LA DÉSOBÉISSANCE D'ANDREAS KUPPLER
- Par asbl-creabulles
- Le 23/11/2020
Scénario : Eric CORBEYRAN
Dessin : Manuel GARCIA
Couleurs : DEGREFF
D'après l'ouvre de Michel GOUJON
Dépot légal : Octobre 2020
Editeur :
Collection : Mirage
ISBN : 978-2-413-02631-0
Nombre de pages : 106
1936, les IVe Jeux Olympiques d'hiver se déroulent en Allemagne, plus précisément en Bavière dans la nouvelle station de ski de Garmisch-Partenkirchen. Pour l’Allemagne nazie, l’événement a surtout été un outil de propagande à la gloire d'Hitler et du Parti national-socialiste qui affirme de plus en plus son emprise sur le pays. Venu de Berlin couvrir les jeux, le journaliste Andreas Kuppler vient d’assister à la cérémonie de clôture qui s’est parfaitement déroulée. Plus tard dans la soirée, Andreas, dont le couple vacille, décide de s’accorder un moment de répit. Il se joint à la soirée organisée par les Américains au piano bar du grand hôtel. Il fait la connaissance de Suzanna Rosenberg, une belle femme juive new-yorkaise, avec laquelle il danse sur des rythmes de jazz et de rumba. Ce comportement "déplacé" va rapidement lui attirer des ennuis à commencer par les reproches de la direction de son journal qui lui avait déjà imposé de prendre la carte du parti nazi, ceux de son épouse Magdalena avec qui décidément rien ne va plus tant sur le plan relationnel que sur celui des opinions politiques, de ses beaux-parents, des conservateurs fervents admirateurs des nazis qu’Andreas juge trop sympathisants à son goût et qui ne lui sont d’aucune aide… mais lorsque la Gestapo commence à enquêter, le piège se referme sur Andreas, considéré comme étant passé dans le camp des ennemis du Reich … Mon avis : Adapté du roman de Michel Goujon (initialement publié en 2013), le scénario d’Éric Corbeyran nous relate de manière plus succincte, format BD oblige, le destin d’un journaliste allemand dans une Allemagne qui se transforme en dictature. Tandis que sa vie personnelle et familiale se dégrade, il assiste à la lente transformation de la société allemande. Il s’interroge – sans doute trop – ce qui lui vaudra par la suite d’être considéré comme un opposant. Il est envahi par le doute et la peur mais comme tous ceux, nombreux, qui ont dû subir l’idéologie nazie sans y adhérer, que peut-il faire face à un tel raz-de-marée. La pression nazie se fait chaque jour plus forte. C’est une escalade dans l’oppression, de plus en plus destructrice pour qui se refuse à suivre le mouvement, le parti, ce que l’album rend très bien. La tension est presque palpable, anxiogène et étouffante. Sur fond historique, ce récit tout à fait prenant qui se lit d'une traite développe de manière intense, sombre comme un polar, plusieurs thématiques, la guerre bien sûr, la dictature avec ses faits tragiques et ses conséquences mais aussi leurs répercussions psychologiques sur les populations.En charge des illustrations, Manuel Garcia fait preuve d’un savoir-faire d'une redoutable efficacité. Son dessin restitue comme il faut cette atmosphère noire et pesante. On connaît surtout Manuel Garcia par son travail sur les comics US où il est très à l’aise mais aussi la BD franco-belge dans les genres tour à tour historique (Le Troisième fils de Rome, Une génération française, Face à Face), polar (Les Voleurs de beauté) ou fantastique (La Terre des Vampires). À travers son dessin, on accompagne le journaliste, on est dans ses pensées, sa solitude, ses envies et ses peurs. De très belles cases à l'encrage marqué, ténébreux, des regards impressionnants comme celui de l'agent de la Gestapo, mais aussi de très beaux décors y compris sous la neige. Le choix des couleurs de Degreff accentue encore un peu plus ce côté sombre en mêlant l'orangé et le bleu sur certaines scènes, comme sur la couverture.
Un très bon album, constituant une belle entrée en matière pour découvrir de manière plus approfondie un sujet grave toujours d’actualité.
SDJuan