Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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PIERRE ROUGE PLUME NOIRE
- Par asbl-creabulles
- Le 17/03/2022
Une histoire de Hai Long Tun
Scénario : Thierry ROBIN
Dessin : Thierry ROBIN
Couleurs : Pan ZHIMING
Dépot légal : Février 2022
Editeur :
Collection : Hors collection
Format normal
ISBN : 978-2-205-08723-9
Planches : 128C’est l’histoire du siège d’un château dans la Chine médiévale : l’armée de l’empereur Ming assiège le château du roi Yang. Mais cette histoire n’est pas contée de manière ordinaire. Le conteur est un corbeau (Plume noire) et son audience est la montagne (Pierre rouge), aveugle, sur laquelle le siège se tient. On est, dès la première (double) page, captivé par le regard de ce corbeau, qui nous mène, tel un fil d’Ariane, tambour battant, jusqu’au bout du récit. Ce livre est, au départ, une commande des autorités locales chinoises à Thierry Robin, le dessinateur de Mort au Tsar et l’auteur complet de Rouge de Chine. Dans la postface, l’auteur raconte d’ailleurs la genèse de ce projet et son expérience en Chine, où il a habité plusieurs années, au moment de la réalisation de cet ouvrage.Le graphisme de Thierry Robin est séduisant avec de larges plans de paysages offerts par notre corbeau, mais également d’impressionnantes scènes de bataille, parsemées de quelques belles idées de mise en scène (par exemple la projection des ombres des soldats, pages 94 et 95). L’utilisation des contrastes offre aussi relief et lisibilité au dessin. Le cadre, la Chine médiévale, est sans doute sous-exploité dans l’offre éditoriale de bandes dessinées. Pierre rouge Plume noire trouve donc toute sa place dans la production actuelle.
Le récit est fluide et plaisant, pour autant, évidemment, que l’on apprécie les récits de batailles médiévales. Si c’est votre cas, foncez !Jean-BaptisteL
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MEZKAL
- Par asbl-creabulles
- Le 16/03/2022
Scénario : Kevan STEVENS & JEF
Dessin : JEF
Couleurs : JEF
Dépot légal : janvier 2022
Editeur : Soleil Productions
Format normal
ISBN : 978-2-302-09638-7
Nombre de pages : 186Chicago. Vananka Darmont a à peine connu son père qui a quitté la maison familiale lorsqu’il avait 4 ans. Aujourd’hui, après une nuit agitée ponctuée de cauchemars, il se rend au travail en traînant les pieds. La routine quotidienne. Mais s’il n’est pas très motivé, il n’est pas non plus très efficace ni fiable. Et ce même jour, il se fait virer sans ménagement. En rentrant, il découvre sa mère morte sur son lit d’un mélange alcool et médicaments. Il a à peine le temps de l’enterrer que l’on vient lui réclamer les dettes "familiales" qu’il ne peut évidemment pas rembourser. La maison ayant été saisie, il n’a guère d’autre choix que de partir loin avec sa guitare bon marché pour éventuellement refaire sa vie. "Faut avancer sans cesse, sinon tu crèves". Il atteint El Paso en stop et rejoint sa ville jumelle de l’autre côté de la frontière, Ciudad Juarez. Il ne s’attarde pas dans cette ville réputée la plus dangereuse au monde car son choix est simple : se buter, se faire buter ou se barrer… En route vers un ailleurs incertain, il fait la connaissance de Mateo, un gamin aveugle, et de son grand-père, un chamane, qu’il aide à charger leur pickup. Invité à manger chez eux, il fait la rencontre de Leila, d’origine indienne, à laquelle il n’est pas insensible. Au fil des jours, il se rapproche d’elle tout en donnant un bon coup de main à la ferme. Tout aurait pu aller dans le meilleur des mondes si la famille n’était pas harcelée par leur cousin Felipe et sa bande de trafiquants maffieux. D’ailleurs, peu après, Vananka toujours en quête d’un job rémunéré, croise Felipe qui lui propose un "taf" : juste conduire des camions… mais un travail qui va mener Vananka directement entre les griffes de la DEA. Vananka n’a jamais eu une vie facile, ce n’est pas aujourd’hui que cela va changer. Mon avis : Mezkal est une véritable surprise. D’abord en le feuilletant, on ne peut que se dire que l’on va en prendre plein la figure. Du coup, on espère que le scénario de Kevan Stevens est à la hauteur des images "extravagantes" que l’on vient d’entrevoir. Et c’est bien le cas. On suit le parcours hasardeux de Vananka qui va de surprises en surprises, pour la plupart mauvaises, mais qui fait aussi de nombreuses rencontres plus folles et plus impressionnantes les unes que les autres. La violence n’est jamais bien loin, peut-être un peu trop proche pour Vananka et ses nouveaux amis et des décisions doivent être prises rapidement… mais c’est bien souvent la moins pire de toutes qui est retenue. Kevan Stevens nous offre un scénario rigoureux, savamment construit qui enchaîne les scènes d’action et les passages spectaculaires, un "road movie" déjanté où il faut vraiment s’accrocher pour suivre. Assurément, on ne s’ennuie pas un seul instant.Le graphisme reflète et souligne bien ce côté délirant. Jef force le trait tout au long d’une succession effrénée d’événements souvent hyper-violents mais qui passent bien en alternance avec quelques moments plus apaisés. Les ambiances des divers lieux traversés sont bien rendues, dépaysantes et parfois caricaturées, tout comme les expressions des personnages, souvent truculentes, les allusions aux Hells Angels ou aux méchants des cartels.
Jef nous propose aussi des images plus réalistes et plus fines parfois, quelques magnifiques pleines pages enluminées aux effets quasi psychédéliques. L’ensemble est bien mis en valeur par une mise en couleurs utilisant des teintes accentuées qui claquent.
Un très bon moment de lecture et d’évasion.SDJuan
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FANG 1
- Par asbl-creabulles
- Le 14/03/2022
Tome 1 - Chasseuse de démons
Scénario : Joe KELLY
Dessin : Niko HENRICHON
Couleurs : Niko HENRICHON
Dépot légal : octobre 2021
Editeur : Les Humanoïdes Associés
Grand format
ISBN : 978-2-7316-1359-9
Nombre de pages: 64Mois après mois, les conditions de vie n’ont cessé de se dégrader au village de Stonefield dans la cité-État de Shanta’Droni. Faute d’eau en suffisance, la famine menace sérieusement les habitants partagés en humains et animaux dotés de la parole qui n’hésitent plus à se lancer dans une chasse aux sorcières. Un homme est sur le point d’être mis à mort car il serait, d’après les dires de plusieurs villageois, le démon responsable de la situation actuelle. En réalité, personne n’ose ou n’a le courage de le tuer. C’est alors qu’arrive Maître Jie qui se présente à eux comme un chasseur. Contre 50 pièces d’or, il se déclare prêt à exécuter le supposé "démon" selon le rituel établi. Alors qu’il brandit son épée pour lui trancher la tête, une petite renarde surgit et lance une chaine de fer sur l’arme, stoppant in extremis la mise à mort. "Mademoiselle Renarde" se lance alors dans un combat acharné contre "Messire Jie", le soi-disant chasseur de démons. En réalité, elle a déjà repéré le démon parmi les personnes venues assister à l’exécution. Rapidement, grâce à un sac de sel de montagne qu’elle lance en direction d’une femme, celle-ci prend l’apparence du démon tant recherché.Mon avis : Le récit nous entraîne dans un monde fantastique où sévissent des démons asiatiques et où évoluent divers personnages, tant humains qu’animaux anthropomorphes.
L’héroïne, la renarde Fang qui n’a peur de rien malgré sa petite taille, est précisément chasseuse de démons.
Personnages, dialogues, narration, on retrouve les éléments typiques d’un récit dynamique avec l’évocation de castes, la présence de guerriers de tous poils mais aussi de démons ancestraux, sans oublier les habituelles trahisons et tueries.
L’arrivée d’un ours et d’un cerf aux côtés de Fang laisse augurer d’une suite plus étonnante encore.Les dessins de Niko Henrichon qui nous a fait découvrir par le passé différents univers fantastiques – Méta-Baron, Les Lions de Bagdad – mais qui a aussi beaucoup travaillé pour le comics US, illustrent parfaitement cette aventure réunissant humains, animaux anthropomorphes et démons. Tous sont clairement identifiables, et on avance sans problème dans l’histoire. Les scènes d’actions sont spectaculaires. Tout comme les armes foudroyantes – il fallait bien ça – que cette petite renarde brandit avec force et dextérité pour venir à bout des démons impressionnants qui se cachent dans les corps d’innocents humains.
Un beau trait fin et léger, un soin tout particulier du détail sur les fourrures des animaux, les costumes, les armures, les paysages, la végétation. Une très belle couverture qui donne envie d’ouvrir cet album dont l’intérieur est tout aussi beau et élégant.
Le tout est accompagné de couleurs douces et majoritairement claires à l’aquarelle qui mettent bien en valeur le dessin.
L’album est enrichi d’un cahier de recherches graphiques et croquis de 9 pages.SDJuan
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SOLO ALPHAS
- Par asbl-creabulles
- Le 25/02/2022
Solo : Alphas
Scénario : Oscar MARTÍN
Dessin : Juan ÁLVAREZ
Couleurs : Manuel J. RODRIGUEZ, Oscar MARTÍN & Juan ÁLVAREZ
Préface : Oscar MARTÍN
Dépot légal : Janvier 2022
Editeur :
Format normal
ISBN : 978-2-413-04492-5
Nombre de pages : 80Voici l’histoire des alphas. Au terme d’une longue période de relations pacifiques, deux clans de chiens ont décidé de s’unir pour sceller leur fraternité et devenir ainsi la force brute la plus puissante du monde cannibale depuis les marais du nord jusqu’aux terres inconnues du sud. Plus puissante que n’importe quel autre clan de chiens ou que n’importe quelle autre horde, meute ou tribu d’êtres vivants. Cette union se fera par celle de leurs enfants. Étoile, la fille du chef Aurore, doit épouser Désir, le fils du chef Montagne… Mais cette union ne réjouit pas vraiment Étoile car elle est amoureuse d’Origine, le neveu d’Aurore. Aussi, lorsque les deux tourtereaux sont surpris tendrement enlacés, une bagarre éclate entre Origine et Désir. Décidé à se débarrasser une fois pour toute d’Origine, Désir et ses amis n’hésitent pas à le tabasser et le pousser dans le vide du haut d’une carrière. Et s’il ne succombe pas à sa chute, les charognards finiront bien le travail… Du moins, c’est ce que pense Désir. C’était sans compter avec l’aide inopinée de Roche, un ami et membre du clan de Montagne venu au secours d’Originie... Mais malgré l’avertissement de Roche qui l’exhorte à se sauver et changer de vie, Origine n’a plus qu’une idée en tête : prendre sa revanche en retournant chercher Étoile et fuir le plus loin possible avec elle... sauf que les choses ne vont pas se dérouler de manière aussi simple. Mon avis : Avec ce one shot, conçu comme un préquel de l’univers Solo, Oscar Martín nous propose en quelque sorte une variante de West Side Story en mode "monde cannibale".
Nous voici en plein univers post-apocalyptique comme l’auteur semble l’affectionner, au milieu des rivalités et conflits qui opposent les différentes races mais aussi au sein même d’une espèce sur fond d’un amour impossible entre deux membres issus de clans opposés.
Un récit sombre et empreint de violence, fertile en combats, laissant la part belle à l’anarchie et aux trahisons et où s’exerce une ferme volonté de suprématie de la part de certains.
Un ensemble bien dosé qui nous accroche dès le début et ne cesse de nous tenir en haleine durant tout l’album. Sans oublier cette fin en apothéose !
Du grand Oscar Martín.Juan Álvarez a réussi haut la main le concours organisé par Ominiky Ediciones pour découvrir de nouveaux talents et avoir la chance de participer à un ouvrage de l’univers Solo.
On le comprend tout de suite en parcourant l’album.
Il réalise un dessin fidèle à l’univers d’Oscar Martín, parfaitement respecté jusqu’à adopter le graphisme du créateur de la série.
On note quelques petites différences toutefois, quelques rares faiblesses aussi, mais il faut dire qu’Oscar a mis la barre tellement haut qu’on ne peut que féliciter le nouveau dessinateur pour le travail accompli sur cet univers si particulier.
Les planches sont toujours aussi dynamiques et les personnages forts de caractère, une vertu indispensable pour survivre dans ce monde, ne l’oublions pas.
Juan Álvarez vient étoffer les rangs de "l’équipe Solo" aux côtés d’Álvaro Iglesias (Solo : Chemins tracés).
Un bel album qui relance certains personnages et constitue une grande réussite à l’avantage d’une série dans laquelle on a envie de se replonger.SDJuan
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ADELIN & IRINA 3
- Par asbl-creabulles
- Le 24/02/2022
Tome 3 - La révolte des esclaves
Scénario : Nicolas VAN DE WALLE
Dessin : Nicolas VAN DE WALLE
Couleurs : Nicolas VAN DE WALLE
Couleurs de la couverture : USAGI
Dépot légal : janvier 2022
Editeur :
Format normal
ISBN : 978-2-931027-45-5
Nombre de pages : 64Empire des amazones. C’est l’effervescence à la veille de l'anniversaire de la toute jeune Impératrix Gazolba III qui va célébrer ses 11 ans. La capitale est en liesse. Les touristes venus en nombre ont même le privilège d'assister à une exécution capitale, celle de Dame Ysyldra, la ministre des finances de l'impératrix, accusée de vol dans les caisses de l’État. En pleine préparation du grand événement, on vient annoncer une mauvaise nouvelle à l’impératrix. Et cela risque bien de troubler les festivités. Un groupe d’amazone projette d’organiser une manifestation pour protester contre les mauvaises conditions de travail des ouvriers-esclaves occupés sur le chantier du nouveau palais impérial. Mais il y a pire encore. La baronne Ulcéra et ses "vierges de fer" fomentent un coup d’État. Elles comptent bien faire tomber le pouvoir en place pour en instaurer un nouveau plus fidèle aux traditions et bien plus ferme qui fera revenir sur le devant de la scène la grandeur et la puissance d'antan et le respect qu'elles inspiraient et qu'elles méritent. Sans oublier ce jeûne imposé à tous les esclaves qui ne va avoir l’effet escompté…Mon avis : On retrouve avec plaisir l’univers de fantasy et d’humour que nous propose Nicolas Van de Walle, alias Nico.
Les hommes sont devenus esclaves ou aspirent ouvertement à le devenir au service de femmes arborant les stéréotypes de la femme fatale.
Nico réinterprète les relations homme-femme d’une manière plaisante, souvent caricaturale, en tout cas drôle et efficace.
Les références ne manquent pas, chacun y trouvera ce qu’il veut, d’autant que son scénario est souvent en prise avec l’actualité et le quotidien et qu’il joue facilement sur les mots pour le plus grand plaisir du lecteur. Cela donne lieu à de nombreuses situations hors du commun (à l’image de la décision de priver les esclaves de poulet qui va déclencher une révolte) et à une succession de péripéties et rebondissements largement teintés de burlesque et agrémentés de scènes de combat très animées où évolue une galerie de personnages volontairement exagérés. L’ensemble est bien représenté ou décrit mais également bien dessiné. En effet, Nicolas Van de Walle nous propose des cases et des pages particulièrement fournies et détaillées.
Les personnages – y compris et surtout les amazones – sont fortement caricaturés dans leur silhouette, leurs expressions et tenues diverses – classiques, à la grecque antique, en armure et même en costume sexy d’allure sado-maso – collant tout à fait au scénario.
Un dessin d’humour réussi avec beaucoup d’effets visuels, notamment avec les couleurs, pour un bon moment de lecture. Ce tome 3 vient compléter les deux premiers albums publiés en auto-édition en 2018 (Le complot des Capes Noires) et 2019 (L’épée de la domination) qui ont fait l’objet d’une réédition en 2020 et 2021 dans le même habillage avec dos rouge aux Éditions du Tiroir. -
JACQUES MARTIN, LE VOYAGEUR DU TEMPS
- Par asbl-creabulles
- Le 17/02/2022
2021 . Jacques Martin, le voyageur du temps
Scénario :Gaumer, Patrick GAUMER
Dessin : Jacques MARTIN
Dépot légal : novembre 2021
Editeur : Casterman
Format : 22.8 x 30.4 cm
ISBN : 978-2-203-13688-5
Nombre de pages : 416Je viens de terminer cette brique de 416 pages.
Je félicite l’auteur car ce ne devait pas être évident de caser le parcours de ce grand artiste aux multiples idées et personnages.
C’est sans doute pour cela que ce livre n’est pas sans défauts.
Il aurait sans doute fallu le double de pages pour avoir une monographie prestigieuse tant l’œuvre est riche.
Ainsi, il n’y a pas de sommaire, de bibliographie, de portraits de tous les collaborateurs de Jacques Martin…
Parfois dans les notes sur les albums d’une série viennent se glisser des éléments antérieurs plus biographiques.
Mais qu’à cela ne tienne, ce livre est une mine riche de documents, de surprises comme quelques collaborations inattendues dans les albums des divers auteurs de bande dessinée surtout quand Martin était au studio Hergé. Ce livre se découpe en 6 chapitres.
Les premiers sont très agréables à lire.
On y découvre les débuts du jeune dessinateur (illustrations médiévales, bandes humoristiques…)
Très loin du dessin réaliste qui va prendre forme dès l’entrée au journal Tintin.
Je vous laisse découvrir ces pages passionnantes.
Jacques Martin a fait partie des Studios Hergé de 1954 à 1975 et c’est une autre partie très intéressante.
Autant il collaborait aux aventures du célèbre reporter, autant l’équipe de coloristes s’occupait aussi de ses propres albums.
Vous apprendrez beaucoup d’anecdotes.Aussi pourquoi Jacobs et Martin maintenaient une certaine distance.
La vie du journal Tintin était aussi importante pour tous ces dessinateurs et les griefs entre Martin et Guy Leblanc (directeur des publications au Lombard) étaient nombreux.
Mais le dessinateur d’Alix confie que Paul Cuvelier était un grand ami pour lui.
Il se veut que j’aie rencontré Jacques Martin dans son magasin/atelier, place Flagey, en 1976-77 et, à cette époque, j’avais déjà rendu plusieurs fois visite à Paul, rue Bouré, et une amitié prenait forme. D’où mon étonnement en entendant M. Martin à qui j’avais raconté mes visites chez Paul, que celui-ci était pour lui comme un élève qui lui devait presque tout. Je pensais plutôt le contraire. Mais passons.
Il est vrai que Martin était un scénariste hors pair, ce que ne pouvait pas être Paul qui vivait uniquement pour le trait exhalant la beauté humaine, animale. La beauté du vivant. Les deux derniers chapitres se consacrent à tous les héros que notre dessinateur ne cessait de créer sans parler des collections historiques…
M. Patrick Gaumer devait être entouré, noyé peut-être d’une multitude de documents et d’informations sur tous ces scénarios, personnages, dessinateurs et c’est sans doute la raison d’avoir l’impression de lire des notes qui se suivent apportant des infos successives jusqu’aux dernières années toujours riches de nouvelles idées.
Mais plutôt que de se perdre dans un imbroglio de pistes, il fallait peut-être mieux adopter cette méthode.
Jacques Martin, jusqu’à la fin de ses jours avait toujours le cerveau en effervescence et contrôlait tout. Parfois au dépit de ces dessinateurs (ce n’est pas dans le livre mais entendu chez des amateurs). Personne n’aurait osé lui dire pour ces dernières années de privilégier peut-être la qualité à la quantité…
Aujourd’hui encore, rares sont les albums de grande qualité présents dans ceux qui continuent à paraître.
Ils maintiennent la vie des personnages oui, mais est-ce suffisant ?
Mais la période d’or restera éternelle. Et c’est le plus important.
Les premiers Alix et les premiers Lefranc apporteront toujours des heures de lecture passionnantes aux jeunes lecteurs qui auront la curiosité de les ouvrir.
S’ils ne sont pas tous plongés dans les mangas qui se vendent par millions…SDJuan
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CONAN LE CIMMÉRIEN 13
- Par asbl-creabulles
- Le 16/02/2022
Tome 13 - Xuthal la Crépusculaire
Scénario : Christophe BEC
Dessin : Stevan SUBIC
Couleurs : Giulia BRUSCO
Aidés de Patrice LOUINET et David DEMARET
Adapté de l'oeuvre de Robert E. HOWARD
Dépot légal : Janvier 2022
Editeur :
Grand format
ISBN : 978-2-344-03581-8
Nombre de pages : 60Alors qu’ils accompagnent la horde du prince Almuric face à l’armée stygienne, Conan et l’ancienne esclave Natala ne sont qu’au début de leurs mésaventures. Après la sévère défaite subie par des troupes princières littéralement anéanties, Conan et Natala n’ont d’autre solution que la fuite à travers le désert du Sud. Mais se déplaçant à pied, ils ont vite conscience qu’ils ne tiendront pas longtemps sans eau ni nourriture… Alors que Conan est sur le point d’abréger d’un simple coup d’épée les souffrances de Natala, il aperçoit un point lumineux au loin. Encouragé par la vision d’une cité en plein désert et l’espoir de survivre, Conan, bien qu’épuisé, retrouve cette force qui lui a fait traverser tant de contrées barbares. Il soulève Natala pour la porter à bout de bras jusqu’aux portes de Xuthal. Si Natala se montre réticente, craignant de trouver des habitants hostiles dans cette cité inconnue, Conan sait que c’est là que se trouve leur seule chance de salut, quitte à se battre s’il le faut. De fait, les ennuis vont rapidement les rattraper. Comme ce point d’eau qui leur semble si près et pourtant inaccessible. Comme cet homme à la peau jaune et aux yeux bridés qu’ils croyaient mort mais qui se redresse soudain et se jette sur eux épée à la main. Conan a vite fait de régler ce problème d’un seul coup d’épée comme il en a l’habitude. Plus loin dans la cité, ils découvrent un festin de victuailles de toutes sortes. Est-ce un piège ? Les aliments sont-ils empoisonnés ? Mais ils ont trop faim pour résister à la tentation. Comme le dit Conan : "Je préfère mourir empoisonné que de faim ou de soif". Rassasiés, Conan propose à Natala de prendre un peu de repos mais celle-ci est inquiète. La cité est maléfique, elle le sent… Ayant entendu un bruit, Conan et Natala s’approchent d’une pièce sombre où ils aperçoivent un homme étendu sur un baldaquin, identique à celui que Conan a tué dehors. Soudain l’ombre gigantesque d’une mystérieuse créature surgie de nulle part apparaît sur un mur. L’énorme tache noire englobe le baldaquin et lorsqu’elle se retire le corps de l’homme a disparu, laissant une simple giclée de sang. Plus loin, ils tombent sur un troisième homme, identique aux deux premiers… Effrayés ils décident de fuir la cité. Mais d’autres êtres et créatures vont tout faire pour les retenir de force. Mon avis: Reprenant le récit paru en 1933 sous le titre The Slithering Shadow (mot à mot, L’ombre rampante) également connu sous le titre Xuthal of the Dusk, publié en VF en 1972 sous le titre L’ombre de Xuthal, il s’agit bien ici d’une nouvelle pépite dans cette série Conan le Cimmérien qui reprend les meilleures nouvelles du génial auteur Robert E. Howard.
Chargé de faire l’adaptation du texte d’Howard, Christophe Bec nous propose une intrigue des plus prenantes où la violence et la peur sont omniprésentes.
Son scénario restitue parfaitement le côté sombre et l’atmosphère angoissante du récit originel.
Il maîtrise parfaitement le sujet au profit d’une narration captivante de bout en bout… grâce également au fabuleux travail effectué par le serbe Stevan Subic, comme en témoigne leur précédente collaboration sur Tarzan (voir chronique ici).
Subic nous régale une nouvelle fois d’un dessin impressionnant et bien maîtrisé.
On retrouve un trait et un encrage marqués venant souligner le côté sombre du récit, une mise en page dynamique quasi cinématographique, des scènes de combats toujours aussi spectaculaires insistant sur la brutalité, la violence des événements, une galerie de personnages éloquents, un ensemble de décors saisissants, des arrière-plans mystérieux, bien mis en avant dans la version N&B également. La version couleur de Giulia Brusco offre une lecture claire et très réaliste restituant bien les différentes ambiances et atmosphères des divers lieux ou situations.Un album de haute qualité.SDJuan
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BERNARD PRINCE chez BLACK & WHITE 2
- Par asbl-creabulles
- Le 09/02/2022
INTTL2 .
Scénario : GREG
Dessin : HERMANN
Couleurs : <N&B>
Dépot légal : juillet 2021
Editeur : Black & White
Collection : Noir pur
Grand format
ISBN : 978-2-383-63000-5
Planches : 376Avec ce deuxième tome grand format des aventures de Bernard Prince en noir et blanc dans la collection NOIR PUR, c’est l’intégralité que possède le bienheureux acheteur.
Je ne peux que féliciter encore une fois Raphaël Wacker et ses Éditions Black & White pour la réalisation de ce somptueux album.Un dossier d’introduction présente sur papier mat très épais quelques pages des premières histoires courtes de Bernard Prince en parallèle de celles de Bob Francval, personnage inventé par Greg en 1958 pour le magazine IMA, l’ami des jeunes et dessiné par Louis Haché.
Le texte dans les bulles est identique mais Hermann présente une composition et un contenu des cases avec de nettes différences.
Ensuite, Pierre Guillot présente un court portrait du dessinateur agrémenté d’interventions de celui-ci extraites de différentes sources notifiées en fin d’album (il est à retenir que c’est le même procédé qui présente chaque aventure).
Quelques illustrations couleurs, noir et blanc puis arrive la page de titre avec au verso les indications de tirage, le numéro et la signature.
Un tiré à part et deux offset couleurs complètent le tout.
Voici maintenant une brève présentation des aventures et quelques réflexions personnelles:1. 7 histoires courtes, 1966.
Hermann avait 28 ans quand il dessinait ses premières aventures d’un inspecteur d’Interpol accompagné de son pupille Djinn.
C’était le genre d’histoires complètes que l’on pouvait trouver dans les magazines BD de l’époque en supplément des histoires à suivre.
Des truands et une enquête rapidement menée par un inspecteur infaillible et souvent aidé par Djinn.
Parfois on pourrait penser à Bob MORANE (voir la planche 2 du récit Opération "jeunes mariés"), les amateurs comprendront.
Greg écrit de petits scénarios efficaces et si le dessin d’Hermann est encore brut et influencé, il est déjà très animé et riche de détails.
Et cette collection NOIR PUR trouve tout son sens pour le rendu des traits et des aplats du noir dont je suis un grand amateur.
Surtout sur un papier très légèrement satiné pour un meilleur effet encore.2. Le Général Satan, 1967.
C’est le titre de l’album qui reprenait, avant le récit nommé ci-dessus, Les Pirates du Lokanga (23 pages).
Prince, ayant reçu un petit yacht en héritage, décide de mener une vie de marin en transportant des marchandises sur le Cormoran.
Nous le retrouvons avec Djinn faisant escale dans un petit port d’Afrique.
La dernière case de la page 1 nous présente d’une façon renversante un personnage qui deviendra peut-être le préféré des lecteurs, le dénommé Barney Jordan!
Qui vient de se battre avec le vilain Bronzen.
La jolie Burma demande l’aide de Prince pour récupérer des caisses contenues dans un avion tombé dans la jungle au bord d’un fleuve. Barney est embauché.
Mais Bronzen veut aussi les caisses.
Si les premières pages nous présentent encore des personnages proches des courtes histoires précédentes, un changement s’opère indubitablement.
Certaines planches au service de l’histoire s’admirent également pour elles-mêmes.
Les traits s’affinent. Tous les détails se précisent encore plus. Des atmosphères se créent.
Et avec Le Général Satan, l’histoire suivante, si Prince se cherche encore, d’autres sont déjà bien présents en chair et en os tel le major Li ou en graisse tel le Général. Avec lui, Hermann a créé un personnage irréprochable, son visage, ses traits, sa corpulence, son attitude. Il est vraiment très impressionnant et ce n’est pourtant qu’un personnage dessiné.
Ce pirate est accompagné de Lotus pourpre, femme au visage de toute beauté.
Nos trois amis doivent éviter toutes les embuscades de Satan pour amener du ravitaillement à un fort perché sur des rochers à front de mer.3. Tonnerre sur Coronado, 1967.
Cette fois, c’est un récit de 44 planches.
Le trait d’Hermann devient somptueux. Il manie le pinceau avec dextérité. Il y a encore parfois des imperfections comme le Prince de la page 4, case 9.
Greg nous présente un scénario plus classique. On retrouve Bronzen en riche éleveur qui s’approprie toutes les terres des pauvres paysans.
Il vit dans un décor moderne et luxueux qu’on retrouvera plus tard dans certains intérieurs des aventures de Jeremiah.
Il s’est entouré d’une milice qu’il dirige tel un SS.
Hermann ne s’est pas gêné pour lui offrir un costume très significatif.
Prince va évidemment offrir son aide aux rebelles et Barney va se mesurer à El Lobo, personnage d’une truculence inouïe.
Les qualités d’Hermann se précisent : nous offrir des personnages d’une présence incroyable qui marqueront le lecteur à tout jamais. Jordan, Satan, Bronzen, El Lobo. Ça ne fait que commencer.
C’est la première qualité, la deuxième arrive et c’est la plus mémorable car il est le seul, je trouve à réussir cet exploit.4. Aventure à Manhattan, 1968.
Ou comment et pourquoi Barney Jordan devient le sosie de son excellence Aloysus Gerdelsohn, expert des tapisseries boslaviennes pour quelques jours dans la ville de New York enneigée?
Aventure à l’humour très présent où Prince renouera avec quelques connaissances du temps d’Interpol.
La couverture originale de cet album est pour moi une œuvre d’art aussi iconique que celle de La Marque jaune.
La case d’introduction est aussi de toute beauté.
Barney est évidemment à l’honneur dans cet album et son sosie lui est très semblable de caractère finalement. Était-ce prévu où est-ce venu naturellement?
Les personnages prennent de l’épaisseur.
La symbiose scénariste/dessinateur est parfaite.
Ils sont prêts pour la grande aventure…5. L’Oasis en flammes, 1969.
Le premier des meilleurs récits de Bernard Prince et d’aventure tout court.
Nos trois amis vont se retrouver dans le désert pour apporter des médicaments aux victimes innocentes de conflits.
Oui je sais, ils sont rarement en mer nos marins et le Cormoran les amène souvent juste à quai d’une nouvelle aventure.
Il faudra encore attendre un peu pour se mouiller.
Le deuxième atout sort de la manche d’Hermann : sa représentation du monde minéral, végétal… et des éléments naturels. Et toujours ces personnages si emblématiques, ici Rahad Sadji qu’on dirait sorti d’une BD de Tintin nourrie aux stéroïdes.
Mais le clou (plutôt les clous) du spectacle sont l’incendie d’un camp des gredins et surtout la tempête de sable.
Hermann est le seul, oui le seul à nous représenter cette force des éléments avec de l’encre, des pinceaux et du papier.6. La Loi de l’ouragan, 1970.Et ça continue…
Superbe case en clair-obscur pour introduire une aventure encore plus forte que la précédente.
El Lobo est de retour. Encore plus impressionnant. Hermann en fait un colosse surhumain et on y croit, tellement son talent sert le personnage.
Il a gagné au jeu le tiers d’une affaire de pêcherie perlière.
Mais il faut convaincre les deux autres tiers et surtout les autochtones.
Et se débarrasser de la créature monstrueuse qui hante les eaux marines.
Elle est férocement vorace.
Les scènes marines où elle attaque sont d’une beauté cinématographique. Du jamais vu en BD. Et comme si ça ne suffisait pas, l’ouragan arrive sur l’île. Il détruit tout! Il arrache les palmiers, élimine la fragilité humaine.
Hermann dessine ces scènes de déchaînements naturels avec une aisance divine.
Seul le noir et blanc peut montrer la force et la justesse de son travail.
Et il nous réserve encore quelques surprises dans des récits ultérieurs mais je pense quand même que cet impact si puissant sur les yeux et le ressenti du lecteur est servi par l’instrument utilisé qui est le pinceau.7. 6 histoires courtes, 1969 - 1978.
Elles viennent de Tintin Sélection, Tintin Spécial.
La plus intéressante est peut-être celle qui raconte un épisode de Barney sur une vedette lance-torpilles pendant la guerre du Pacifique. (Malheureusement, les originaux ne devaient plus être disponibles).
L’intérêt vient aussi de voir en 10 ans l’évolution de Bernard Prince qui, de véritable gravure de mode à la beauté insolente et d’un physique très élancé, semble rapetisser et annoncer Jeremiah
Mais le plus important reste qu’en ce temps-là, il y avait un scénariste et un dessinateur qui pouvaient emmener leurs lecteurs dans des aventures inoubliables.
Mais c’était une autre époque, mon bon monsieur…
Et pour terminer, il est intéressant de réfléchir sur le passage du pinceau au "rotring" qui a certes de nombreuses qualités mais est-il aussi sensuel ?Des truands s’emparent du Cormoran pour s’en servir comme base pour le lancement d’un acide dans la piscine d’un riche rival.
Prince s’échappe.
Aidé d’un jeune motard, parviendra t’il à franchir tous les obstacles pour éviter une catastrophe?
À la parution de cet album, je n’aimais pas beaucoup cette histoire.
Ici en noir et blanc, je l’apprécie mieux. Les effets de certaines planches sont fantastiques et si Hermann ne développe pas les scènes naturelles il crée par contre un rythme trépidant dans l’enchaînement des cases et de l’action servi évidemment par un scénario percutant.Ce n’est pas fini.
Avec l’édition Luxe présentée sous coffret de ce livre de 376 pages il y a aussi…Les Trésors de Bernard Prince.136 pages de fac-similés des planches et des illustrations couleurs des aventures citées ci-dessus mais aussi du premier volume étrangement.
Avec un tiré à part imprimé aux encres pigmentaires, numéroté et signé par Hermann. Le rendu des couleurs est remarquable.
J’y ai découvert 3 petites planches muettes tout à fait inédites pour moi qui datent de la jeunesse d’Hermann.
Ainsi que 2 planches de Valéry Valériane déjà sur scénario de Greg. Personnage destiné à Pilote mais refusé par Goscinny. Détail amusant, l’intitulé sur la planche semble être Valérie Valériane.
2 planches muettes pour Prince refusées par Greg où Djinn était plus âgé.
3 histoires courtes complètes qui ont été refusées encore par Greg et qu’Hermann a redessiné entièrement. (Je dois encore comparer les deux versions).Après, toute une sélection de fac-similés est présentée. 3 histoires courtes sont encore présentes entièrement.
Il y a aussi quelques illustrations couleurs des couvertures des rééditions.
Ainsi, on peut voir une murène à la gueule très bizarre et plutôt placide. Rien à voir avec l’originale dont la planche est en regard… est-ce pour bien montrer la différence ?J’applaudis encore une fois les Éditions Black & White.
Seul bémol déjà signalé : les agrandissements de cases souvent rognées ou cachées par le pli central.
Et une question pour terminer.
Pourquoi ce numéro 2 présente les premiers récits et le numéro 1, les derniers ?
Mais c’est juste pour taquiner l’éditeur car je suis toujours absolument ravi et satisfait de ces belles éditions.M.Destrée