JUAN GIMENEZ EMPORTÉ PAR LE COVID-19
Ce 3 avril 2020, le célèbre artiste et dessinateur d’origine argentine Juan GIMÉNEZ est décédé à Mendoza, sa ville natale, emporté par l’épidémie de Covid-19 à l’âge de 76 ans. Il avait été admis aux soins intensifs de l’Hôpital Central le 22 mars car bien que résidant en Espagne, il avait décidé de quitter la Catalogne pour rentrer dans sa ville natale début mars.
Né le 16 novembre 1943, Juan Giménez a cultivé très tôt en autodidacte sa passion pour le dessin même s’il suivra plus tard une formation à la mécanique de précision et au dessin industriel à la Faculté d’ingénierie UNCuyo de Mendoza puis à l’Académie des Beaux-Arts de Barcelone. Gamin, il s’amuse à recopier les couvertures des livres de poche arrivés d’Espagne et des magazines américains et dessine aussi des séquences de films qui l’ont impressionné. A 16 ans, il publie ses premiers dessins dans des revues argentines comme Hora Cero (avec l’aide de Victor Hugo Arias) publiée par Frontera, ou Misterix tout en réalisant des storyboards publicitaires et en travaillant pour la presse. Dans les années 1970, il se tourne davantage vers la BD en réalisant des histoires courtes pour la revue Skorpio (publiée chez l’éditeur argentin Record), notamment "El extraño juicio a Roy Ely" et surtout "As de Pique", une série de guerre tirée d'un scénario de Ricardo Barreiro qui va attirer l'attention des éditeurs en Europe (la série sera publiée en Espagne sous forme d’albums par Toutain Editor à partir de 1988). Il quitte alors l’Argentine pour l’Europe où il commence à travailler pour des éditeurs italiens, espagnols et français. C'est dans les revues espagnoles "1984" et "Comix Internacional" de Toutain Editor qu'il développe les séries qui vont lui ouvrir les portes de l'Europe: War III (1981), Ciudad (1982) ou Cuestión de tiempo (1982).
Ses premiers albums viennent confirmer son penchant pour la fantasy et la science-fiction: en 1981, Factor Límite (Vilán) en Espagne et le one-shot L'Étoile noire (Glénat) en France, penchant qui se confirme ensuite avec les one-shots Mutante (Albin Michel, 1985), Gangrène sur un scénario de Carlos Trillo (Comics USA, 1987) et Titania (Albin Michel, 1987) ou les séries Léo Roa (deux tomes chez Dargaud puis Humanoïdes Associés de 1988 à 1991), Le Quatrième pouvoir (quatre tomes chez Dargaud puis Humanoïdes Associés de 1989 à 2008) et Le Regard de l’Apocalypse (Bagheera, 1991) sur un scénario de l’italien Roberto dal Pra’.
Ce qui a surtout contribué à faire connaître Juan Giménez, c'est sans aucun doute son travail sur le film d'animation canadien "Métal Hurlant" (Heavy Metal) sorti en 1981, sorte d’hommage à la BD combinant bande dessinée et musique rock (la bande originale du film avec des chansons de Black Sabbath, Cheap Trick, Journey et Devo entre autres en a fait un chef-d'œuvre). Juan Giménez a participé à la séquence intitulée "Harry Canyon". Côté BD, c’est la série "La Caste des Méta-Barons" (huit volumes parus de 1992 à 2004, plus un hors-série, des intégrales, des suppléments) sur un scénario du chilien Alejandro Jodorowsky qui a constitué un jalon important de sa carrière et confirmé sa notoriété. Chaque épisode de cette série, qui reprend le personnage du Méta-Baron de la série l'Incal-Une aventure de John Difool créée par Alexandro Jodorowsky et dessinée par Moebius, raconte l'histoires des différents ancêtres du Méta-baron.
Illustrateur hors pair, Juan Giménez a également été très sollicité pour des couvertures de romans, pochettes de disques, story-boards pour le cinéma et même des jeux vidéo. Son travail a été réuni dans divers artbooks, notamment Arkhânes en 1994 (Éd. La Sirène), Overload en 1999 (Soleil) ou L’Univers de Juan Giménez en 2002 (Éd. La Sirène).
Parmi ses derniers travaux, citons: "Moi, Dragon" un album paru en 2010 chez Le Lombard suivi d’une intégrale chez Glénat en 2015 (reprenant le premier tome complété par les deux tomes parus sous le titre espagnol Yo, Dragón chez Norma Editorial); "La dernière vie", deux albums publiés chez Le Lombard en 2011; enfin, "Segments" une série de science-fiction en trois tomes sur un scénario de Richard Malka chez Glénat.
Qualifié de meilleur dessinateur de science-fiction, Juan Giménez aura marqué son époque par son style, un habile mélange de réalisme, d’épique et de futurisme. Il a été à maintes reprises honoré tout au long de sa carrière. Dès 1984, il est plébiscité par les lecteurs des revues espagnoles "1984" et "Comix Internacional" qui le désignent comme "el mejor dibujante del mundo" (le meilleur dessinateur au monde) en 1983, 84, 85 et 1990. Cette même année 1984, il reçoit également le prix Gaudi du meilleur dessinateur à la Feria Internacional del Comics de Barcelone ainsi que le Prix Yellow-Kid du dessinateur étranger pour l’ensemble de son œuvre au Salon international de la BD de Lucques en Toscane (Italie). En 1994, il reçoit la Bulle d’Or pour l’ensemble de son œuvre au Festival de la Bulle d’Or de Brignais (France). En 2000, l’Italie l’honore une nouvelle fois en lui décernant le Prix Micheluzzi de la meilleure bande dessinée pour La Caste des Méta-Barons lors du festival de Naples (Napoli Comicon).
En 2014, la ville de Mendoza le fait citoyen d’honneur de la ville.Ses œuvres ont été exposées à Paris au Centre Pompidou en 1997. Fin 2019, la Galerie Daniel Maghen a exposé à Paris près de 120 planches, illustrations et couvertures originales conservées par l’artiste.
FPatrick & SDJuan
Date de dernière mise à jour : 04/04/2020
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