LA NEIGE ÉTAIT SALE
- Par asbl-creabulles
- Le 15/03/2024
La neige était sale
Scénario : Jean-Luc FROMENTAL
Dessin : YSLAIRE
Couleurs : YSLAIRE
AdapGeorges SIMENON
Dépot légal : Janvier 2024
Editeur : Dargaud
Collection : Simenon, Les Romans.
EAN/ISBN : 978-2-505-11580-9
Nombre de pages : 97
Je n’ai pas lu ce roman de Simenon.
Je n’ai lu qu’un Maigret.
Et aussi Le Chat, reçu un jour lointain de Guy (aventurier qui a disparu comme il a vécu).
Pourtant, je devrais aimer mais je lis déjà tellement d’autres auteurs…
Mais Bernard Hislaire (Yslaire), je l’ai bien connu et lu mais perdu hélas aux détours des fils de la toile du XXe Ciel. J’ai essayé puis j’ai abandonné et pour ne pas le peiner je n’ai jamais osé lui avouer.
Et voilà que je le fais ici…
Mais depuis, il a repris Sambre puis nous a offert Baudelaire en cahiers, en récit et en illustrations des Fleurs du Mal.
Cadeau des Dieux ou son Art atteint un niveau supérieur mais pas encore ultime.
Et il ne m’en voudra pas de ma confession car maintenant il est devenu fort.
La neige était sale est un nouveau pas dans son ascension artistique. Et un grand !
Je laisse de côté le scénario. Adaptation maîtrisée du grand scénariste qu’est Jean-Luc Fromental. Il est parfait.
Je m’attache uniquement au côté artistique de l’œuvre.
Première planche page 5 : une grande case grise riche de détails qui montre un quartier détruit par une guerre. Un bâtiment est intact. Le rez-de-chaussée est un bar d’où perce une lumière rose qui éclaire une jambe gainée d’un bas dans la dernière case.
C’est un lieu de perdition.
La troisième planche montre des vilains aux habits épais où le rose traversant la fenêtre teinte la noirceur de la nuit.
Deux des personnages importants de l’histoire entrent en scène observés par Simenon lui-même.Yslaire utilise des techniques différentes dans certaines cases et l’effet obtenu est parfait comme dans la troisième case page 11. Le personnage à l’avant-plan dans l’ombre est dessiné avec des traits épais et précis puis le dessin devient de plus en plus léger mais toujours précis au fur et à mesure que le regard avance dans la pièce.
Le jeu des lumières, des couleurs et le trait rendent cette scène si réelle dans le vécu de ces personnages de papier.
Les deux pages suivantes sont de l’expressionnisme, du fantastique, du roman noir.
Après, nous voilà dans une bonbonnière. Quel contraste!
Ce vieux rose chair est parfait.
Il faut saluer et remercier Lola Hislaire pour son assistance précieuse à la réalisation des fichiers couleurs (extrait des notes en fin de volume).
On passe d’ambiances rosâtres à des touches de vert ou bleu passé du plus bel effet.
Parfois le dessin est si réaliste qu’on s’extasie.
Les pages 30 à 34 d’un brun-jaune inquiétant montrent une des scènes les plus noires de l’album.
Jusqu’à présent, aucune onomatopée ne s’affiche dans les cases.
Et pourtant, on entend les bruits dans les silences.
Le dessin est si fort qu’on les imagine.Regardez le gros plan sur le visage de la 4e case page 49 et comparez avec celui de la dernière case page 51.
Deux techniques différentes mais si expressives.
Il y aura encore quelques cases très sombres, chargées d’obscurité mais à partir de la page 66, elles deviennent plus claires, le trait est souvent plus fin.
Jusqu’à la grisaille finale ou bizarrement le rose réapparaît dans une case. D’où vient-il ?
Le lecteur peut lire ce beau livre en regardant des cases si riches d’ambiance, en admirant les couleurs, en analysant les gestes, les expressions de tous ces personnages si bien représentés puis enfin accéder à la lecture d’une adaptation si adulte et si réussie d’un roman de Georges Simenon.
Je dois avouer que pendant ma lecture j’ai pensé à une ville belge ou française pendant l’occupation. J’ai même pensé que le personnage principal était juif. J’avais tout faux.
Aucun lieu n’est nommé, aucune nation n’est citée, aucun uniforme n’est typé.
Et la croix rose n’est pas juive. Honte sur moi, l’ignorant !
Je ne sais pas pourquoi mais cette noirceur fantastique observée dans certaines cases me fait rêver à Bernard Hislaire donnant vie au Docteur Jekyll et Mr Hyde ou à Nosferatu ou pourquoi pas à certains contes de Poe qui ne l’oublions pas a été traduit par Baudelaire.
Voir aussi l'expo à la Galerie Champaka du 29-02 au 23-03
M. Destree