MURENA
- Par asbl-creabulles
- Le 17/11/2017
Tome 10: Le Banquet.
Scénario; Jean Dufaux
Dessin: Théo Caneschi
Couleurs: Lorenzo Pieri
Editeur:
Dépot légal: Novembre 2017
Nombre de pages: 54
Alors qu’une partie de Rome n’est plus qu’un tas de ruines et de cendres, les fêtes ont repris dans la cité. Ce soir, c’est Trimalchion qui reçoit. L’empereur en personne est là, accompagné du centurion Ruffalo de la garde prétorienne. Pétrone aussi, venu soutenir Lucius Murena qui souhaite expliquer à Néron que contrairement aux rumeurs qui circulent, l’incendie n’est pas un acte criminel mais la conséquence fortuite d’un simple incident, une torche a embrasé une échoppe. Mais combien de temps ce rapprochement des deux hommes va-t-il durer ? Nul ne peut le dire. Ce qui est certain en revanche, c'est que ces retrouvailles ont bien failli ne durer qu’une seule nuit. Car un ancien gladiateur et un petit homme difforme appelé "Le Besogneux " ont été commandités pour éliminer Murena. Lorsque celui-ci quitte la fête à l’aube, il est roué de coups, poignardé et laissé pour mort par ses agresseurs, ce qui va en partie le sauver car le commanditaire de l’agression ne cherchera pas à le retrouver. C’est la sœur du sénateur Pison qui va véritablement le tirer de ce mauvais pas en le récupérant et en chargeant sa guérisseuse de le rétablir. Cependant, le prix de la vie va se payer bien cher car selon les propres dires de cette dernière, "si le poison combat le mal, la douleur, il peut également emporter avec lui la raison du malade effaçant toute trace de son existence passée, de sa vie antérieure". Murena va recouvrer la santé mais va également devenir une proie toute trouvée pour servir les sombres desseins des ennemis de l’empereur.
Mon avis: La parution de cet album (tome 10 de la série) était attendue depuis bien longtemps, mais succéder à notre ami et regretté Philippe Delaby, brutalement décédé le 28 janvier 2014, n’était pas chose facile.
En 2015, c’est à Theo Caneshi qu’est revenue la lourde tâche de reprendre le flambeau. A l’époque, ce choix m’avait laissé un peu dubitatif. Non pas que je n’apprécie pas le dessin de Theo, bien au contraire comme en témoigne son remarquable travail sur "Le Trône d’argile" et surtout "Le Pape terrible", mais comment allait-il relever le défi ? J’étais donc impatient de voir ce nouvel album qui s’est fait attendre jusqu’à cette fin d’année 2017. Allons droit au but, il m'a fallu quelques pages pour m'habituer à cette nouvelle mouture, sans doute parce que Delaby reste bien présent dans notre subconscient. Mais une fois accoutumé au style de dessin de Theo qui, je dois le dire, est très réussi, son talent saute aux yeux. Il s'approprie chaque personnage avec brio et efficacité, tant Néron, Murena que Ruffalo qu’il marque de son empreinte en leur donnant des visages aux traits plus prononcés. Les scènes de combat sont impressionnantes à souhait. On sent les coups de poing écraser la chair et faire gicler le sang. On ressent presque la douleur. Les paysages, les costumes sont soignés et détaillés, les décors somptueux. L’ensemble est bien équilibré, alternant les scènes contenant une multitude de personnages et de décors – combats de rue, banquet – avec d’autres beaucoup plus paisibles, et se lit avec fluidité.
Soulignons aussi la qualité du travail effectué par Lorenzo Pieri qui nous propose des couleurs harmonieuses donnant de la profondeur au dessin de Théo. Le travail sur la lumière est extraordinaire et saute aux yeux dès qu'on feuillette l'album. Du grand art !
Au scénario, Jean Dufaux comme à son habitude a concocté une intrigue qui nous tient en haleine de bout en bout, s’appuyant sur une machination diabolique ourdie par divers conspirateurs et utilisant au final un Murena ayant perdu la mémoire. On retrouve avec plaisir tout le savoir-faire de Dufaux. Le complot prend de l’ampleur au fil des pages, chaque personnage est bien ancré dans son rôle, l’intrigue se développe sur des bases solides et historiques impliquant des événements ou personnages importants comme Pison ou Pétrone. Vingt ans plus tard, notre héros vit un nouveau départ dont nous suivrons les aventures toujours aussi captivantes avec intérêt, comme à l'époque de Philippe Delaby.
A noter le très bel hommage rendu à Philippe Delaby par Jean Dufaux dans une longue préface et en fin d’album un supplément sous forme de cahier graphique d’une dizaine de pages réservé à la première édition.
Il existe aussi un album de crayonnés en édition unique et numérotée à tirage limité (3500 exemplaires) qui déçoit un peu dans la mesure où les pages sont présentées dans un format un peu trop réduit pour apprécier pleinement le travail réalisé par Theo (certaines planches sans ajout auraient mérité d’être proposées en pleine page).
SDJ