MALAURIE l'appel de Thulé
- Par asbl-creabulles
- Le 29/01/2020
Scénario : MAKYO
Dessin : Frédéric BIHEL
Couleurs : Frédéric BIHEL
Dépot légal : novembre 2019
Editeur :
ISBN : 978-2-7560-9591-2
Nombre de pages : 121
Février 1950. Jean Malaurie en mission de recherche pour le compte du CNRS effectue des relevés de mesure de gélifraction à près de 3000 mètres d’altitude dans la montagne volcanique du Tahat près de Tamanrasset. C’est là qu’il reçoit un télégramme l’autorisant enfin à se rendre au Groenland, une autorisation extrêmement difficile à obtenir. Rempli d’enthousiasme, Jean Malaurie décide de se mettre en route au plus vite et dès le 1er juillet 1950 il embarque à Copenhague sans même attendre les crédits du CNRS prévus six mois plus tard. C’est le début d’un long voyage vers ce territoire isolé où son périple va le mener jusqu’à la communauté d’esquimaux polaires des Inughuit à Thulé, au nord-ouest de l’île, ce comptoir fondé en 1910 par Knud Rasmussen. Là, il va faire la rencontre du chaman Uutaaq auquel Malaurie explique qu’il veut comprendre avec eux le message des minéraux, de la glace, la parole des falaises, etc. – ce n’est pas pour rien que Malaurie sera surnommé "l’homme qui parle avec les pierres" – mais aussi effectuer des prélèvements, des mesures et cartographier la région de Qaaqqutsiaq en réalisant au passage un recensement de la population. Durant cette mission au pôle nord, il va devoir non seulement faire face à une nature qui peut se rendre impitoyable mais aussi se faire accepter par les Inuit, un peuple menacé de disparition entre autres pour des raisons de consanguinité. Rien n’est facile pour cet homme blanc qui va devoir faire preuve de détermination, de jugement, de souplesse et d’habileté pour se faire accepter.
Mon avis: Pour son scénario, Makyo est parti d’une histoire vraie et exceptionnelle, l’expédition de Jean Malaurie et de l’esquimau Kutsiqitsoq au Groenland en traîneau à chiens qui va ainsi les mener au pôle géomagnétique nord (le 29 mai 1951) et à la localité de Thulé (aujourd’hui appelée Qaanaaq). Le récit nous plonge sans modération dans cet univers extraordinaire pour mieux nous faire vivre les difficultés vécues par ces deux hommes tout au long d’un périple difficile réalisé avec courage et détermination. Très peu de dialogues dans ce journal de voyage au profit d’une narration descriptive limpide et claire qui en rend la lecture accessible à tous (heureusement bien au chaud pour nous !). Un scénario fort qui nous tient en haleine qu’il s’agisse de la découverte des paysages polaires d’une nature extrême mais aussi de celle du peuple inuit, de son mode de vie et de ses rituels grâce à un homme qui leur a consacré une grande partie de sa vie. En 1955, Jean Malaurie a publié le récit de son expédition d’une année dans le nord-ouest du Groenland sous le titre "Les derniers rois de Thulé" (adapté par Makyo pour le présent album BD) afin de révéler au monde la vie quotidienne des esquimaux polaires, livre qui sera suivi de nombreux autres témoignages jusqu’à cet appel paru en 2015 sous le titre "Lettre à un Inuit de 2022".Les dessins de Bihel servent parfaitement cette grande aventure en particulier la confrontation avec une nature qui peut s'avérer très hostile pour l'homme. Telles des esquisses, ses illustrations souvent à dominante blanche, grise ou légèrement verdâtre vont à l’essentiel, restituant parfaitement ces immensités polaires aux conditions de vie difficiles. Mais la couleur est également bien présente notamment lors des rencontres et échanges avec les inuits. Le découpage nous offre des pages impressionnantes de beauté. On ressent presque cette froideur omniprésente.
S’appuyant sur les travaux de Jean Malaurie, à la fois explorateur, chercheur et humaniste, mais aussi écrivain et cinéaste, ce bel album, enrichi d’un dossier documentaire, constitue un excellent moyen de découvrir l’univers du Grand Nord et son peuple autochtone inuit.
SDJuan