NOUS AURONS TOUJOURS 20 ANS
- Par asbl-creabulles
- Le 04/10/2020
Scénario : Jaime MARTÍN
Dessin : Jaime MARTÍN
Couleurs : Jaime MARTÍN
Dépot légal : Septembre 2020
Editeur :
Collection : Aire Libre
ISBN : 979-10-34742-94-3
Nombre de pages : 152
La mort de Franco le 20 novembre 1975 a été un événement marquant pour le peuple espagnol, en tout cas les adultes car les enfants comme Jaime Martín (qui n'avait que 9 ans à l’époque) y ont certainement été moins sensibles. Ce fut donc un grand jour pour la famille qui s'était réunie pour l'occasion, même si les grands-parents savaient que la transition démocratique et la marche vers la liberté ne se feraient pas en un jour. Mais à l’âge de Jaime, on est souvent insouciant et indifférent aux problèmes des adultes. Si Jaime a souvent entendu parler de Franco, il trouve son bonheur chez sa tante Catalina qui vit au bout de la rue. Une véritable caverne d’Ali baba où il peut lire tranquillement des magazines et des BD. Cette année-là, faute de place à l’école publique, il est obligé avec José Maria, l’un de ses petits frères, d’entrer dans une institution religieuse et d’y suivre une éducation catholique plutôt stricte, ce qui ne l’empêchera pas de s’y faire de bons copains. Jaime s’adonne déjà au dessin et aime ça. Ayant découvert qu’il aidait ses camarades de classe en dessinant à leur place, le père Albert lui passe commande d’une illustration pour célébrer la Semaine sainte. Pour Jaime, cette première incursion officielle dans l’univers du dessin a sans aucun doute confirmé son désir de devenir peintre. Le retour à l’école publique sera l’occasion de vivre une adolescence faite de découvertes, de défis, de bouleversements mais surtout d’une richesse et d’une variété jusqu’ici inimaginables : les fêtes du parti communiste, la violence dans les rues, les élections, les concerts et vinyles de Hard Rock, l’abondance d’informations de toutes sortes, la découverte hallucinante des magazines Métal Hurlant et Creepy et les premières attaches avec la bande dessinée (qui depuis ne l'a plus quitté), notamment les premiers travaux pour la revue périodique El Vibora, sa complicité avec Josep Maria Beà, les filles évidemment … et tout cela pendant que l’Espagne s'engage lentement mais sûrement sur la voie de la démocratie libérale.Mon avis : "Nous aurons toujours 20 ans" est le dernier tome d'une trilogie racontant l’histoire de la famille de Jaime Martín sur une période allant du coup d’État de Franco en juillet 1936 et de la guerre civile (1936-39) qui a instauré sa dictature (1939-1977) jusqu’à notre époque. Dans le premier tome "Les Guerres Silencieuses" (2013), Jaime s’est appuyé sur le journal de mémoires que son père a écrit a posteriori pour raconter la jeunesse de ce dernier, en particulier son service militaire au Sahara alors espagnol durant la guerre avec le Maroc (1957-58). Le second "Jamais je n'aurai 20 ans" (2016), qui se situe chronologiquement avant le premier tome, évoque la jeunesse de ses grands-parents Isabel et Jaime, tous deux engagés dans la lutte contre Franco durant la guerre civile espagnole (1936-39). Avec "Nous aurons toujours 20 ans" (2020), Jaime nous raconte sa propre histoire. S’il n’est pas indispensable d’avoir lu les autres albums pour apprécier ce dernier récit, ils constituent des témoignages majeurs sur l’histoire récente de l’Espagne. Dans ce dernier tome, telle une autobiographie, Jaime Martín nous raconte les grandes étapes de sa propre histoire tout au long de la transition à la démocratie dans cette Espagne de la post-dictature touchée par la crise économique. S’il y a eu le rock, la drogue et la "débrouille" avec ses amis Bodi, David et Jordi, c’est sa passion pour le dessin, Métal Hurlant, les comics, la BD et Isa, son épouse, qui va finalement lui permettre de bien vivre sa jeunesse, de grandir, d’évoluer et de faire ce qu’il voulait de sa vie. On découvre ce témoignage personnel plutôt positif avec beaucoup d'intérêt. Cette très belle et touchante histoire, parfois dure mais toujours optimiste, nous montre comment sa personnalité s’est forgée et développée à partir de toutes sortes d’influences familiale, scolaire, professionnelle, sociale et amicale. Pour ma part, cet album m'a ramené en arrière lorsque chaque voyage vers l’Espagne était l’occasion d’y dénicher un maximum de BD inédites en français mais et surtout me rappeler ma vie familiale de l'époque en tant qu'Espagnol vivant à l'étranger et se demandant sans cesse si je n'aurais pas mieux vécu en Espagne.Côté dessin, Jaime Martín, comme à son habitude, nous offre des illustrations qui servent parfaitement la narration avec un trait clair et net, des personnages parfaitement reconnaissables au fil du temps et des expressions et émotions parfaitement rendues. La couleur est toujours savamment pensée pour rendre ces pages encore plus agréables à lire. Un album d’une impressionnante efficacité qui nous fait vivre et ressentir ce que l’auteur a vécu à la maison, à l’école, dans la rue, aux manifestations, aux concerts… À découvrir en fin d'album sur plusieurs pages une belle panoplie de photos d’objets d'époque avec notices explicatives ayant accompagné le parcours de Jaime Martín. Un très bel album clôturant une trilogie qui fait honneur à la collection Aire Libre.
SDJuan