Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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ZIBELINE 2
- Par asbl-creabulles
- Le 30/09/2020
Tome 2 : Retour à Tikiland
Scénario : Régis GODDYN et Régis HAUTIÈRE
Dessin : Mohamed AOUAMRI
Couleurs : David PERIMONY
Dépot légal : Mai 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-203-16689-9
Nombre de pages : 46On se souvient que la petite Tannicia âgée de 8 ans a été enlevée alors qu’elle récupérait de l’eau à la rivière pour être sacrifiée lors d’une cérémonie vaudou. En mordant le "sorcier" qui accrochait une amulette à son cou, elle a réussi à s’échapper. mais dans sa fuite, elle s’est retrouvée prise au piège de l’eau boueuse qui l’a engloutie. Lorsqu’elle a repris ses esprits, surprise d’être toujours vivante, elle était dans un autre monde inconnu et fantastique, peuplé d’animaux anthropomorphes dotés de la parole. Zibeline, comme elle s’appelle à présent, se sent toujours menacée et n’a qu’une envie, trouver un moyen de rentrer chez elle pour retrouver sa famille. Avec ses nouveaux amis Merline, D’jo, Stroke et bien d’autres, elle continue donc de fuir, d’autant que le Chancelier, qui craint que ses révélations compromettent ses plans machiavéliques, a décidé de lancer l'inquisiteur Baskerville à ses trousses accompagné de 12 singes de la garde royale. Alors que son moral est au plus bas, Zibeline retrouve sous les traits d’un petit animal que ses amis sont sur le point de manger son doudou Wawa, un oryctérope qu'elle avait apprivoisé. Alors qu'ils sont en route vers un lieu sûr pour se cacher, un malencontreux accident va les mener vers un ancien parc d'attractions abandonné, Tikiland, désormais envahi par la végétation mais surtout réputé maudit et abritant des créatures terrifiantes...Mon avis: Régis Hautière et Régis Goddyn ont concocté un scénario bourré de rebondissements et de situations mystérieuses, agréable à suivre, fluide et dépaysant. On accroche aux aventures de cette gamine de 8 ans dans un monde à la fois fantastique et dangereux, l'empathie opère et on a envie de savoir ce qui va lui arriver. Ma surprise a été de retrouver Mohamed Aouamri au dessin dans un genre différent de celui qu’on lui connaît habituellement. Mais en y regardant de plus près, on reconnaît bien son style qu’il a adapté pour un public plus jeune. De bonne bouilles sympathiques mais aussi des méchants impressionnants, en tout cas des personnages très expressifs et, pour beaucoup d’entre eux, attachants. Le tout dans de beaux décors naturels, richement travaillés. Très belle mise en couleurs de David Perimony sur les ambiances, les décors et un univers animalier foisonnant.
Un ouvrage jeunesse de qualité et généreux.
SDJuan
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RAGES 1
- Par asbl-creabulles
- Le 29/09/2020
Tome 1 : Le Rideau de Titane
Scénario : TOME
Dessin : DAN
Couleurs : DAN
Dépot légal : Septembre 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-380-75148-2
Nombre de pages : 78Jin et ses amis d’infortune n’ont qu’un seul désir, franchir le satané Rideau de Titane, ce mur gigantesque qui sépare le nord du sud. Au sein de cette équipe hétéroclite il y a entre autre l’ours blanc Ra-igg et des pandas Za-ill et Jin, chacun apporte son savoir-faire et son talent au plan prévu pour triompher du mur. Tous savent qu’ils n’auront pas de second essai. Ils doivent réussir coûte que coûte dès la première tentative. Jin cherche surtout à rejoindre sa bien-aimée Saakhi qui est de l’autre côté depuis un certain temps déjà et dont il n’a plus aucune nouvelle. Il compte sur l’esprit d’équipe qui semble les animer pour y parvenir. Mais si l’union devrait faire la force selon le proverbe bien connu, la réalité va vite se rappeler à lui. Et l’autre côté du mur est-il aussi paradisiaque qu’on veut bien le faire croire ? Mon avis: On regrettera que l'album soit publié après la disparition en octobre 2019 du scénariste belge Philippe Tome, que tout le monde connaît pour sa gentillesse, sa disponibilité, sa franchise mais également pour la qualité de son travail, qualité que l'on retrouve ici. Le regretté Tome (notamment créateur des séries "Le Petit Spirou" avec Janry et "Soda" avec Bruno Gazzotti) est donc bien présent en cette rentrée 2020 à travers ce bel album d’aventure post-apocalyptique animalière des plus impressionnants. L'album ne paraît que maintenant alors qu’il aurait dû être publié chez Dargaud en 2005 mais pour d’obscures raisons, il n’est pas sorti à l’époque. Ce bébé a donc mis longtemps à voir le jour car ce n’est que récemment que Dan a pu en récupérer les droits. Le voici donc enfin publié chez Kennes (merci à cet éditeur !) avec quelques légères retouches sur les dessins et couleurs aux dires mêmes de Dan.D’emblée, Tome nous embarque dans cette histoire violente aux côtés de personnages ultra motivés pour certains, notamment le héros qui veut retrouver son amour disparue de l'autre côté de ce mur géant réputé inviolable, d'autres dont les raisons de franchir le mur sont moins nobles et enfin les plus faibles qui s’efforcent de survivre en restant dans le groupe. L’enthousiasme et l’énergie déployés par le héros ne peuvent qu’entraîner les autres dont les plus faibles à constituer une équipe soudée et complémentaire pour faire aboutir le projet. Ce récit nous happe dès les premières pages. On se sent capté par l’énergie que dégagent tous les personnages, forts, bons ou mauvais.Dan nous surprend avec un nouveau style de dessin, plus réaliste, plus nerveux qu'à son habitude, avec des pages pleines de dynamisme et un cadrage percutant. On ressent les émotions, la peur, la violence et surtout la rage. Des personnages haut en couleurs. Un gros volume de 78 pages en majorité (très) impressionnantes, parfois très douces mais et surtout inquiétantes. Dan joue sur notre ressenti, sur nos nerfs, nos émotions, nos peurs et ça marche. On ressent de l'empathie pour ce couple séparé par les événements, on a peur pour les autres personnages beaucoup moins robustes. Vont-il survivre ? C'est une belle réussite narrative mais aussi graphique qui mérite le détour.
Vivement le tome 2.
SDJuan
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ECLATS I & II
- Par asbl-creabulles
- Le 25/09/2020
Scénario : Erik DE GRAAF
Dessin : Erik DE GRAAF
Couleurs : Erik DE GRAAF
Dépot légal : Août 2020
Editeur :
ISBN : T1 : 978-2-390-41010-2; T2 : 978-2-390-41011-9
Nombre de pages : 264/album
Noté : Les deux couvertures une fois juxtaposées forment un seul motif.Victor se rend au cimetière comme il en a pris l’habitude pour saluer son ami Chris tombé au début de la Seconde guerre mondiale. Une année est passée depuis l’armistice mais rien ne peut effacer les souvenirs de tout ce qu’ils ont vécu ensemble et de leur amitié. En partant, Victor croise Esther qu’il a tant aimée et qu’il pensait morte. Ils étaient amants avant la guerre. L'invasion de la Hollande par les troupes allemandes les a séparés. Et la guerre les a profondément marqués, notamment Esther qui est juive. Ces retrouvailles vont faire remonter à la surface un grand nombre de souvenirs. Pour Victor des souvenirs d'amitié, du moment où il a rejoint l'armée, de la résistance, du rapport à la guerre et, forcément, de la mort. Pour Esther, il s’agit surtout de fuite, de planques pour survivre, d’une attention de tous les instants pour ne pas être dénoncée ou tomber entre les mains de l'ennemi.Mon avis: Éclats, le premier tome, a déjà fait l'objet d'une parution aux éditions La Pastèque en 2013. Dupuis réédite aujourd’hui cet album accompagné de sa suite intitulée "Cicatrices". Les deux se complètent à l’image de leurs illustrations de couverture qui une fois juxtaposées forment un seul motif. Il est difficile pour l’un comme pour l’autre de décrire avec des mots les moments forts, durs et très souvent insoutenables vécus durant cette guerre, une guerre omniprésente dans le récit. Erik De Graaf choisit de nous raconter avec beaucoup de tact les choix, les convictions de Victor, sa vision de la vie de tous les jours durant l'occupation, la perte des personnes qu'il a connues en particulier Chris son ami d'enfance mais aussi Esther qu’il pensait morte. Le second album est dédié à Esther. Toujours de manière intelligente, l’auteur nous décrit son rapport à la guerre, en particulier son point de vue de jeune femme juive et la manière avec laquelle elle a pu survivre tout au long des années infernales de l'occupation allemande. Les dessins nous plongent dans ces retrouvailles où chacun raconte sa version avec calme, regrets et tristesse. Simples, sans fioritures, au trait encré et appuyé jouant ensuite avec la couleur, ils accentuent cette atmosphère toute particulière liée à la dureté des situations et des témoignages. Par contraste, le choix de couleurs globalement douces et agréables atténue quelque peu la sévérité des propos et des faits racontés.
Un bon moment de lecture.
SDJuan
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LE REPAS DES HYÈNES
- Par asbl-creabulles
- Le 24/09/2020
Scénario : Aurélien DUCOUDRAY
Dessin : Mélanie ALLAG
Couleurs : Mélanie ALLAG
Dépot légal : Septembre 2020
Editeur :
Collection : Mirages
ISBN : 978-2-413-00211-6
Nombre de pages : 152Voici l’histoire des jumeaux Kubé et Kana. Ayant quitté le ventre de leur mère quelques secondes plus tard, Kana est condamné à un destin ordinaire au sein du village, s’occuper des animaux, participer aux tâches manuelles en laissant à son frère Kubé le privilège de l'initiation. Et aujourd’hui, c’est le grand jour car Kubé accompagne son père à sa cérémonie d’initiation. Il va devoir repérer un yéban qui vit coincé entre notre monde et celui des esprits en s’étant glissé dans une chèvre pour ne pas tomber dans l'oubli et mourir. Kubé réussit l'étape avec succès et grâce à lui la chèvre est capturée et le yéban évacué de son corps. Vient alors l’intronisation, autrement dit le nourrissage des hyènes pour les empêcher de rire. En effet, avec leur rire qui ressemble à celui des humains, les hyènes trompent les défunts en leur faisant croire à la présence d'amis qu’ils cherchent à rejoindre, ce qui les empêche de reposer en paix dans leur tombe et de faire le grand voyage. Or, un défunt doit rejoindre les siens. Kubé et sa maman ont pour mission de tenir les hyènes éloignées du village en allant les nourrir afin qu'elles ne perturbent pas les funérailles. Les choses auraient pu se dérouler comme prévu si Kana ne s'était pas invité en secret à la cérémonie d'intronisation de son frère auprès des hyènes. Tout va être bouleversé et l'inévitable se produire… Un yéban maléfique va réussir à prendre le dessus et proposer un marché : prendre possession de l’un des deux jumeaux afin de quitter l'entre-deux-mondes ou bien ...Mon avis : Un très beau conte africain sur le rapport à la vie, à la mort et, surtout, au mystérieux "entre-deux-mondes". La force de ce récit complet est sa narration intelligente et fluide. Aurélien Ducoudray nous fait découvrir le parcours initiatique de Kubé, perturbé par son frère jumeau Kana, un gamin certainement un peu jaloux du statut de son frère jumeau, intrépide et facétieux mais surtout curieux d'en apprendre davantage sur ces énigmatiques yébans. La rencontre qui va se produire lui réserve beaucoup de surprises. Un récit bien construit, découpé en dix chapitres, plutôt destiné à un public adulte et/ou ado compte tenu de sa teneur, les traditions et rites initiatiques en rapport avec l'au-delà, la dureté de la vie et du passage à la mort le tout sur fond de colonisation et d’esclavage. Une belle fable, bien racontée et captivante de bout en bout.Dessinatrice et coloriste, Mélanie Allag nous propose des illustrations parfaitement adaptées aux différentes ambiances. Les animaux, les décors, les créatures, les personnages, tout lui réussit y compris les dessins servant à la numérotation des chapitres. Elle nous entraîne en Afrique et c’est un peu comme vivre le conte comme si on y était. Un bel album publié dans la collection Delcourt Mirages davantage ciblée sur des œuvres de littérature graphique.
SDJuan
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SPIROU CHEZ LES SOVIETS
- Par asbl-creabulles
- Le 22/09/2020
Scénario : Fred NEIDHARDT
Dessin : Fabrice TARRIN
Couleurs : Fabrice TARRIN
Dépot légal : Août 2020
Editeur :
Collection : Spirou et Fantasio par... (Une aventure de) / Le Spirou de...
ISBN : 978-2-8001-6955-2
Nombre de pages : 54Tard dans la nuit, alors qu’il se livre à une énième expérience dans son laboratoire, le Comte de Champignac capte une interférence sur sa radio. La fréquence ne lui est pas vraiment inconnue mais, bien qu’inquiet, il n’estime pas nécessaire de réveiller ses amis Spirou et Fantasio pour élucider ce mystère. Au matin, Spirou qui a plutôt l’habitude d'être réveillé par Spip est sorti de son sommeil secoué par Fantasio. Il est tard et tous deux se rendent vite compte que Champignac a disparu ainsi que Spip qu’ils retrouvent dehors dans la neige, frigorifié, en état d’hypothermie, à côté d’empreintes de pas. Pendant que Spirou réchauffe Spip, Fantasio revient avec des notes écrites par Champignac à propos d'un rayon nommé G.P.S. pour Globalni Proyekt Sovietskiy que les Soviétiques auraient mis au point. Tout être vivant touché par ce rayon verrait aussitôt sa volonté annihilée et serait conditionné et manipulé afin de se rendre jusqu’à son point d'émission. Et d’ailleurs, soudain, Spip, tel un automate, se met en mouvement et part en direction de l’Est. Pour Spirou et Fantasio la solution est là, sous leurs yeux : suivre Spip qui les mettra sur la trace de leur ami Champignac jusqu’en Russie. Mais pour cela ils doivent réunir des fonds. Ni une ni deux, ils font miroiter auprès de la direction de Dupuis un grand reportage à réaliser en Russie pour le journal Vaillant. Ils ne savent pas encore que les Russes travaillent sur un nouveau gène révolutionnaire, "le gène du communisme" dont ils ont isolé la molécule à partir d’un champignon nommé Astalyne Marxoïde.Mon avis: Les deux auteurs, Fred Neidhardt au scénario et Fabrice Tarrin au dessin, ont travaillé de concert sur cet album pendant près de six années pour nous l’offrir en cette rentrée 2020. On retrouve le côté énergique et loufoque de la série née en 2006 sous l’intitulé "Une aventure de Spirou et Fantasio" devenu "Le Spirou de" à partir du tome 6 paru en 2010 ainsi que tous les ingrédients de son succès : l'aventure, un savant fou, le KGB et, cette fois, un virus qui, lui aussi, est destiné à se répandre en créant une pandémie qui, heureusement eu égard au contexte actuel du coronavirus, ne tue pas, mais est supposé activer le gène du communisme chez tous les peuples de la Terre ! Tout un programme ! Les deux auteurs ont baigné dans cet univers durant leur jeunesse et cela se ressent. Nous voici en présence d’un scénario bourré de rebondissements et de surprises en tous genres et agrémenté de dialogues souvent drôles. Il y a aussi ce côté "vintage" très agréable, non seulement par le biais de l’atmosphère générale de "guerre froide", mais aussi grâce aux nombreux hommages et allusions aux personnages de Dupuis bien sûr mais aussi à bien d’autres comme Tintin, Mickey pour ne citer qu’eux... L’humour est omniprésent déjà dans le nom très évocateur du champignon maléfique, "Astalyne Marxoïde". Le style graphique adopté pour les personnages par Fabrice Tarrin (qui a déjà illustré et scénarisé avec Yann "Le Tombeau des Champignac", tome 3 de la série en 2007) souligne encore ce côté souvenir des albums de la grande époque de la BD. Fabrice Tarrin nous offre un album bourré d'action, d'énergie, de clins d'œil et largement pourvu en décors soignés et travaillés. Résultat, un album de qualité qui devrait plaire aux nouveaux lecteurs mais aussi aux aficionados de l'époque de Franquin, Jijé et autres grands noms qui ont fait la réussite du titre depuis les années 50! À mettre absolument entre toutes les mains. L’album existe également en édition grand format au tirage limité à 4000 exemplaires.
SDJuan
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LITTLE NEMO
- Par asbl-creabulles
- Le 14/09/2020
Scénario : Frank PÉ
Dessin : Frank PÉ
Couleurs : Frank PÉ
Adapté de : Winsor McCAY
Dépot légal : Mai 2020
Editeur :
ISBN : 979-10-34738-94-6
Nombre de pages : 80
Noté : Avec affiche plié sous format demi jaquette.Si d’apparence, Little Nemo est un jeune garçon comme les autres, la nuit venue il plonge et s’évade dans le monde magique des rêves. Un monde fantastique, sans limites, peuplé de créatures en tous genres. Dans ses rêves il a même trouvé un ami, Flip. Un jour, on ne sait pourquoi, celui-ci disparaît sans un mot. Nemo part aussitôt à sa recherche, voyageant dans cet univers fantastique du rêve où les créatures qui y vivent et respirent ont toutes un rôle à jouer. Si ses rêves sont entrecoupés de réveils, parfois spontanés, parfois provoqués voire brusqués, Nemo revient toujours et toujours pour poursuivre son aventure. Son opiniâtreté sera finalement récompensée car il retrouvera son ami Flip qui souhaite à tout prix lui faire rencontrer la Princesse. Mon avis: Avec ce très bel album, Frank Pé rend un brillant hommage à Winsor McCay, le créateur de "Little Nemo in Slumberland" (le Petit Némo au pays des rêves). Il réussit à rendre le côté magique, féérique et onirique du personnage et de son univers dans un environnement qui lui est familier, celui des animaux et de la nature. Grâce à son savoir-faire et son expertise, il insuffle au petit Nemo l'énergie et la puissance nécessaire sans dénaturer l'œuvre de son créateur. Un exploit en soi ! Tout en gardant son style, Frank Pé réussit à préserver le rythme, le découpage, le foisonnement imaginaire de l'œuvre originale en y incluant même des objets ou des idées plus modernes. Little Nemo en quelque sorte reprend vie grâce à l'onirisme somptueux que lui offre Frank Pé tout au long d’une histoire bien menée de bout en bout mais aussi grâce aux superbes illustrations qui, de page en page, de case en case et parfois sous forme de fresques qu’affectionne particulièrement l'auteur Frank Pé, jalonnent ce très bel album à mettre entre toutes les mains.Un album qui je l'espère incitera les nouveaux lecteurs à découvrir l’œuvre magistrale de Winsor McCay qui a réussi à briser les codes de la BD et qui, salué comme l’un des précurseurs de l’art dans la BD, a largement contribué à rendre possible l’appellation "9e art". En lisant cet album, on ne peut s'empêcher de vouloir relire l'original – sans chercher à les comparer – pour rester dans le rêve que les auteurs ont voulu transmettre, faire partager, faire ressentir.Un très bel album de près de 80 pages dans lequel Frank Pé exprime tout son talent, reprenant les planches, illustrations et suppléments graphiques des deux albums originels ayant fait l’objet d’un tirage de luxe limité chez Toth Ed. en 2014 (sous le titre Wake Up !) et 2016 (sous le titre Keep on Dreaming) préfacés le premier par François Schuiten et le second par Juanjo Guarnido. Et merci à Dupuis de nous proposer une réédition de qualité à prix démocratique.
SDJuan
SDJuan
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BARBE-ROUGE (Les nouvelles aventures de)
- Par asbl-creabulles
- Le 08/09/2020
Tome 1 : Pendu haut et court
Scénario : Jean-Charles KRAEHN
Dessin : Stefano CARLONI
Couleurs : Stefano CARLONI
Dépot légal : Août 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-205-08198-5
Nombre de pages : 561738, Cap-Français aux Antilles. Barbe-Rouge est sur le point d’être pendu haut et court en place publique. Qu'a-t-il bien pu se passer pour que cet ancien pirate devenu "Corsaire du Roy" en soit arrivé là alors que le calme règne depuis que la France, l'Espagne et l'Angleterre ne se font plus la guerre ? Il faut remonter deux mois plus tôt. Après avoir aidé un gamin nommé Rico, aperçu en train de chaparder de la nourriture, à s'extirper des mains du caporal du guet et sa milice de gardes, Barbe-Rouge et son fils ont été convoqués auprès du marquis de Larnage, Charles de Brunier. L’un des gardes serait mort suite à leur violente intervention pour protéger le gamin. Le marquis qui n'apprécie pas du tout Barbe-Rouge et ses hommes, ni ce qu’ils représentent, ne peut emprisonner le "pirate" car il a besoin de ses services. Ce serait d’ailleurs une bonne occasion de l’envoyer loin de Cap-Français. Sa mission auprès du Gouverneur de la Caroline du Nord sera de débusquer et neutraliser un autre pirate français nommé "le Spectre" qui attaque et rançonne non seulement les planteurs de Caroline du Nord mais aussi les navires passant dans la baie de Pamticoe Sound. Pour le convaincre, le marquis fait miroiter à Barbe-Rouge une belle part du butin que cache le Spectre sur l'île d'Occacoxe. Mais en réalité, Barbe-Rouge va surtout accepter car lui et ses hommes manquent cruellement d'action et d'aventure. Mon avis : Barbe-Rouge est un personnage devenu incontournable dans l’univers de la BD. Il a donné lieu à une série désormais mythique, d’abord scénarisée par Jean-Michel Charlier puis Jean Ollivier (à partir du tome 26) et dessinée par Victor Hubinon (seul puis avec l’aide d’Eddy Paape sur quelques pages), ensuite par Jijé, Lorg, Christian Gaty, Patrice Pellerin et enfin, et pas des moindres, pour quatre albums (32 à 35 entre 1999 et 2004) par Marc Bourgne associé au scénariste Christian Perrissin, tous deux ayant donné un grand coup de modernité à la série, même si leurs efforts et leur talent n’ont pas été reconnus à leur juste valeur. Aujourd’hui le célèbre pirate devenu corsaire nous revient pour de "Nouvelles Aventures" qui viennent s'intercaler après le cycle de "La Corne d'Or" grâce à une nouvelle équipe créative qui reprend le flambeau: Jean-Charles Kraehn au scénario accompagné du dessinateur italien Stefano Carloni qui réalise aussi les couleurs d’une histoire présentée sous forme de dyptique … pour le moment ! On retrouve absolument tout ce qui contribue à un bon récit d’aventure: une intrigue soutenue, des rebondissement multiples et variés liés à des rivalités et de la félonie, des actes de pirateries bien sûr, des combats en pleine mer, des repas plantureux, mais aussi de l'amitié, de la fraternité, de l’honneur et de la … justice ! Jean-Charles Kraehn nous fait vivre l'aventure grâce à un scénario qu'on sent très vite bien construit sur des textes et dialogues en langage d’époque qui nous plongent tout de suite dans l’ambiance du 18e siècle, tout en restant lisibles et fluides. A noter pour les plus fidèles lecteurs le retour d’un ancien personnage de la série qui fait le lien avec la série-mère. Un bel hommage en quelque sorte. Mais je rassure les nouveaux lecteurs, il ne faut pas avoir lu tous les albums précédents pour découvrir ce premier tome des nouvelles aventures de Barbe-Rouge !Côté dessin, Stefano Carloni nous offre un album bien réussi grâce à son trait précis, une mise en page moderne mais sans exagération, un cadrage énergique et des cases bien détaillées. De belles scènes d’action presque cinématographiques confirment son savoir-faire en plus de ses magnifiques décors d’époque, en intérieur mais aussi en extérieur notamment les paysages des îles. Ajoutons des vaisseaux de guerre et autres navires très bien restitués. Également coloriste, Carloni souligne par ses choix créatifs la qualité de cet album, à commencer par sa couverture en couleur directe des plus réussies.Un très bon premier tome qui, quelques jours après sa sortie, fait déjà l’objet d’une réimpression ! On a vraiment plaisir à retrouver ce personnage culte et on souhaite une belle réussite aux nouveaux auteurs qui ont pris le risque de s’engager dans cette aventure.
Á l'abordage des albums, moussaillons !
SDJuan
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ANAÏS NIN
- Par asbl-creabulles
- Le 08/09/2020
ANAÏS NIN, Sur la mer des mensonges.
Dessin : Léonie BISCHOFF
Dessin : Léonie BISCHOFF
Couleurs : Léonie BISCHOFF
Dépot légal : août 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-203-16191-7
Nombre de pages : 192Née en France en 1903 d’une mère chanteuse d’origine franco-danoise et d’un père pianiste d’origine hispano-cubaine, Anaïs Nin s’est expatriée à New York en 1914 avec sa mère divorcée et ses deux frères. Là, elle tente très jeune de percer comme mannequin. En 1923, elle épouse Hugo, de son vrai nom Hugh Parker Guiler. Si tous deux font montre d’un sens artistique évident, Hugo va rapidement délaisser l'art et la poésie pour son travail à la banque qui lui demande pas mal d’énergie. Anaïs, pour sa part, continue d’écrire en tenant un journal intime. En 1924, ils rentrent à Paris où Hugo poursuit sa carrière dans la banque. Puis, au début des années trente, ils s’installent à Louveciennes, une commune plutôt huppée de l’Ouest parisien. Anaïs n'a encore rien publié malgré son désir marqué d’écrire un livre. En fait, depuis son enfance elle écrit son journal intime dont elle n'arrive pas à se détacher et qui constitue désormais un obstacle l'empêchant d'écrire un roman. Il est devenu comme une drogue dont elle ne peut se passer. Mais elle a également pris conscience que sa personnalité combine plusieurs femmes en elle. Et si elle a toujours été entourée par des hommes ayant joué un rôle important dans sa vie, son mari Hugo, son ami Edouardo, mais aussi Miralles son professeur de flamenco ainsi que son éditeur ou son psychanalyste, le docteur Allendy, c'est un nouvel arrivant venu tout droit de New York, artiste lui aussi, qui va chambouler sa vie: Henry Miller. Si ce dernier va quelque peu bouleverser la vie d'Anaïs, ce sera aussi le cas de son épouse June, qui représente la plus belle femme au monde aux yeux d'Anaïs. Rien ne va plus, ou si, au contraire, tout va bien !Mon avis: Léonie Bischoff nous raconte avec beaucoup de tact et de poésie une tranche tout à fait passionnante de la vie de l'écrivaine Anaïs Nin au cours de laquelle sa "prestation" de second rôle, qu'elle n'accepte pas vraiment, va prendre une tout autre tournure. Une double vie va peu à peu naître dans le couple qu’elle forme avec son mari Hugo : celle de femme mariée et passionnée par l'écriture à travers son journal intime – représentée cheveux au vent dans l’album – et celle de femme ayant besoin de contact avec les autres, ayant besoin de sensualité, d'amour, de liberté et d'indépendance mais ayant également besoin de casser certaines règles, certains tabous, chose rare et audacieuse pour l'époque. Sans être féministe outre mesure, tout en étant très féminine, Anaïs va ainsi (dé)montrer qu'elle peut prendre le contrôle au même titre que les hommes. C’est là toute l’ambiguïté de cette femme qui accepte l’approche de l’autre mais peut séduire, envoûter, faire l’amour, bref prendre le dessus tout en gardant le contrôle au prix d’un intense combat intérieur. Beaucoup de passion, de sensualité, voire de libertinage chez cette femme mais une conscience aiguisée des faits qui lui a permis de repousser ses limites ainsi que les règles sociales de l'époque.Le dessin, la mise en page, les cadrages de Léonie Bischoff restituent parfaitement, parfois de manière onirique, tous ces jeux de séduction presque sans limites, de même que l’ambiance douce, sensuelle, chaude, parfois brûlante d’un récit captivant, et ce simplement, pourrait-on dire, au moyen d'un seul crayon offrant plusieurs couleurs. Cette douceur colorée se révèle très efficace pour rendre toute la puissance et la sensibilité qui se dégagent des écrits d'Anaïs Nin.
SDJuan