Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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Le CHIEN DE DIEU
- Par asbl-creabulles
- Le 27/02/2018
Le Chien de Dieu
Scénario: Jean Dufaux
Dessin: Jacques Terpant
Couleurs: Jacques Terpant
Dépôt légal: Novembre 2017
Editeur: Futuropolis
Nombre de pages: 67Deux après la sortie de "La cavale du Dr Destouches", scénarisé par Christophe Malavoy et mis en images par les frères Brizzi, Jean Dufaux nous raconte son propre "voyage au bout de Céline". Avec la complicité du dessinateur Jacques Terpant, toujours chez Futuropolis mais dans un tout autre genre, il nous propose une biographie subjective de la fin de vie de Louis-Ferdinand Céline.
Nous retrouvons Céline, Louis-Ferdinand Céline pour la littérature et Louis-Ferdinand Destouches pour l’état civil et la médecine, vieillissant à Meudon dans son pavillon en 1960. Entre cauchemars, angoisses et colères, entouré de sa fidèle épouse et de ses chiens, il peine à clôturer sa dernière trilogie, son ultime roman "Rigodon".
Par petites touches, en faisant basculer le lecteur d’une époque, d’un cauchemar ou d’un souvenir à l’autre, Dufaux nous fait un portrait expressif, humain et sensible de Céline. Tâche difficile car même au-delà qu’aient pu être ses aberrations idéologiques, Céline "a trainé dans l’ordure tout ce que l’existence pouvait présenter de valeurs positives". Le récit est décousu, inconfortable mais colle au personnage aigri qu’est Céline. Dufaux a lu Céline et le traduit avec succès.
Jacques Terpant, illustrateur, dessinateur et peintre, au trait particulièrement expressif et fort, soigne la mise en couleurs directe. En osmose complète avec Dufaux, il complète ses propos en produisant des lavis dans un style "cinématographique" fin années 50.
Une grande réussite !
Michel
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Les LOUVES
- Par asbl-creabulles
- Le 20/02/2018
One shot
Scénario: Flore Balthazar
Dessin: Flore Balthazar
Couleur: Flore Balthazar
Editeur:
Collection: Air Libre
Dépot légal: février 2018
Nombre de pages: 200Dès 1939, Marcelle et sa famille assistent impuissantes à la marche inéluctable vers une nouvelle guerre qui deviendra vite mondiale, ne sachant pas trop quoi faire face à l’arrivée de l’occupant allemand. Même après l’arrestation de leur père, la famille va continuer au quotidien de mener une vie plus ou moins normale. Mais au fur et à mesure que l'occupation s’étend en Belgique, les choses se compliquent dans chaque ville, dans chaque quartier et la liberté de chacun n'a plus vraiment de sens. Progressivement, on assiste à la formation de mouvements de résistance. Parmi les moyens de les soutenir, certains diffusent partout dans la ville des messages sous forme de tracts ou "taguent" sur les murs des signes très visibles de tous. Car à présent, il faut montrer aux Allemands que la résistance est bien présente et qu’elle sera prête à agir à la moindre occasion, à la moindre faille de leur part. Durant cette occupation, ces femmes belges, parmi lesquelles Marcelle et Yvette originaires de La Louvière, vont devenir "Les Louves", faisant tout leur possible pour protéger les leurs pendant que les hommes sont partis au front ou déjà prisonniers.
Mon avis: Entre faits réels et fiction, Flore Balthazar nous fait partager sa vision du journal intime de son aïeule, Marcelle Balthazar, du temps où, adolescente, elle vivait et subissait ces années de guerre. La jeune Marcelle a essayé de vivre son adolescence du mieux qu'elle pouvait durant cette période tragique de l'histoire. Nous partageons ses moments de peur, ses doutes, surtout lors de la capture de son père, mais aussi ses moments de tendresse et de complicité au sein de sa famille ou avec ses amies.
L’album est aussi un témoignage émouvant sur le courage des femmes pendant cette guerre qui est venue bouleverser les habitudes, comme la quête de nourriture ou encore l’obligation d’intégrer l’école des garçons où les filles sont cachées, enfermées même, dans le vestiaire durant la récréation. Flore Balthazar aborde évidemment la condition des femmes à cette époque, victimes de vols, de menaces, de provocations, contraintes et forcées lors d’interrogatoires musclés et exposées à la haine. Malgré tout, même s’il faut garder présent à l'esprit que le danger est partout, il y a aussi des moments d’espoir et de répit, rencontres d’un jour, rencontres amoureuses et toutes ces choses de la vie, tous ces gestes qui vont faire que chacun avec ses faibles moyens va contribuer autant que possible au bien-être des autres. Il y a aussi l'implication directe de sa meilleure amie au sein de la résistance, preuve du courage voire de la témérité de ces "Louves".
Ce one shot est scénarisé mais aussi dessiné et mis en couleurs par Flore Balthazar. Son dessin va à l'essentiel, parfois sans aucune concession, parfois tendre, toujours clair et soigné et permettant une lecture aisée. Sur quelques pages, les cases contiennent uniquement des symboles divers et variés et se suffisent à elles-mêmes. Toute explication serait superflue. Flore Balthazar nous livre un roman graphique attachant par son trait et la justesse de son contenu, jamais exagérés, toujours dans la simplicité et l'efficacité. Auteure complète, elle nous démontre avec beaucoup de modestie qu'elle dessine très bien et maîtrise parfaitement son scénario.
NB: suppléments en fin d'album des plus intéressants venant complêter l'album avec en plus quelques photos émouvantes.
L’histoire de sa grand-tante Marcelle n'est pas prête d'être oubliée et la descendance des "Louves" de la Louvière est assurée.
Une exposition:
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Le TROISIÈME FILS DE ROME
- Par asbl-creabulles
- Le 18/02/2018
Tome 1 : Martius
Scénario : Laurent Moënard
Dessin : Stefano Martino
Couleurs : Stéphane Paitreau
Illustration de couverture: Pierre Loyvet
Dépot légal : Février 2018
Editeur :
Collection : Aventure
Nombre de pages : 54Tout le monde connaît l'histoire légendaire des fondateurs de Rome, Romulus et Rémus, ces jumeaux nés de l'union entre le dieu de la guerre Mars et la vestale Rhéa Silvia, fille de Numitor le 13e roi de la patrie au bord du Tibre. En fait, Rhéa n’aurait jamais dû avoir d’enfants car son oncle Amulius, après avoir détrôné son frère Numitor, le père de Rhéa, avait pris soin d’obliger celle-ci à devenir une vestale vouée à la chasteté. Furieux que Mars ait réussi à la mettre enceinte, Amulius fit jeter les bébés au fleuve et aurait violé sa nièce. Ce que l'on ne sait pas c'est que de cette union forcée serait né un troisième enfant, demi-frère de Romulus et Rémus. Le temps passant, ce troisième fils de Rome n'aura qu'une seule chose en tête, se venger de Romulus et Rémus car ceux-ci avaient assouvi leur propre vengeance en tuant Amulius pour remettre leur père Numitor sur le trône. Des siècles plus tard, le même besoin de vengeance contre Rome habite les descendants de la secte créée par les partisans du "troisième fils de Rome" dans le seul but de mettre au pouvoir à Rome un descendant de ce dernier. Martius, le fils adoptif d'un vieux sénateur romain, confié par les dieux à ce sénateur, descendant néanmoins de la patrie du bord du Tibre, va avoir la mission de protéger Rome et combattre ainsi l’Ordre du troisième fils de Rome.
Mon avis: Dès les premières pages, nous sommes en l'an 203 avant Jésus-Christ quand Martius reçoit la mission de sauver Rome. Si le récit ravive les souvenirs des cours d’histoire à l’école sur les origines de Rome, la version que nous en propose Laurent Moënard se révèle très différente car il s’est amusé à retravailler l'histoire avec un grand H. Dans sa version, Romulus et Rémus ont eu un frère et celui-ci va agir à l'encontre du destin de Rome que nous connaissons tous. Le scénariste met en scène les grands événements survenus à Rome au fil des siècles. Une nouvelle secte va voir le jour et Martius va devoir en combattre les membres. L'intrigue ne nous lâche plus du début à la fin mêlant complots, trahisons, meurtres.
Le dessin de Stefano Martino est globalement agréable. Il nous propose des illustrations très expressives et descriptives de l’époque romaine, les costumes, les paysages, les décors, palais, rues mais aussi des batailles navales, des combats entre soldats, et même l’attaque saisissante des éléphants. Les personnages sont plutôt expressifs même si sur l'une ou l'autre case, quelques visages paraissent très légèrement déformés (problème de couleur ?), mais ce léger défaut n'altère en rien la bonne qualité générale de l'album. L’aspect dramatique est également fort bien rendu.
Les couleurs de Stéphane Paitreau vont dans le même sens en donnant de la profondeur au dessin. -
KILL OR BE KILLED
- Par asbl-creabulles
- Le 17/02/2018
Tome 1
Scénario: Ed Brubaker
Dessin: Sean Philips
Couleurs: Elizabeth Breitweiser
Editeur:
Collection : Contrebande
Planches :125
Dépot légal: Janvier 2018Malgré son jeune âge, Dylan ne voit rien de positif dans la vie. Voir tout en noir est la seule forme de pensée qu’il connaît. Son mal-être existentiel l’a même déjà poussé au suicide, comme son père lorsqu’il était tout jeune. Ayant raté sa prépa, aujourd’hui à 28 ans, il est encore scolarisé. Depuis quelque temps rien ne va plus car même son amie et confidente Kira dont il est éperdument amoureux mais qui ne s’est guère intéressée à lui jusqu’ici est courtisée par son colocataire Mason. Tout comme son père, il ne ressent plus aucune envie de continuer à vivre. Sans hésiter, un soir il se jette du toit de son immeuble. Mais, dans sa chute, il réalise que sa vie n'était pas si mal finalement et comme par miracle il survit au saut dans le vide qui devait lui être fatal. Il ne le sait pas encore mais sa survie n'est pas tout à fait naturelle et évidemment, il y a un prix à payer. Ce prix, c'est un démon qui le lui annonce: il va devoir assassiner un salaud par mois, pas moins! Au début, Dylan se demande s'il n'a pas rêvé ou cauchemardé après une telle chute, mais quand ses forces commencent à diminuer et qu’il tombe malade, de plus en plus malade, il comprend assez vite que ce n'était pas une vision et que s'il n'accepte pas le deal, il risque bien de mourir. Toute la difficulté à présent ne se limite pas à trouver le courage de passer à l'acte mais aussi de trouver le premier salopard car qui mérite réellement de mourir ou pas?
Mon avis: Sans aucun doute, Ed Brubaker est devenu un maître du polar noir. On accroche dès les premières cases. On a même l'impression de s'imprégner de ses personnages tous plus déjantés les uns que les autres. Il réussit à nous faire vivre le grain de folie qui les anime jusqu'à nous glacer le sang, non seulement à nous faire vivre ce que le héros ou anti-héros est en train de vivre, d’autant plus que "Kill or be killed" est narré sous forme de livre intime, mais aussi à nous poser la question "Mais pourquoi fait-il ceci ou cela ?" comme si le personnage était réel. Pire et encore plus "flippant", on se demande parfois ce qu'on aurait fait à sa place. Dylan se présente à nous en combinant dans un mélange savant le minable devenu tueur dans "Wanted", le héros revenu de l'enfer, Spawn, et, bien sûr, le nettoyeur de la lie humaine qu'est le Punisher. C’est l’occasion pour le scénariste d’aborder la délicate question de savoir si l’homme a le pouvoir de se faire justice soi-même, quand bien même il s’agirait d’éliminer des criminels qualifiés de barbare. Cette légitimité de la violence en agissant à la fois comme juge et bourreau me dérange un peu, d’autant que les auteurs nous font penser qu'il n’y a aucune raison de s'en priver puisqu’après tout il ne s’agit que de salopards et de malfrats de la pire espèce. Mais Ed Brubaker connaît bien son domaine de prédilection et ça fonctionne à merveille. L'escalade dans la violence du jeune Dylan, personnage au départ plutôt non-violent et discret voire suicidaire, puis pris au piège du pacte conclu avec le démon va en surprendre plus d'un car ce secret va lui poser bien d'autres problèmes.
Le dessin de Sean Philips est d'une efficacité incroyable. Rien n'est laissé au hasard, tout est savamment encré et utilisé à bon escient, atteignant un bel équilibre des cases, des pages, du récit. On ressent la tension sur chaque case, la violence est rendue presque palpable. La présence du mal se concrétise sous nos yeux et finit petit à petit par arriver à ses fins. Au même titre que Brubaker, Sean Philips est passé maître dans le polar bien noir, voire infernal dans le cas présent. À ses côtés, on retrouve la coloriste Elizabeth Breitweizer dont le travail est tout à fait en symbiose. Ses couleurs rendent parfaitement l’atmosphère de terreur et de froid hivernal qui prévaut. Brubaker, Philips et Breitweiser forment un trio parfait et efficace qui décoiffe. Compte tenu de sa qualité graphique, cet album aurait certainement et largement mérité une version N&B, voire un tirage spécial Angoulême.
Ce thriller sombre est des plus captivant et le tandem Ed Brubaker Sean Philips fonctionne à merveille. Collaborant depuis un certain temps déjà, ils savent parfaitement où ils vont et cela se ressent dans la qualité du travail fourni. À ne rater sous aucun prétexte !
A noter: un superbe cahier d'illustrations des couvertures originales en fin d'album.
SDJuan
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BLACK PANTHER
- Par asbl-creabulles
- Le 15/02/2018
Un film de Ryan Coogler
Acteurs: Chadwick Boseman, Michael B. Jordan, Lupita Nyong'o, ...
Genres: Action, Aventure, Science fiction, Fantastique, Super-Héros
Nationalité: Américain
Date de sortie: 14 février 2018
Durée du film: 2h 15minJ'ai vu Black Panther en avant-première. J'ai aimé... Beaucoup.
Le fan de l'univers Marvel et de sa transposition sur grand écran (MCU*) qui est en moi a été comblé: de l'action, des effets spéciaux implacables, un lien avec d'autres personnages et films qui entretient la cohérence d'ensemble (même si, cette fois-ci, il est un peu plus ténu que d'habitude et se limite à quelques personnages et allusions).
On sent un souci permanent, de la part de Marvel, de réinventer régulièrement son approche du MCU pour éviter ou retarder la lassitude qui pourrait gagner après dix ans et presque la vingtaine de films. C'est là qu'est le vrai succès de ce film: après le dépaysement dans l'espace (apporté par Thor Ragnarok et les deux opus des Gardiens de la Galaxie), après celui apporté par les autres dimensions et la magie (Dr Strange), Marvel nous dépayse en nous faisant voyager ... en Afrique. Certes, une Afrique imaginaire, dans un pays caché qui ne l'est pas moins: le Wakanda. Mais une Afrique belle, colorée, riche de traditions et de mythologies qui survivent malgré l'explosion des technologies et cohabitent avec elles dans une élégance racée et esthétique (un énorme coup de chapeau pour le design, les costumes et les décors).
Une Afrique mythologique, donc... Et une vraie charge politique pour un développement dans ce continent, sur un modèle différent et adapté... qui est clairement notifiée dans la première séquence post-générique. Ainsi, ce sont les "Blancs" – représentant l'Occident riche – qui apportent désordre et dissensions. En même temps que ce qui mine le Wakanda, c'est son enfermement, sa peur du dehors et son repli sur une ressource rare.
Aussi, outre des personnages impressionnants par leur allure et les prouesses physiques qu'ils affichent (servis par un casting au top), outre des technologies et des engins qui feront passer James Bond pour un ringard, des courses poursuites fabuleuses dont l'issue n'est pas toujours celle attendue, c'est bien un film alliant divertissement pur, dépaysement total (qui m'a souvent renvoyer à l'émerveillement d'Avatar) et sous-texte politique sur un nécessaire (et possible) développement sur un modèle qui doit être adapté à l'Afrique qui nous est proposé, en plus du chemin initiatique d'un homme qui passe "de fils de" à "père de" en découvrant la charge, les peurs et les risques de l'exercice du pouvoir. Une grande richesse thématique qui se déploie sur un métrage agréable, ni trop court, ni trop long compte tenu du contenu.
Je suis personnellement étonné que Marvel, rentré depuis quelques années dans le giron de Disney (avec quelques remous dans le monde de la BD) soit parvenu à maintenir ce qui fait sa marque et sa particularité: l'alliance de personnages forts ET d'un sous-texte dans l'air du temps (Spiderman et la peur de devenir adulte et responsable, Hulk et la peur du nucléaire, Luke Cage et le Black Power, les X-Men et le racisme...).
Dans l'attente du prochain choc, le prochain Avengers qui réunira l'essentiel des pierres taillées depuis 10 ans dans un ouvrage qu'on espère grandiose, ce Black Panther est une très belle pierre portée à l'édifice d'une étonnante cohérence.
* Marvel Cinematic Universe / Univers cinématographique Marvel
Article: Frédéric Briones
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BRÛLEZ MOSCOU
- Par asbl-creabulles
- Le 12/02/2018
Brûlez Moscou
Scénario : Kid Toussaint
Dessin : Stéphane Perger
Couleurs : Stéphane Perger
Dépot légal : le 09 février 2018
Editeur :
Collection: Signé
Nombre de planches :57Moscou, 1812. Le capitaine Anatoli Lenski est incarcéré à la prison de l'Ostrog, non loin de Moscou. Un jour, au réfectoire, lorsque son ami Sergueï en voyant entrer Kolia, que tous surnomment l'Ogre de Moscou, lui apprend que c’est un tueur d'enfants, ni une ni deux Anatoli se jette sur lui pour le tuer mais les deux hommes seront immédiatement séparés et jetés au cachot. A Moscou, le gouverneur de la ville, le comte Fédor Rostopchine, sait qu’il sera impuissant face à la grande armée de Napoléon qui s’apprête à envahir la ville. Pas question pour lui de se rendre en laissant Moscou passer aux mains de l'ennemi français. Mieux vaut brûler la ville qui ne sera plus qu’un champ de ruines. Mais si sa décision est prise, il ne va pas s’en charger lui-même ni ses hommes. En revanche, les prisonniers, pour la plupart des criminels, de la prison de l'Ostrog pourraient s’en occuper. Il les fait donc libérer, leur laissant carte blanche pour saccager la ville qui a fait d’eux des prisonniers, pour piller, massacrer, violer et réduire tout ce qui reste en cendres. En quittant la prison, Kolia prévient Anatoli, qui n’a pas été libéré comme les autres, qu’il va retrouver sa famille à Moscou et se déchaîner sur eux. Anatoli doit donc absolument trouver un moyen de s’enfuir pour protéger sa femme Tatiana et son fils Oleg et empêcher l’Ogre de les trouver avant lui.
Mon avis: Kid Toussaint nous livre un récit plutôt original sur fond d’événements de l'Histoire avec un grand H à travers des personnages aussi connus que Napoléon et sa Grande Armée aux portes de Moscou mais bien d'autres personnages de fiction plus atypiques, de par leur rang social, évidemment les meurtriers, les asociaux ou les marginaux que sont les prisonniers mais aussi, et c’est ce qui est le plus intéressant, de par leur degré de folie que je ne peux développer ici sous peine de dévoiler certains aspects du récit. En fait, chacun manifeste un grain de folie plus ou moins important, un secret enfoui, même les autorités de la ville de Moscou qui elles aussi ont longtemps protégé le leur. Kid Toussaint est un scénariste prolifique qui sait nous surprendre, nous épater quel que soit l'univers qu'il aborde puisqu'il possède à son actif un assez large éventail de titres (Holly Ann, Magic 7, Notorious Circus, 40 éléphants, etc.) en collaboration avec différents dessinateurs et donc dans des styles très variés.
Au dessin et à la couleur, Stéphane Perger nous propose avec "Brûlez Moscou" un one shot évidemment flamboyant puisqu'il se caractérise par une prédominance des tons orange et rouge en accord avec le thème du feu de l'enfer qui s’abat sur Moscou et ses habitants. On est soufflé par un graphisme d’une telle audace, des cases où les traits vont à l'essentiel, des couleurs d'une énergie folle et puissante, des visages impressionnants et charismatiques – Anatoli, Sergueï, Kolia ou la "comtesse" Agneska, une amie de Tatiana, réellement de toute beauté –, un découpage efficace, de superbes vues d'ensemble avec des cadrages audacieux très réussis, en particulier ceux de la ville en feu.
À noter en fin d'album, un cahier graphique contenant plusieurs belles illustrations et un supplément historique bien utile. Un très bel album dans la collection Signé du Lombard dont on regrette qu’il n’aura pas de suite ou de spin-off car certains personnages auraient amplement mérité d’être développés et approfondis.
À l’occasion de la sortie de l’album, Filigranes et Le Lombard ont reçu les auteurs ce samedi 10 février 2018 pour une brève conférence/présentation animée par Jacques Schraûwen de la RTBF, suivie d’une séance de dédicaces dans les locaux de la librairie (39 avenue des Arts à 1040 Bruxelles).
SDJuan
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GRIMR
- Par asbl-creabulles
- Le 11/02/2018
La Saga de Grimr
Scénario : Jérémie Moreau
Dessin et Couleurs : Jérémie Moreau
Dépôt légal : Septembre 2017
Editeur :
Planches : 227
Fauve d'Or Angoulême 2018Grimr Enginsson ou la saga du fils de personne, est le récit initiatique d’un jeune orphelin islandais au 18e siècle qui essaie de se construire dans un monde où il n'a rien. Dès les premières planches, sa famille entière est anéantie par une éruption volcanique. Le ton est donc donné: le destin ne lui fera pas de cadeau.
"Je n’ai pas de nom, pas de famille, pas de terres, pas de possessions. Pour eux je ne suis personne. Mais je vais leur montrer qui je suis. Le temps d’une vie. Chacun de mes actes comme autant de pierres posées pour construire l’édifice final. Car ce qu’ils ne savent pas c’est que j’ai un volcan dans l’âme."
Grimr, rabaissé au rang de bête, traqué, puisera sa force dans le rejet. Son épopée deviendra une nouvelle saga islandaise: la saga de Grimr.
Le scénario de Jérémie Moreau est bien construit et librement inspiré par "La cloche d’Islande", un monument de la littérature islandaise.
Dans la BD, nous retrouvons l’Islande du 18e siècle appauvrie et affamée, sous le joug des danois méprisants, décrite par Laxness, prix Nobel en 1955. L’Islande est dans une misère noire, famines et épidémies se succèdent. On coupe des mains pour un bout de corde volée …
Pour conter la saga de son héros solitaire, Jérémie Moreau a travaillé à l'aquarelle, technique où on ne peut pas rajouter de lumière. Peu de textes, des mots justes et rugueux comme des pierres. L’aquarelle traduit la montagne, colle à l’histoire, renforce les ambiances rugueuses des paysages et des personnages. Les décors sont partie intégrante de l’histoire. Les expressions des personnages sont humaines, rugueuses voir caricaturales.
Il s'agit du quatrième album de Jérémie Moreau, qui a déjà reçu le prix de la BD scolaire en 2005, le prix Jeune talent au festival d'Angoulême et celui de la meilleure BD francophone en 2012 et le prix des libraires de BD en 2013.
Michel
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La COUR DES MIRACLES
- Par asbl-creabulles
- Le 08/02/2018
Tome 1 Anacréon, Roi des gueux
Scénario : Stéphane Piatzszek
Dessin : Julien Maffre
Couleurs : Laure Durandelle
Dépot légal : Le 24 janvier 2018
Editeur : Soleil Productions
Collection : Quadrants
Nombre de planches : 62Anacréon est à sa cour ce que Louis XIV est à la sienne, c’est-à-dire le Roi, à la différence près que l’entourage d’Anacréon se compose de mendiants, de voleurs, d’êtres difformes, de meurtriers et, plus généralement, de tout ce qu’il y a de plus vil dans les rues. Hormis cela, il est tout autant respecté sinon plus. En réalité, il y a une autre différence: Anacréon est le 84e roi de Thunes. Mais comme tout souverain, il ne déroge pas à la règle en ce qui concerne sa succession. Et pour reprendre sa place, qui de mieux que son propre fils? C’est pourquoi Anacréon fait le maximum pour lui donner toutes les chances d’y parvenir. Il s’efforce de le mettre en avant chaque fois que possible et de l’entourer des personnes les plus influentes. Il le place sous la protection de sa sœur, la Marquise, qui l'a toujours préservé de tous les dangers.
Mon avis: Découvrir la cour des Miracles de manière plus approfondie que l’évocation qu’en fait Victor Hugo dans son roman Notre-Dame de Paris m'a tout de suite attiré. Déjà, la couverture est très attractive en affichant le roi des bas-fonds sur son trône. Il ne s’agit plus ici du Paris des cartes postales même si le récit ouvre également une fenêtre sur la haute société. Stéphane Piatzszek nous donne parfois le vertige avec son scénario bien construit et entraînant. Bien construit car il ne cesse de nous surprendre au fil des pages qu’il s’agisse des manigances répétées d'Anacréon avec les autorités pour garder son titre de roi, de ses efforts et manœuvres pour bien s’entourer et assurer cette succession tant espérée qui n'arrivera pas ou encore des fourberies et trahisons pouvant survenir à tous moments et de toutes parts et des innombrables règlements de compte. Le scénario est entraînant car on a envie de connaître la suite au plus vite dès qu’on est plongé dans le récit.
Les dessins confiés à Julien Maffre sont nets et détaillés mais plus nerveux, plus hachurés que dans ses séries précédentes (La Banque, Stern), un style qui s’accorde parfaitement avec ce nouvel univers. Il montre autant d’aisance et de crédibilité pour représenter les ruelles malfamées de Paris du 17è siècle, les bordels, etc. que les hauts lieux, places et palais, nous offrant ainsi un bel équilibre pour mieux nous imprégner de l'histoire. Il en va de même des scènes parfois dures, parfois drôles, souvent peuplées de nombreux personnages, dont certains truculents, en tout cas tous aisément reconnaissables. Les cadrages et angles de vue variés et le découpage dynamique sont réussis haut la main et d’autant plus appréciés qu’ils rendent la lecture de cet album très agréable.
SDJuan