LAMBIL - Une vie avec les TUNIQUES BLEUES
- Par asbl-creabulles
- Le 18/11/2020
Entretiens avec Christelle et Bertrand PISSAVY-YVERNAULT
Dessin : Willy LAMBIL
Couleurs : Willy LAMBIL
Dépot légal : avril 2020
Editeur :
Collection : Dupuis Patrimoine
ISBN : 979-10-34747-58-0
Nombre de pages : 208
On pourrait aisément intituler cette chronique "Blue Retro" ou "Les Vertes Années", faisant ainsi référence à deux albums de cette mythique série.
Lorsqu'on tient dans les mains cette impressionnante "brique" de 207 pages fort joliment illustrées, on se demande bien comment on va pouvoir la digérer.
Et puis, lorsqu'on se lance dans sa lecture, son contenu est tellement passionnant que les heures défilent sans que l'on s'en rende vraiment compte."Lambil, Une vie avec les Tuniques Bleues" est en quelque sorte une gigantesque Madeleine de Proust.
Elle nous plonge, grâce à un auteur qui est à lui tout seul un sacré bonhomme, paradoxal comme on en rencontre probablement peu et rarement dans le monde des bulles, elle nous plonge, disais-je, dans l'histoire tant merveilleuse que tumultueuse de la Maison Dupuis, et oui, celle de Spirou, fleuron de notre bande dessinée belgo-belge.
Au fil d'entretiens répartis de mai 2016 à septembre 2019, Willy Lambillotte nous relate, avec force émotion et sincérité, la vie d'un Passionné (avec un grand "P"), et le mot est faible, dont la vocation (et le terme ici n'est pas trop fort) d'être un jour dessinateur de bande dessinée, est née alors qu'il n'avait que 5 ans !Quand il franchit les portes de l'institution marcinelloise pour la première fois, il en a 16 !!Alors autant vous dire que Lambil, aujourd'hui âgé de 84 ans, en a croisé du monde... après avoir parcouru ses vertes années, celles où il était enfant et qu'il nous dresse un émouvant portrait de son environnement familial, il s'épanche sur ces auteurs, dessinateurs, scénaristes, responsables divers de cette historique imprimerie devenue maison d'édition, qui l'ont accueilli, qu'il a croisés et côtoyés parfois pour le pire mais quand même souvent pour le meilleur.
En effet, cela ne s'est pas toujours passé dans la sérénité ni la joyeuse frénésie que l'on pourrait imaginer.
Comme il le souligne lui-même, parti de rien, engagé comme simple lettreur à 16 ans, devenu le fantastique auteur que l'on sait, il concède encore aujourd'hui, parfois de la tristesse, de l'amertume liées à des épisodes de sa (très) longue carrière même si, à d'autres moments, de belles rencontres ou la naissance d'une phénoménale amitié (entachée cependant de vilaines chamailleries !) avec Raoul Cauvin, son scénariste fétiche, ont cependant enrichi une bien formidable carrière professionnelle.Au fils des questions-réponses, Lambil, spontané, vif et sans langue de bois, dénote d'une mémoire des lieux, des personnes, des événements, d'une exceptionnelle qualité.
Il décrira ainsi trois générations d'auteurs, de créateurs pour lesquels il va se montrer tantôt admiratif, tantôt respectueux et parfois aussi... sans concession, exemple s'il en est des relations d'employeur à employé qu'il a vécues avec la famille Dupuis, pas toujours exceptionnellement chaleureuses.
"Monsieur Charles", notamment, comme on l'appelait était avant tout un homme d'affaires, cela se ressent dans les commentaires distillés de-ci, de-là.Lambil nous décrit donc un monde pas toujours habité de "bisounours", il le fait avec beaucoup de sincérité mais sans trop d'animosité.
C'est un modeste et pourtant qu'est-ce qu'il aurait quand même aimé qu'on lui dise que ce qu'il créait était de qualité, c'est un énorme bûcheur, il a tout concédé à sa vocation, au point parfois de mettre en danger sa santé, tant physique que mentale !
Pour avoir tant apprécié son travail, sur ses séries anciennes, "Sandy et Hoppy", "Koala", "Pauvre Lampil" notamment, et puis applaudi à la reprise des "Tuniques" de Louis Salvérius et bien sûr pour avoir assisté à la consécration de cette saga (pour laquelle Raoul Cauvin vient de signer son 64e et tout dernier scénario), je peux affirmer ici que Lambil est un tout grand dessinateur, un fabuleux metteur en scène doublé d'un décorateur de génie... et je pèse mes mots.
Fou amoureux de son métier, lorsqu'il décrit ses techniques, son travail sur les noirs et blancs qu'il affectionne, ses recherches de documentation (La Guerre de Sécession n'a plus guère de mystères pour Raoul et Willy), perfectionniste à l'extrême, Lambil se révèle être une sorte de funambule toujours sur la corde sensible d'une reconnaissance qu'il n'a pas toujours obtenue à sa juste valeur, toujours inquiet d'un talent qu'il possède mille fois plutôt qu'une, dont, paradoxalement, j'y reviens, il doute encore parfois.
Il peut se montrer dur avec lui-même, il l'est parfois aussi avec un public qui lui est pourtant fidèle mais à chaque fois il ne peut s'empêcher de se poser des questions, doutant par exemple et pestant contre l'image de dilettante que ce même public peut avoir d'un métier particulièrement ingrat (ne jamais oublier que vouloir devenir dessinateur de BD a longtemps été moqué, dénigré et méprisé).
Lambil est un auteur multi-facettes, dessinateur et aquarelliste réputé, on l'oublie parfois, ces rencontres permettent d'entrevoir un personnage singulier, attachant, pas toujours lisse, parfois déconcertant mais qui ne laisse pas indifférent.Bref, un parcours personnel, professionnel très riche, sans aucune uniformité et ce n'est pas un jeu de mot rapport à la série que nous aimons depuis si longtemps et que nous souhaitons encore pouvoir apprécier... mais c'est une autre histoire...
Je vous invite dès lors chaleureusement à découvrir ce beau "roman" d'une vie drôlement bien remplie.
Pour Créabulles asbl,
Bernard Defrère