Le Tirailleur
- Par asbl-creabulles
- Le 19/05/2014
Le Tirailleur.
Scénario: Bujak, Alain.
Dessin et couleur: Macola Piero.
Edition: Futuropolis.
Dépot légal: Mai 2014.
Résumé:
Cette histoire est née de la rencontre entre un ancien tirailleur marocain, Abdesslem El Bachir, qui vit désormais dans la résidence sociale d'Adoma, et le photographe venu lui rendre visite dans le cadre d'une commande. Un lien va rapidement se créer entre les deux hommes et le photographe passera des heures à écouter Abdesslem raconter ce qu'il a vécu à l'aube de la seconde guerre mondiale. C’est alors qu'il est parti chercher un baril de pétrole pour sa famille qu’un ami convainc Abdesslem d’aller voir les forces armées françaises. Mais comme beaucoup d’autres Marocains, il va se retrouver enrôlé de force pendant quatre ans dans le 4e RTM (Régiment de Tirailleurs Marocains). Et lorsque son frère le retrouve, Abdesslem est tellement impressionné par l’armée qu’il décidera malgré tout d’y rester. Pourtant, comme beaucoup ne parlent pas français, au lieu d'aller sur le front, ils se retrouvent corvéables à merci dans les pires conditions. Après la victoire des Allemands, les Marocains du 4e RTM sont abandonnés avec pour consigne de rejoindre Marseille au plus vite. La plupart à pied en évitant de se faire prendre ou clandestinement dans des camions. C’est là qu’Abdesslem sera fait prisonnier, balloté d’un camp à l’autre pour enfin arriver à Frontstalag, un camp réservé aux prisonniers de couleur. Ce n'est qu'après l'armistice qu’Abdesslem et ses amis seront libérés grâce à l’intervention du roi du Maroc. Malheureusement pour eux, c'était sortir d'une prison pour devenir travailleurs forcés. De retour à Taza, il réintègre le 4è RTM comme formateur de jeunes recrues marocaines. Mais à peine a-t-il revu sa famille que son engagement est automatiquement renouvelé, l’amenant à participer à la guerre en Italie puis en Indochine. Après douze longues années dans l’armée, il pense en avoir fini. La promesse d’une retraite militaire à condition de rempiler une quatrième fois l’incite à rester, à condition de séjourner en France les trois-quarts de l'année, loin de sa famille… mais cela on avait oublié de le lui dire !
Mon avis:
Véritable histoire d’un drame humain, cet album nous relate le triste sort de tirailleurs qui n'ont rien demandé et qui se retrouvent en plein milieu d'une guerre qui leur est étrangère. Des vies enlevées, des enfants arrachés à leur famille sans crier gare, puis traités comme des esclaves, de la chair à canon. La rencontre entre le photographe et Abdesslem a quelque chose de réellement touchant. Un récit bouleversant qui s’achève presque comme un conte, mais un conte des temps modernes avec une fin moins guillerette que celle des contes classiques même si elle se révèle quelque peu réconfortante dans des circonstances aussi dramatiques. En racontant son histoire à un étranger, alors que sa famille n'était pas vraiment au courant, Abdesslem a pu ainsi exprimer tout ce qu'il avait sur le coeur. Émouvant et prenant, le récit nous prend aux tripes. Mais il nous interroge également. Qu'aurions-nous fait à sa place? Le dessin en traits hachurés est très agréable, soulignant les jeux d’ombre et de lumière ainsi que les couleurs tantôt douces, tantôt sombres mais toujours appliquées avec discernement. Un très bel album.