BERCK NOUS A QUITTÉS

Photo Robin Schouten

Le dessinateur et scénariste BERCK est décédé dans la nuit du 27 au 28 décembre 2020 à l’âge de 91 ans. Il a rejoint le panthéon des auteurs qui nous ont quittés.ARTHUR BERCKMANS, plus connu sous son pseudo d’auteur BERCK, est né le 3 mai 1929 à Louvain. Très jeune, il voue une passion particulière pour la BD américaine. Il fait même un essai en parodiant la biographie d’Hitler mais la guerre en décidera autrement et l’obligera à tout détruire. La paix revenue, il étudie le dessin à l’Académie des Beaux-Arts de Louvain et à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles. Mais au lieu de se tourner vers l’architecture comme l’espéraient ses parents, à 18 ans il débute sa carrière de dessinateur/illustrateur pour la revue religieuse Pro Apostolis publiée par le couvent des Jésuites de Louvain dans laquelle il relate la vie des Saints en bande dessinée. Il y travaillera jusqu’en 1952 et continuera quelques années encore, jusqu’en 1956, à illustrer divers ouvrages produits par les Jésuites. Il travaillera aussi pour la presse catholique et obtiendra un contrat d’illustration d’ouvrages pour enfants auprès d’un éditeur anversois. Parallèlement, il envoie plusieurs projets à la rédaction du Journal de Tintin, d’abord sans succès, chaque refus étant toutefois pour lui l’occasion d’améliorer sa maîtrise du dessin.En 1957, il obtient un contrat auprès du nouveau bureau publicitaire "PubliArt" des éditions Le Lombard, dirigé par Guy Dessicy (entre autres coloriste des Aventures de Tintin d’Hergé mais aussi de nombreuses publications du Journal Tintin et fondateur du Centre belge de la bande dessinée inauguré en 1989) où Jean Graton travaille à mi-temps. C’est là que sa carrière va réellement prendre son envol. S’il remplace parfois ce dernier à la mise en couleurs de planches pour les magazines Line et Tintin, il met surtout à profit son expertise et ses conseils pour se perfectionner. Il réalise des strips et divers albums publicitaires pour PubliArt (citons notamment "Le Cheik aux porteurs" réalisé en 1960 et prépublié dans Tintin avant de paraître en album). En 1958, il propose un projet de personnage de chauffeur de taxi parisien nommé Strapontin dont les aventures seront scénarisées par René Goscinny et Jacques Acar. D’autres personnages et séries vont également naître dans Le journal de Tintin comme Rataplan (l’histoire d’un jeune tambour napoléonien et d’un grognard), Viva Panchico, Ken Krom (un pastiche de James Bond) ou Lady Bound, tous avec Yves Duval au scénario.

Après des essais peu probants au magazine Pilote en 1963, Berck rejoint le groupe Dupuis en 1967 et, par conséquent, le magazine Spirou, mais il choisit de s’orienter davantage vers les marchés belge néerlandophone et néerlandais. Il va ainsi régulièrement collaborer (et ce jusqu’en 1976) aux hebdomadaires éducatifs du groupe éditorial Averbode Zonnekind et Zonneland (certains épisodes étant repris dans leurs équivalents français Dorémi et Tremplin). En 1969, il s'associe avec le scénariste Daniel Jansens pour lancer en strip quotidien le géant préhistorique "Lombok" dans le quotidien belge Gazet Van Antwerpen (paru sous le titre "Les Aventures de Lombock" en deux tomes chez Bedescope en 1979) puis pour l'hebdomadaire hollandais Eppo, les séries "De Donderpadjes" ("La Patrouille des Astucieux", une histoire de scouts dont il réalisera quatre épisodes de 1971 à 1974) et de 1975 à 1983 "Lowietje", les aventures d’un petit garçon orphelin et riche héritier (devenu "Lou" dans sa version française publiée dans le magazine Spirou qui ne reprend que les six premiers épisodes seulement, une série dont Raoul Cauvin a repris anonymement le scénario à partir du deuxième épisode, ensuite publiée en albums à partir de 1979 successivement chez Dupuis, Soleil, Jourdan et La Vache qui Médite). Berck a également travaillé sur une série de SF humoristique intitulée "Misha" pour le marché allemand à cette époque.En français, pour les éditions Dupuis et le Journal de Spirou, Berck dessine à partir de 1968 les aventures du capitaine Mulligan et de son remorqueur dans le port de New York, sur un scénario d’Yvan Delporte et Raymond Macherot. Mais à mes yeux, la série qui m’a fait découvrir son immense talent de dessinateur méthodique et précis, c’est bien la série humoristique Sammy racontant les aventures de deux sympathiques "gorilles", Sammy Day et son patron Jack Attaway tenant une agence de gardes du corps à Chicago à l’époque de la prohibition, une série qui apparaît dans le Journal de Spirou en mars 1970. Berck sera le dessinateur sur 31 albums de 1970 à 1994, année où il décide de prendre sa retraite et de passer la main à Jean-Pol, jusqu’à l’arrêt de la série au tome 40 en avril 2009.

Une biographie très riche et variée, une très belle carrière pour cet auteur accessible et aimable avec tout le monde. J’ai pu échanger quelques mots en français mais aussi en espagnol lors d’événements BD en librairie qui lui ont donné l’occasion de rencontrer son public grâce à la maison d’édition "La Vache qui Médite" qui a publié en français les quatre derniers épisodes de "Lou" ainsi que d’autres séries comme "La Patrouille des Astucieux" ou "Mulligan".Berck a reçu deux prix Saint-Michel, en 1973 le Prix du Meilleur dessinateur humoristique pour Rhum Row (tome 2 de la série Sammy) et en 1975, celui du Meilleur dessin humoristique pour Les Gorilles font les fous (tome 6 de la série Sammy). En 1985, il a également reçu un Adhémar de bronze (Bronzen Adhemar) pour Sammy et Lowietje lors du festival Strip Turnhout [issu du Prix Ciso du nom de l’organisation visant à valoriser la BD flamande, puis renommé Prix Stripgids (Stripgidsprijs) en 1977, le nom actuel Adhémar de bronze (Bronzen Adhemar) désigne le trophée en forme de statuette d'Adhémar, le fils de Néron, personnage célèbre de Marc Sleen.]

Toutes nos pensées vont à sa famille et à ses proches.

FPatrick & SDJuan