DAS FEUER
- Par asbl-creabulles
- Le 31/01/2019
Das Feuer
Scénario : Patrick Pécherot
Dessin : Joe Pinelli
Couleurs : <N&B>
Dépot légal : Octobre 2018
Editeur :
Collection : écritures
Nombre de pages : 200
Des hommes de plusieurs générations, de toutes races, de toutes confessions et idéologies, sont obligés de trouver le plus vite possible un refuge ou de creuser une tranchée et d’y rester cachés dans la terre, dans la gadoue sous la pluie, trempés jusqu'aux os de suées froides, au mieux exténués mais très souvent blessés physiquement mais aussi au plus profond de leur âme, affamés et assoiffés, horrifiés ou complètement dépassés, paniqués, les adjectifs viennent à manquer. Le tout sous le fracas des tirs de fusils et de mitrailleuses ou d’artillerie, sous une pluie d'obus, sous les bombardements incessants qui laissent les hommes déchiquetés ou mutilés comme pour souligner cette torpeur, cette impuissance. Une guerre sans nom, assourdissante, meurtrière et bien trop longue.
Mon avis: L’action se situe du côté allemand durant la Grande Guerre de 14-18, qui n'a de grande que le nom tellement elle ressemble à tant d'autres par son atrocité et cette monotonie de l'horreur et de la souffrance. On se rend vite compte avec cette adaptation BD du récit de guerre "Le Feu" (sous-titré "Journal d’une Escouade") écrit par Henri Barbusse en 1916 que l'ennemi n'est pas seulement l'adversaire mais aussi les éléments naturels du paysage: sols, modelés, végétation, climat. Lorsque l'eau vient se mêler à la terre, le sol se transforme et devient presque mouvant et, horreur suprême, mêlé de sang et de corps déchiquetés. L'horreur est partout et toutes les difficultés du monde s’additionnent et se dressent contre l’homme. Le scénario, présenté sous forme de chapitres et d'étapes destinés à nous faire vivre chaque instant, alterne texte et illustrations quasiment sans dialogues. Il commence par des énumérations qui soulignent le contexte de l’horreur annoncée: "Nous sommes treize millions deux cent vingt mille hommes mobilisés, un million cent cinquante-deux mille huit cents prisonniers", puis l’auteur présente et dépeint quelques-uns de ces hommes aux mines lugubres avant de reprendre, comme si cela ne suffisait pas, son énumération qui glace le sang. "Nous sommes un million cent cinquante-deux mille huit cents prisonniers, quatre millions deux cent mille et cinquante-huit blessés". Et pour bien souligner et faire comprendre l'horreur, il y a les morts: "Deux millions trente-trois mille sept cents morts et disparus". Un récit glaçant sur les horreurs et atrocités d’une guerre mais qui peut s’appliquer à n’importe quel autre conflit de par le monde.
Les dessins en noir et blanc à dominante grise et sombre restituent au mieux la vie terriblement triste et effroyable des soldats mais surtout l'horreur et la noirceur de la guerre. L’auteur utilise des traits hachurés, faussement gribouillés pour dépeindre des visages gris presque défigurés qui ressemblent plus à ceux d’hommes morts, des masses humaines informes, des paysages monotones et semblables, ondulés, détrempés, jonchés de cadavres et de blessés au milieu d'êtres certes vivants mais vidés de toute force, découragés et sans espoir aucun. La survie est le seul ressort qui les soutient. Les dessins se répètent à l’image de la répétition des mêmes gestes et actions de survie comme celui de sauter dans un trou pouvant servir de tranchée et d’abri. Les dessins sont uniformes et pas très beaux visuellement mais atteignent leur objectif en exprimant parfaitement la dure réalité de la guerre.
SDJuan