair et précis tout en lui donnant volume et profondeur.
À noter aussi la très belle couverture due au talentueux dessinateur-coloriste barcelonais Josep Homs (Red Sonja, Orbital, Millénium, Shi, plus divers comics pour le marché US). Une série à découvrir selon une parution bimestrielle (tome 2 prévu dès le mois de novembre 2020), chaque tome étant réalisé par un duo d'auteurs différents.
SDJuan