Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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KURUSAN, le samouraï noir T1
- Par asbl-creabulles
- Le 14/05/2021
Tome 1 - Yasuke
Scénario : Thierry GLORIS
Dessin : Emiliano ZARCONE
Couleurs : Bruno TATTI
Dépot légal : janvier 2021
Editeur :
Collection : Histoire & histoires
ISBN : 978-2-413-01990-9
Nombre de pages : 56Japon, 1570. Fils d'un seigneur local, Oda Nobunaga a réussi à se hisser au rang de "daimyo" (gouverneur militaire/seigneur de guerre). Désormais sa réputation le précède et lui a valu le surnom de Roi Démon. C’est un homme ambitieux qui convoite le titre de "shogun" (en quelque sorte, général en chef). Parallèlement, un jésuite italien nommé Alessandro Valignano est arrivé au Japon pour y effectuer la tournée des congrégations de son ordre, accompagné de son serviteur, Yusuf, un ancien esclave noir doté d’une force incroyable, qu’il a rebaptisé Joseph. Ce géant noir (il mesure presque 2 mètres), véritable force de la nature, est une curiosité au Japon et il attise des convoitises. Amené à croiser sa route, Oda Nobunaga est fort impressionné et manifeste clairement le désir de le prendre à son service. Il l’achète au missionnaire et le surnomme Kuru, c’est-à-dire "noir". Le peuple le surnommera désormais Kurusan ("monsieur noir"). Kuru doit alors suivre un enseignement strict pour apprendre la langue et les coutumes et traditions du pays. Il prend alors le nom de Yasuke. Il apprend vite et passe de simple curiosité à garde du corps de son maître. Ce dernier se liera d’amitié avec lui et le prendra même sous son aile pour en faire un homme de confiance. Pour le moment, il n’a pas encore qualité pour combattre mais très vite et avec l’aide de la chance, il se verra proposer une formation de guerrier, autrement dit de samuraï.Mon avis : Le premier tome de "Kurusan, le Samouraï noir" accroche d’emblée le regard avec sa superbe couverture emblématique du sujet abordé, qui devrait ravir les amoureux de la culture japonaise traditionnelle mais pas seulement.
Thierry Gloris entreprend donc de nous conter un pan de l’histoire avec un grand H d’Oda Nobunaga, cet important daimyo (seigneur de guerre) de la période Sengoku (1477-1573), dite des provinces en guerre, de l’histoire du Japon.
Oda Nobunaga a passé sa vie sur les champs de bataille et a conquis une grande partie du Japon avant sa mort en 1582. On le voit nouer des liens avec cet esclave noir, dont le personnage mais surtout la stature l’ont littéralement fasciné, l’un des rares étrangers et sans doute le seul noir de tous les temps à être devenu samuraï.
On découvre l’ascension de Yusuf, alias Joseph, alias Kuru, alias Yasuke grâce à sa capacité de s’adapter et d’apprendre les coutumes japonaises.
On passe assez vite d’une étape à l’autre, sur ses rapports avec les différentes personnes qui l'entourent, sur les étapes de l’ascension de ce jeune apprenti samuraï. Vivement le tome deux pour le voir en action.
J’aurais aimé que cette phase d’apprentissage soit plus développée mais je suppose que ce n’est pas l’essentiel pour Thierry Gloris qui dirige plutôt son écriture vers les liens entre ces deux hommes de culture et de coutumes différentes, vers l'évolution de leur relation qui force le respect mais surtout sur le contexte et l’époque où se situe l’action, particulièrement riches en événements largement évoqués par les scènes de combat, complots et intrigues qui agrémentent le récit.
Un scénario bien construit et documenté et surtout intelligible à tous et pas seulement aux seuls initiés.Côté dessin, la qualité est au rendez-vous. Emiliano Zarcone passe avec aisance de scènes paisibles ou d’euphorie à d’autres plus violentes et même à des combats très durs au sabre.
Toute la panoplie de l'univers japonais est bien représentée, l’atmosphère générale, les édifices, les costumes, les tenues de combat traditionnelles.
Un ensemble dynamique, bien découpé où les couleurs (dues à Bruno Tatti) s’accordent aux différentes situations, notamment plus vives sur les scènes d’action.
Il n'y a pas que Kurusan qui se forme à la culture japonaise, le lecteur aussi.SDJuan
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LE PRÉ DERRIÈRE L'ÉGLISE
- Par asbl-creabulles
- Le 12/05/2021
Tome 1 . Le Pink Clover
Scénario : CRISSE
Dessin : Christian PATY
Couleurs : Christian PATY
Dépot légal : Mars 2021
Editeur :
ISBN : 978-2-302-08940-2
Nombre de pages : 48Kilkenny, quelque part dans les landes irlandaises. Comme chaque matin, le vieux curé prépare et répète son prêche derrière l’église du village. Il est plutôt désabusé car collé à son église il y a ce pub, le Pink Glover, qu’une bonne partie des villageois préfèrent à l’église et qui est devenu leur grand sujet de discussion et de désaccord. En fait, le curé n’est pas seul car, chaque jour, il a un auditoire fidèle de moutons qui l’écoutent parler et attendent les friandises qu’il a pris l’habitude de leur donner. Et même s’ils ne comprennent rien, ils l’écoutent car pour eux c’est la langue des anges. C’est Dieu en personne qui vient leur parler. Les moutons ne sont pas seuls. Partageant leur territoire, il y a aussi un hibou, un écureuil, un chien de berger, des chèvres et un bouc. Tous les jours la même scène se répète jusqu’à ce jour où le curé ne vient pas. Les moutons attendent, car Dieu peut bien arriver en retard, ce n’est pas eux qui vont le blâmer ou même le réprimander, c’est Dieu après tout. Toutefois, ils s’interrogent. Pourquoi ne revient-il plus ? Qu’ont-ils fait pour mériter ça ? Même s’il a vu que quelque chose d’inhabituel se passait, le hibou ne veut pas en informer les moutons. Dans le village, la rumeur se répand que le prêtre est décédé. Il aurait même été tué ! Dès lors, tout va se dérégler aussi bien chez les animaux que chez les humains.Mon avis : Crisse, de son vrai nom Didier Crispeels, ne nous a pas vraiment habitué à ce genre d'histoires. C'est sur le plancher des vaches – ou plutôt des moutons – qu’il nous entraîne pour nous faire partager une aventure à la fois loufoque et grave, mélange de polar à travers l’enquête sur la disparition d'un prêtre et de questionnement existentiel sur la place de la religion tant de la part des villageois que des moutons pour qui le curé est Dieu venu sur Terre.
À de nombreux égards, les humains, ces "balourds de paroissiens" comme le dit si bien le curé, ne valent pas mieux que les animaux.
C'est drôle, bien mené et intelligent avec des dialogues soignés et piquants où chaque mot est pesé. Comédie, critique moqueuse des défauts des uns et des autres, orgueil démesuré, calomnie, stupidité des opinions, etc., on accroche tout de suite. L’histoire captive et on ressent même de l'empathie pour les bêtes tandis qu’on s’efforce de comprendre ce qu'il se passe dans la tête des gens.Les dessins de Christian Paty restituent parfaitement les ambiances, drôles comme inquiétantes, dans des paysages et décors irlandais attrayants.
Soulignées par un trait accentué, les bouilles incroyables d'impassibilité ou de béatitude des bêtes et les trognes très expressives et caractéristiques des humains donnent le ton.
Une belle mise en page et de bons choix de cadrages.
Des couleurs agréables donnant vie à l’ensemble.SDJuan
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ASPIC t8
- Par asbl-creabulles
- Le 10/05/2021
Tome 8 . Trois petits tours et puis s'en vont
Scénario : Thierry GLORIS
Dessin : Emmanuel DESPUJOL
Couleurs :Saint-Blancat, Cyril SAINT-BLANCAT
Dépot légal : mars 2021
Editeur :
Collection : Boussole
Cycle : 4
ISBN : 978-2-302-08939-6
Nombre de pages : 48L’enquête de l’Agence Aspic sur les ancêtres de Flora a mis au jour des aspects obscurs et condamnables sur les origines de la fortune familiale. Mais dans le même temps, ces vérités révélées et la sincérité et l’affliction de Flora ont permis de lever la malédiction qui accablait la famille. Satisfaits de cette vérité, les Gardiens des Maudits, ces fantômes qui hantaient la maison, ont finalement décidé de quitter les lieux. Il reste toutefois à élucider le mystère de la mort de la mère de Flora, revenue d'entre les défunts sous la forme d’une momie très bavarde. Elle en est certaine, elle a été assassinée par un membre de sa propre famille qui lui a offert un cadeau empoisonné. Il ne reste plus à Flora qu’à découvrir le coupable et pourquoi il y a eu meurtre. Mon avis: Ce dernier tome intitulé "Trois petits tours et puis s’en vont" met fin aux enquêtes menées dans l’univers du surnaturel.
Les personnages atypiques et souvent drôles nous auront donc tenu en haleine jusqu’au bout depuis plus de dix ans.
L’album constitue une enquête de poids puisqu’il s’agit de trouver l’assassin de la mère de Flora, occasion de nous (re)faire découvrir l’histoire de la famille en apportant son lot de surprises avant de s’achever sur une conclusion plutôt surprenante.
On retrouve au passage tous les personnages pour la plupart sympathiques même si extravagants, parmi lesquels certains aïeuls plutôt singuliers qui ont rendu cette série passionnante, une série comme l’indique son titre complet "Aspic, détectives de l’étrange" mêlant intrigues, histoires de familles décapantes, enquêtes rondement menées sur fond d’occultisme, de fantastique mais aussi de comédie.Au dessin, Emmanuel Despujol (qui a succédé à Jacques Lamontagne à partir du tome 4) nous fait vivre l’aventure avec une énergie débordante.
Un dessin toujours aussi soigné et détaillé sur les décors et les personnages, jusque dans les plus petites cases, un beau travail sur les cadrages, les perspectives, la mise en page, tous variés et efficaces pour une belle fluidité narrative.
Beau travail également sur les couleurs de la part de Cyril Saint-Blancat. Belle mise en valeur du dessin de Despujol à qui l’on doit une illustration de couverture très parlante et attrayante.SDJuan
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JYLLAND Tome 1
- Par asbl-creabulles
- Le 09/05/2021
Tome 1 . Magnulv le Bon
Scénario : Bruno DE ROOVER
Dessin : Przemyslaw KLOSIN
Couleurs : Przemyslaw KLOSIN
Traduction : Philippe NIHOUL
Dépot légal : 04/2021 (Parution le 13/04/2021)
Editeur : Anspach
ISBN : 978-2-931105-01-6
Nombre de pages : 48Le chef viking Sten est de retour sur les terres de Jylland après une longue absence pendant laquelle, fidèle aux traditions, il a combattu et s’est livré au pillage. Il n'a pas pu rapporter la totalité du butin amassé mais rien ne presse. Il en a laissé une partie et compte bien la récupérer au plus vite. Au village, il retrouve Erle, sa partenaire secrète, qui tente en vain de lui parler mais l'heure n'est pas à la parlotte car Sten a autre chose à partager avec celle qu'il n'a plus revue depuis trop longtemps déjà. En fait, elle voulait l'avertir que la situation a changé à Jylland. Son père, le roi Magnulv, est mourant et son frère ainé, Rodor, va lui succéder. Mais surtout, le roi s'est converti au christianisme afin de pacifier la région en incitant son peuple à en faire de même. C’en est fini maintenant des traditionnels attaques, razzias, pillages entre clans vikings. Désormais, ils devront tous vivre en paix. Sten va donc devoir rendre son butin bien malgré lui. Mais il n'est pas homme à obéir sans se rebeller et compte une nouvelle fois le faire à sa manière: connaître son ennemi jusqu'au moindre détail pour le vaincre… sauf que, cette fois, l'ennemi est la religion. Mon avis : Premier tome d’une trilogie écrite par le dessinateur puis scénariste néerlandophone Bruno de Roover (né à Bruges en 1972) qui traite de l'arrivée du christianisme parmi les peuples vikings.
Le récit aborde la transition entre une société plutôt violente inspirée par un système religieux polythéiste aux dieux multiples et une nouvelle religion prônant la paix et l’amour du prochain. Il décrit comment ces peuples ont vécu cette transformation et accepté de se convertir à travers le personnage de Sten, l’un des fils du Roi Magnulv.
On pourrait penser que les choses ne vont pas vraiment se passer pacifiquement, mais Sten a décidé d’être conciliant. Il accepte le choix de son père et le couronnement de son frère Rodor. En fait, c’est pour mieux étudier la situation car on va découvrir qu’il est surtout un très habile manœuvrier.
Comme dans ses combats, il n'attaque jamais de face préférant étudier son ennemi pour en connaître chaque point faible. Il est malin, plein d’ambition et sournois mais sa ruse n’est pas uniquement tournée vers les ennemis car au sein même de son clan il a des projets bien arrêtés.
Il va sans dire qu'on va aller de rebondissements en retournements de situation et pas toujours là où on le pensait.L’album est illustré par le dessinateur polonais Przemyslaw Klosin dont c’est le premier album et qui travaille surtout pour le magazine hollandais Eppo (nouvelle formule depuis 2009).
Son dessin réaliste est de très bonne facture, ses personnages bien distincts et reconnaissables, le découpage des planches dynamique pour un album d’où se dégage une belle énergie et qui offre une lecture fluide.
Beau travail également sur les couleurs même si on peut regretter des tons trop sombres sur les scènes de nuit ou dans l’ombre qui perdent un peu en détails.
A noter l’intervention de Bérengère Marquebreucq sur l’illustration de couverture où elle a travaillé la mise en lumière des couleurs.
Baudouin Deville s'est également chargé de la conception et de la réalisation graphiques.
Mais au fait, Marquebreucq, Deville, De Roover... ne font-ils pas déjà partie de la petite famille Anspach? Décidément, Nicolas Anspach qui en est à son septième album, n'en finit plus de nous surprendre en nous offrant de beaux albums originaux ou traduits du néerlandais comme ce dernier-né (deux tomes de Jylland déjà parus chez Uitgeverij). Ce n'est pas étonnant vu son parcours dans le milieu de la BD et sa passion pour le 9e art.SDJuan
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OMERTA À LUANDA
- Par asbl-creabulles
- Le 07/05/2021
Scénario : Rudi MIEL
Dessin : Luca MALISAN
Couleurs : Filippo RIZZU et Massimiliano RIVA
Dépot légal : mars 2021
Editeur : Credendo
Nombre de pages : 192Harold Calberg vient d’être engagé au sein du groupe d'assurance-crédit européen Credendo. À peine installé, il se voit confier la mission de vérifier plusieurs dossiers concernant des matériels destinés à l'exportation. D'une part, des jeux vidéo mettant en scène des Chats Rockeurs produits par Gaming Attitude et destinés à la Slovénie et, de l'autre, une excavatrice-amphibie à destination de l'Angola pour la rénovation du port de Luanda. Ayant déjà remporté le lot 1 pour ce chantier, "Harbour Dynamics" à Hambourg qui sous-traite avec "Hoist Trade International" à Anvers, est à présent en concurrence avec "Blue Heaven Energies Ltd" à Boulogne-sur-Mer pour le lot 2 dont l'enveloppe s’élève à 89 millions d'euros. Un troisième concurrent sérieux, "Puerto Ilimitado" à Barcelone, est aussi sur les rangs et pourrait bien remporter l’appel d’offres qui lui ouvrirait la voie pour le lot trois estimé à un demi-milliard. La concurrence fait rage et tous les coups semblent permis. C’est au siège de la filiale de "Harbour Dynamics" à Luanda que les choses vont prendre une tout autre tournure quand Harold sera informé qu’il manque le moteur de l'excavatrice-amphibie qui vient d’être livrée. D’après "Hoist Trade International", tout avait été vérifié avant d’être chargé dans un conteneur au départ d'Anvers. Le bureau d'enquête de Credendo se retrouve en première ligne à commencer par Harold qui va devoir se lancer à la recherche du moteur disparu.
Mon avis : La compagnie d’assurance-crédit à l’exportation Credendo célèbre son centenaire. Elle a vu le jour en 1921 sous le nom de Commission du Ducroire, deuxième compagnie d'assurance-crédit au monde à être mise sur pied après celle du Royaume-Uni. En 2004, le Ducroire évolue du statut classique d’assureur-crédit à l’exportation public à celui de groupe d'assurance-crédit européen sous la dénomination commerciale unique de "Credendo". Il est aujourd’hui présent dans 15 pays en Europe.
Plusieurs initiatives ont été prises pour célébrer ce centenaire : une brochure retraçant les grands événements de son histoire, un film corporate, une série de podcasts sur le site internet, mais également cet album-anniversaire qui a paru s’imposer puisque la Belgique est la patrie du 9e art et la bande dessinée un média qui se prête parfaitement à la mise en scène d’un univers qui n’a parfois rien à envier aux meilleurs films d’action du cinéma. "En 100 ans de Credendo, nous avons pas mal d’anecdotes qui illustrent la face cachée de nos métiers. Credendo a confié à deux auteurs de bande dessinée aguerris, Luca Malisan (dessins) et Rudi Miel (scénario), l’élaboration d’une trame construite autour de scènes et de souvenirs que nos collaborateurs leur ont racontés", explique Nabil Jijakli, Group Deputy CEO / DG adjoint du Groupe Credendo. L'album a été tiré à 10000 exemplaires et traduit dans 5 langues.Rudi Miel connaît un mois d'avril chargé avec la sortie de deux albums dans des genres bien différents, l'un (Buonaparte) à l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon (voir notre chronique ici) et l’autre (Omerta à Luanda) sous la forme d’une enquête dans le milieu de l’assurance-crédit et celui des "affaires" où la perspective de remporter un appel d'offre peut susciter des rivalités entre les soumissionnaires et, parfois, donner lieu à des manœuvres sinon malhonnêtes, du moins pas toujours orthodoxes. S’appuyant sur des faits réellement survenus au sein de Credendo et/ou des anecdotes rapportées par des agents de l’entreprise, Rudi Miel nous propose un récit riche en rebondissements, agrémenté de quelques scènes d’action bien rendues. Ici, la concurrence fait rage et tous les moyens semblent bons (dessous-de table, tentatives de corruption, bilan truqué transmis à la presse, piratage de serveurs informatiques, etc.) pour nuire à un rival et s’implanter durablement en Angola. Et le coupable n’est pas toujours celui que l’on croit. Un scénario plutôt clair et fluide traitant d’un sujet qui aurait pu s’avérer rébarbatif pour les non-initiés. En insérant une large dose de fiction et des personnages bien campés, Rudi Miel réussit à captiver notre attention tout en nous permettant de mieux comprendre les rouages de ce genre d'enquête sans tomber dans le didactisme (rôle dévolu au lexique illustré des principaux termes relatifs aux risques et à l’assurance-crédit en fin d’album).
C’est Luca Malisan (Les amants de Carcassonne, La conjuration de Cluny, Les seigneurs de la Terre, In vino veritas, etc.) qui illustre cette aventure moderne d’une manière très agréable notamment sur les nombreux paysages naturels et/ou décors urbains, en particulier, portuaires et industriels, des différentes villes visitées. L’aspect polar est bien présent à travers quelques belles scènes d’action. Pourtant nombreux, les personnages sont aisément reconnaissables et bien caractérisés. Enfin, l’ensemble bénéficie de cadrages et d’un découpage plutôt dynamiques assurant une lecture facile et confortable.
SDJuan
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LADY KILDARE
- Par asbl-creabulles
- Le 07/05/2021
Tome 1
Scénario : Brian HABERLIN & Brian HOLGUIN
Dessin : Jay ANACLETO, Brian HABERLIN & Roy MARTINEZ
Couleurs : Brian HABERLIN et Drew et Alex
Dépot légal : Avril 2021
Editeur :
Collection : Contrebande
ISBN : 978-2-413-02476-7
Nombre de pages : 192Lady Kildare, connue aussi sous le nom d’Aria, de la maison de Dannan, a quitté le monde des fées pour celui des humains, en s’installant à New York où, entourée d’ami(e)s, elle profite pleinement de la vie en prenant du bon temps. Lorsqu’une série de meurtres se produit, la nature des crimes ravive les inquiétudes concernant un grand danger à venir. Et d’ailleurs, peu après cela se confirme lorsque leur amie et cousine de Lady Kildare, Gwynnion, surnommée Ginny, que tous croient en pleine dépression nerveuse, leur annonce qu’il y a plusieurs années le maître du mal qui avait pris forme humaine durant une journée, avait réussi à la séduire et lui faire porter son enfant. C’est ce qui l’avait poussée vers la folie au point de faire le choix de l’abandonner dès la naissance. Aujourd'hui, l’enfant est devenu un adulte prêt à répandre le mal et Lady Kildare et ses amis devront s'opposer à lui de toutes leurs forces.
Comme si cela ne suffisait pas, un nouvel être maléfique s'est emparé d’un ange nommé Angela qu’il tient sous son emprise. Lady Kildare sait où emmener ce démon non seulement pour libérer Angela mais aussi pour canaliser sa colère contre ce démon. Mon avis: Cet album est l’occasion de retrouver Aria et Angela, ces deux héroïnes que tout lecteur amateur du genre a déjà croisées il y a quelques années déjà. Le récit s’articule autour de trois histoires, et débute par plusieurs pages de présentation. Au départ, on ne voit pas très bien où cela va nous mener, puis l’intrigue se précise et devient même addictive. Le scénario, sous forme d’enquête, prend alors tout son sens, multipliant les rebondissements qui mettent les éléments en place au fil des pages. La seconde histoire, en forme de crossover avec Angela, nous emmène aux frontières du réel, du métaphysique et du religieux. On bascule de notre monde et ses croyances dans la pure fantasy avec une aisance déconcertante et accrocheuse. On côtoie un lycanthrope, un magicien, un ange, des trolls, des fées etc. Il ne faut surtout pas faire l’impasse sur les passages écrits clôturant l’album agrémentés de quelques illustrations qui sont aussi l’occasion de comparer la puissance du texte par rapport à un "simple" dessin ou illustration pour décrire une même situation. Brian Haberlin et Brian Holguin nous offre un récit original, surprenant et captivant.Les dessins de Jay Anacleto, Brian Haberlin et Roy Martinez sont de même qualité même si légèrement différents et de toute beauté.
Des personnages dans un style réaliste, et au physique attrayant en ce qui concerne les héroïnes et leurs amies, évoluant dans de superbes décors new yorkais et londoniens ou de nature féerique soignés et riches en détails.
Un découpage fluide et dynamique font de cet album assez volumineux un très bon moment de lecture mêlant les styles comics, franco-belge et fantasy.SDJuan
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BUONAPARTE T1
- Par asbl-creabulles
- Le 05/05/2021
Tome 1 : Sainte-Hélène
Scénario : Fabienne PIGIÈRE et Rudi MIEL
Dessin : Iván GIL
Couleurs : 1ver2ânes
Dépot légal : avril 2021
Editeur :
Collection : Histoire & Histoires
ISBN : 978-2-413-03012-6
Nombre de pages : 56Ce 5 mai 1821, l’empereur déchu Napoléon Ier vient de rendre son dernier soupir à Longwood House, sa dernière résidence sur l’île Sainte-Hélène, en plein Atlantique Sud. Dans un long retour en arrière, les auteurs passent alors en revue les derniers événements de la vie de l'Empereur Napoléon, y compris ses rendez-vous manqués en Pologne, en Corse, etc. à la fin du XIXe siècle, avec un certain Hudson Lowe alors colonel dans l’armée britannique. Promu Major général, puis Lieutenant général après l’abdication de Napoléon, Lowe se verra offrir le poste de gouverneur militaire de Sainte-Hélène où, succédant à l’amiral George Cockburn qui y avait transporté Napoléon à bord du HMS Northumberland, il sera son geôlier à partir d'octobre 1815 jusqu'à son décès le 5 mai 1821. On se souvient qu’après son abdication le 22 juin 1815, Napoléon a fui Paris vers la Vendée rejoignant l’île d’Aix, entre le continent et l’île d’Oléron, espérant embarquer sur la frégate La Saale pour rejoindre l’Amérique. Intercepté par des navires anglais, il s’est rendu en espérant obtenir des sauf-conduits pour partir en Amérique ou à défaut obtenir l’asile en Angleterre et y être traité comme un hôte et non comme un prisonnier de guerre. On connaît tous la suite. Tout va être mis en place pour que Napoléon ne puisse plus nuire à l'Europe en l'exilant sur cette île coupée du monde et, surtout, éviter que ne se répète l'échec de son éloignement sur l'île d'Elbe entre avril 1814 et mars 1815. Outre la garde de Napoléon, une autre mission est également confiée à Hudson Lowe : découvrir où se trouve le "trésor" dont Napoléon, alors général Bonaparte, se serait emparé lors de sa Campagne d'Égypte à partir de 1798. Ces six dernières années de la vie de Napoléon sont donc bien son dernier combat.Mon avis: Très bon timing pour la sortie de cet album, à la fois récit historique documenté et fiction – la bande dessinée est bien un art à part entière, une activité culturelle mais aussi un divertissement ! – à l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon Ier à Sainte-Hélène. L’album s’ouvre sur l’annonce du décès de l’empereur déchu, qui sert de prétexte à plusieurs flashes-back bien orchestrés par Rudi Miel et Fabienne Pigière sur la vie et la carrière des deux principaux acteurs de leur récit, Napoléon, évidemment, et celui qui va devenir à la fois gouverneur de l’île et son geôlier à partir d’octobre 1815, Hudson Lowe, mais pas seulement puisqu’ils évoquent bien d’autres contemporains ayant croisé ou côtoyé Napoléon.
Commémoration ou célébration ? La différence est si ténue que cela ne vaut pas la peine de s’y attarder. Mais il est vrai qu’en France, Napoléon est et reste source de polémique, admiration chez les uns, antipathie chez les autres. Ce jeune militaire de 19 ans en 1789, en pleine Révolution, a gravi peu à peu tous les échelons, participé à des batailles et victoires mémorables à la tête des armées françaises, réformé la France, façonné le pays tel qu’il est aujourd’hui. C’était l’époque où la France inspirait le monde entier.
À l’île d’Elbe, premier lieu d’exil (mais pas d’emprisonnement) de Napoléon en 1814, l’empereur est présent partout et même une source d’eau naturelle s’appelle désormais "Fonte Napoleone" ! Il est clair que le territoire se souvient de lui pour toujours.En Belgique, notamment à Waterloo, ce bicentenaire va donner lieu à de multiples événements entre mai et décembre 2021 (expositions, conférences, tables rondes, reconstitutions réunissant des "fans" de toutes nationalités, fiers de revêtir des costumes d’époque reconstitués à partir d’archives, au point qu’un ticket unique, le Pass 1815, a été créé pour l’occasion). Cet album vient donc à point nommé.
À partir de faits historiques que tout le monde connaît (ou devrait connaître), les auteurs parviennent à nous surprendre en construisant une bonne intrigue à partir du supposé trésor amassé par Napoléon.
Une pointe d’improvisation, de fiction pour une intrigue jouant un peu avec la chronologie des faits, juste ce qu’il faut pour rendre le récit très intéressant et éveiller notre intérêt. Une belle surprise.Le madrilène Iván Gil a certainement semblé le dessinateur le mieux autorisé pour illustrer "Buonaparte" puisqu’on lui doit déjà deux séries consacrées à l’empereur Napoléon, "La Bataille" (d’Essling sur le Danube en mai 1809), trois tomes publiés chez Dupuis en 2012-14, puis "Bérézina" (sur la rivière du même nom dans l’actuelle Biélorussie en 1812), trois tomes parus chez Dupuis en 2016-18. Il a également publié chez Glénat en février 2021 le premier tome d’une série originale intitulée "Les Dragons de la Frontière".
J’accroche au dessin d’Iván Gil au trait fin, précis et réaliste. Il est autant à l’aise sur les scènes de guerre et/ou spectaculaires avec chevauchées, en plaine ou en terrain montagneux, que sur les scènes maritimes historiques avec divers vaisseaux et frégates à voiles.
Un gros travail de documentation donc, que l’on apprécie également sur les costumes, les uniformes, les armes et les décors.
Une mise en page soignée pour une lecture fluide bénéficiant de couleurs agréables et lumineuses dues à Vérane Otero alias 1ver2ânes.
On lui doit aussi la superbe illustration de couverture très évocatrice.On lira en fin d’album un très intéressant dossier documentaire de 8 pages dû à Rudi Miel intitulé "Le dernier combat de Napoléon – Aux détours de l’histoire".Bravo à l’équipe pour ce bel album dont on attend la suite avec impatience.
SDJuan
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GAGNER LA GUERRE Tome 3
- Par asbl-creabulles
- Le 04/05/2021
Tome 3 . La mère patrie
Scénario : Frédéric GENÊT
Dessin : Frédéric GENËT
Couleurs : Frédéric GENËT & Annelise SAUVËTRE
Adapté de : Jean-Philippe JAWORSKI
Dépot légal : Février 2021
Editeur :
ISBN : 978-2-8036-7709-2
Planches : 56Après des mois passés dans les prisons de Ressine, Benvenuto Gesufal est de retour à Ciudalia contre paiement d’une rançon. Il ne s’attendait pas à être accueilli et acclamé comme un héros lorsque son navire accoste au port. Encore moins par la famille Mastiggia qui le remercie d’avoir tout tenté pour sauver leur fils Bucefale, ignorant la terrible vérité sur le rôle joué par Benvenuto. Pour le moment, Benvenuto ne risque pas grand-chose et va de surprise en surprise en découvrant sa popularité auprès de la population de Ciudalia. Son protecteur, le podestat Ducatore, celui-là même qui l’a engagé comme exécuteur de ses basses œuvres, s’est porté garant de sa conduite. Profondément marqué par les événements et son emprisonnement, Benvenuto ne pense qu’à une seule chose, se reposer, reprendre des forces et retrouver sa forme… La situation va toutefois prendre une autre tournure quand le podestat persuadé d’être le seul maître du jeu, le seul à pouvoir manipuler ses pions, va dévoiler ses intentions. Mais tout le monde n’est pas dupe et cela va entraîner une redistribution des cartes qui va également concerner Benvenuto. Mon avis: Pandémie ou pas, confinement ou pas, Frédéric Genêt s’est consacré non pas en forçat du travail puisqu’il ne s’agit pas d’esclavage mais en artisan consciencieux, méticuleux et soucieux de la satisfaction de ses lecteurs à l’élaboration de ce troisième tome de sa série Gagner la Guerre tout au long de l’année 2020.
Voici donc le troisième volet de cette aventure qui ne manque pas de rebondissements même si cette fois il s’agit davantage d’intrigues et de manœuvres politiques.
Benvenuto n’en finit pas d’essuyer des revers. Pour le moment, il s’en prend plein la figure, comme en témoignent ses blessures et balafres, mais ce n’est ni un saint, ni un naïf. Il a du répondant et lui aussi saura réagir, à sa manière, même si jusqu’à présent il a fidèlement suivi toutes les instructions du podestat Ducatore.
Frédéric Genêt s’en donne à cœur joie et cela se ressent à travers un scénario dense et soutenu où les surprises se succèdent et s’enchaînent.
Si les deux couvertures précédentes étaient déjà très belles, celle-ci monte d’encore un cran, illustrant toute la tension, le drame qui se joue autour du héros. On apprécie toujours le dessin globalement énergique. Et même si ce troisième tome propose moins de scènes d’action et/ou de bravoure grandioses, la qualité s’exprime tout autant par le biais des très nombreux décors intérieurs et extérieurs, architecturaux, mobiliers, paysagers, urbains qui agrémentent l’album.
Et comme toujours, l’ensemble n’est pas surchargé afin de rester clair et très lisible, avec des personnages aux visages expressifs et une mise en couleurs toujours aussi soignée.Une version N&B à tirage limité avec couverture bichrome grenat/beige clair et carnet de croquis est également prévue comme pour les tomes précédents.
Troisième tome d’une série dont l’intérêt reste entier.SDJuan